Petites leçons de népotisme
Entré il y a bien
longtemps dans la politique pour assouvir ce besoin de résoudre les problèmes
des autres même quand ils n’en avaient pas, vous y êtes resté suffisamment
longtemps pour en connaître tous les rouages, tous les coups fourrés et les
manigances sordides. Ayant sacrifié votre vie à votre carrière, vos rejetons,
de solides bons-à-rien glandouilleurs, doivent maintenant être casés rapidement
ou risquer de devenir d’encombrants fardeaux. Ferez-vous l’erreur d’un
népotisme trop visible ?
Pour éviter ce piège,
voilà quelques conseils que vous devrez suivre impérativement pour éviter
l’écueil de ce favoritisme risqué qui pourrait vous coûter cher médiatiquement.
Leçon n° 1
Le premier conseil est
d’évidence mais il fait partie de ces banalités qui doivent être rappelées
régulièrement : pour placer votre progéniture aux sommets, attendez tout de
même qu’elle ait fini ses études. Si la valeur n’attend certes pas le nombre
des années, pour certains postes, il faut tout de même avoir un diplôme ou au
moins pouvoir prétendre avoir accompli un cycle d’études complet. On se
souviendra des déboires d’un certain Jean Sarkozy lorsqu’il fut subitement
propulsé à la tête de l’EPAD (établissement public en charge de l’aménagement
du quartier La Défense) alors que son diplôme de droit n’était pas
encore tout à fait acquis et qui avait légèrement fait rire dans les
journaux, au point de forcer le pouvoir en place à ne pas valider l’option
prise et renvoyer le cher enfant à ses études.
Leçon n° 2
Le second conseil sera
plus subtil : si népotisme il y a, ne l’accompagnez pas d’une juteuse
subvention qui finira par se voir dans les comptes de l’institution publique
que vous pilotez ! Bien sûr, placer un fils ou une fille quelque part nécessite
parfois un petit encouragement financier envers cette institution qui subira
accueillera votre descendance mais la somme doit rester modeste. Et non,
400.000 euros n’est pas une somme modeste, monsieur Huchon, même s’il s’agit de
votre fils et de votre belle-fille, et qu’un musée du Chili se trouvera
ragaillardi par cette arrivée pratique d’argent du contribuable français (et
francilien, en l’occurrence). Quelques discrètes enveloppes, quelques milliers
d’euros et une bonne bouteille, ça passe encore, mais plusieurs centaines de
milliers d’euros, non. La démesure peut vous perdre, éloignez-vous en !
Leçon n° 3
Le troisième conseil
vous imposera la discipline de népotiser avec jugeote : si vous devez pistonner
votre enfant, assurez-vous qu’il ne soit pas trop ostensiblement mauvais ou
trop en décalage avec le niveau requis. Par exemple, Amin Khiari, le fils de la
vice-présidente socialiste du Sénat, a été viré du Pôle Léonard de Vinci parce
qu’il manquait cruellement de compétences, mais touchait tout de même 165.000
euros par an. Le pompon, bien sûr, fut lorsque sa délicieuse maman tenta de
récupérer pour lui … la
présidence de l’EPAD, celle-là même qui avait vu exploser Jean Sarkozy en
vol quelques années plus tôt !
En tout cas, retenez
que vos lardons devront avoir un niveau minimum sauf à se faire repérer. Et
n’essayez pas l’EPAD, c’est mort de chez mort, vérolé autant par l’UMP que par
le PS.
Leçon n° 4
Le quatrième conseil
vous concernera plus directement : si vous tentez le népotisme, c’est bien
parce que vos enfants, aussi peu capables soient-ils, comptent un peu pour
vous. Dans ce cas, épargnez-les des querelles internes de votre parti, qui
pourraient rejaillir à mauvais escient lorsque vous aurez enfin réussi à placer
vos rejetons. Ceci vous évitera les sueurs froides qu’on devine sur l’échine
courbée par le labeur d’un Jean-Yves le Drian auquel sera revenu la lourde
tâche de déminer les
bisbilles intestines dans les différentes ailes du Parti Socialiste,
bisbilles ressorties à la suite de l’embauche de son fils Thomas en qualité de
chargé de mission auprès du président du directoire de la SNI, une boutique de
gestion de parc HLM…
Leçon n° 5
Enfin et surtout, quoi
qu’il arrive, partez du principe qu’à l’heure d’internet, qu’en cette période
où tout finit par se savoir, se twitter, se partager sur Facebook, votre
népotisme ressortira à un moment ou un autre. Dans ce cas, et même si c’est
évident, niez toute tentative de favoritisme, niez farouchement comme jadis
certains ministres le firent, « les yeux
dans les yeux » s’il le faut. N’admettez rien, et mieux,
contrattaquez vertement en traitant vos adversaires de fachos ou d’extrémistes
sans foi ni loi. Et c’est ainsi que même lorsque l’évidence crève les yeux,
même lorsque l’ambassade
de France elle-même corrobore l’information, vous pourrez largement
éparpiller la critique et faire oublier votre coup de piston royal sous les
tombereaux d’accusations
ridicules que vous userez contre ceux qui nuisent à vos intérêts.
Si vous respectez bien
ces différents conseils, et si, de façon générale, vous jouez discrètement et
profil bas, vos enfants jouirons eux aussi des deniers de la République, des
effets de réseau et des petits arrangements et autres renvois d’ascenseur que
la vie politique vous aura aménagés au cours du temps. Vous m’objecterez à
raison que ces conseils ne garantissent pas, même respectés, que vos manœuvres
resteront discrètes ; bien sûr, il faudra toujours s’arranger avec les
journalistes, et ce sera d’autant plus vrai que tous ne peuvent pas être
subventionnés, et que tous ne sont pas de votre bord politique.
Mais rassurez-vous :
la France est un tel fromage qu’un petit trou de plus pour vos enfants y
passera probablement inaperçu !
Source contrepoints.org
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