Les monarques républicains
En France, les présidents ont toujours vécu
dans le luxe. Les dépenses de l'Elysée n'ont jamais été contrôlées.
Aujourd'hui, François Hollande souhaite faire des économies. Du moins, un peu.
Situé à côté du PC
Jupiter – le poste de commandement du feu nucléaire installé sous les jardins
de l'Elysée - se trouve un des lieux les plus secrets du palais présidentiel :
ses caves. Près de 15 000 bouteilles des meilleurs crus français – Châteaux
Petrus, Figeac, Ausaune et Yquem - sont entreposées sous ces voûtes.
Depuis 2007, c'est une
femme, Virginie Routis, qui choisit quels vins auront l'honneur de la table
présidentielle. La chef sommelière de l'Elysée n'est toutefois pas autorisée à
faire trop de confidences. Elle dira seulement que tous les vins sont français
et qu'ils coûtent moins cher qu'à une certaine époque.
- Un budget royal
La Cour des comptes a
déjà complimenté le président Hollande pour les six millions d'euros qu'il a
permis d'épargner au bout d'un an de mandat en économisant non seulement sur
les vins, mais aussi sur les frais de bouche de ses réceptions, les décorations
florales, les voyages et autres dépenses. Et pourtant, on ne peut pas dire que
le président se soit tellement serré la ceinture. Avec un budget annuel de
102,9 millions d'euros, il peut encore dépenser plus du double que la reine
d'Angleterre.
De fait, les
présidents français, qui gouvernent depuis le “palais” de l'Elysée, ont
longtemps pu régner comme des rois sans couronne. Jusqu'en 2008, les dépenses
présidentielles échappaient à tout contrôle. Les diverses majorités au
Parlement approuvaient le budget de l'Elysée sans jamais poser trop de
questions. Cela ne se faisait tout simplement pas de surveiller les comptes du
monarque républicain. Charles de Gaulle jugeait inutile de faire contrôler ses
dépenses, et il faut dire que dans son cas, cela n'était pas nécessaire : le
général faisait même établir les factures d'électricité de ses appartements
privés à l'Elysée et les réglait de sa poche.
Tous ses successeurs
n'eurent toutefois pas la même élégance et finirent par céder au cémémonial de
cour inspiré par tant de lustres, de colonnes dorées, de pilastres, de damas et
de marbres.
- Un luxe qui semble plaire à Hollande
Aujourd'hui encore, le
président français peut se sentir comme un être élu, constamment devancé par un
laquais en livrée, arborant chaîne en or et gants blancs, chargé d'annoncer
solennellement : "Monsieur le Président". Les journalistes, dont certains
l'avaient traité "d'incapable" en une de leurs journaux, se lèvent
désormais respectueusement chaque fois que le président arrive pour une
conférence de presse. François Hollande, qui avait promis durant sa campagne
d'être un président “normal”, apprécie manifestement toutes ces marques de
respect. Alors qu'il s'était engagé, en tant que candidat, à résister aux
coulisses monarchiques, le président Hollande s'est bel bien mis en scène, le
14 juillet dernier, devant les allées fraîchement sablées de l'Elysée.
Le président
s'accommode dorénavant aussi d'autres privilèges liés à son statut. En 2007,
lorsque Nicolas Sarkozy avait investi le pavillon de la Lanterne, non loin du
château de Versailles, François Hollande n'avait pas manqué de souligner ses
mauvaises manières. Aujourd'hui, il y a lui-même élu domicile après y avoir
installé une piscine et un cour de tennis. Et son Premier ministre n'a rien à
dire non plus. Cette décision a bien fait tiquer la cour des comptes, mais
voilà, il n'y a pas de règles, seulement des coutumes. Et l'une d'elles mettait
le pavillon de la Lanterne à la disposition du Premier ministre.
- Un vrai contrôle, pour bientôt ?
C'est avec une grande
compassion que Bernadette Chirac avait écouté l'ancien chancelier allemand,
Gehrard Schröder, expliquer qu'il devait lui-même payer les frais de ses
déplacements privés. "C'est monstrueux !", s'était exclamée la
première dame à propos de cette “manie du contrôle”. De son côté, son président
de mari prophétisait : “Nous aussi, nous en serons là dans quelques années”.
Et effectivement, un
député socialiste de Picardie, René Dosière, rêve depuis longtemps de renforcer
les contrôles sur les dépenses du plus beau palais de la république. Pour lui,
le président ressemble à un “monarque absolu”. Auteur de deux ouvrages sur la
question – L'argent caché de l'Elysée
(Seuil, 2007) et L'argent de l'Etat
(Points, 2013) -, le député réclame la publication des comptes de l'Elysée.
Nicolas Sarkozy avait fini par céder et avait révélé une hausse de 140% de ses
propres émoluments.
François Hollande a
promis de continuer à réduire les dépenses. Il n'y a que le fromage – rayé de
la carte par son prédécesseur – auquel il ne renoncera pas. Une décision qui a
réjoui le chef de l'Elysée mais pas sa compagne, Valérie Trierweiler, qui confiait
dans un entretien que le président devait faire attention à sa ligne.
Source Courrier International
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