vendredi 4 juin 2010

Lectures Henry MILLER-Le Colosse de Maroussi

Henry MILLER
Le Colosse de Maroussi
Traduit de l’Américain par Georges Belmont
(4ème de couverture)
J’avais marché les yeux bandés, à pas chancelants, hésitants ; j’étais orgueilleux, arrogant, satisfait de mener la vie fausse et restreinte du citadin ; la lumière de la Grèce m’a ouvert les yeux, a pénétré mes pores, a fait se dilater mon être tout entier. J’ai retrouvé ma patrie ; le monde avec le centre véritable, la signification réelle de la révolution. Aucun conflit guerrier entre les nations de la terre ne saurait troubler cet équilibre… Je refuse catégoriquement toute qualité, dans l’avenir, qui serait inférieure à ce titre de citoyen du monde que je me suis décerné en silence, debout dans le tombeau d’Agamemnon.
(1ere phrase :)
Sans Betty Ryan – jeune femme qui habitait la même maison que moi, à Paris – jamais je ne serais allé en Grèce.
(Dernière phrase :)
Paix à tous les hommes, dis-je, et vie plus abondante !
322 pages – Société Nouvelle des Editions du Chêne 1958
(Aide mémoire perso :)
En 1939, Henry Miller est invité en Grèce par son ami Lawrence Durrell. Originaire de Brooklyn, il vient de passer plus de dix ans à Paris – en fait, il a fait ses débuts d'écrivain dans cette ville. Dès qu'il met les pieds sur le sol héllène, il est séduit, enthousiaste, délirant : il a vraiment l'impression d'être entré sur la terre des dieux, de vivre, à presque cinquante ans, une expérience inouïe.
On ne s'étonne donc pas que, lorsqu'il rencontre une Française qui regrette sa Normandie, il se mette à ricaner et se lance contre cette nostalgie petite-bourgeoise dans un monologue hilarant et féroce. On rit aux scènes cocasses dans lesquelles il s'oppose à des Grecs qui lui parlent de l'Amérique comme d'un pays de cocagne : c'est sa façon de s'élever contre le « cauchemar climatisé» du rêve américain et de ses valeurs matérialistes.
Dans ce torrent de pages drôles, amusantes, inspirées, l'homme qui paraît le mieux incarner l'âme de la Grèce de cette époque, à ses yeux, c'est Katsimbalis. Il devient, avec la puissance de sa vision, le colosse de Maroussi. Ce voyage initiatique le conduit aussi à rencontrer le poète Séféris et bien d'autres personnages. En même temps, il cueille, au gré de ses déplacements, des images qui lui donnent l'impression de devenir le contemporain d'Homère ou d'Hérodote.
Loin d'un lyrisme mièvre, d'un enthousiasme béat – même si on se rend bien compte qu'il en rajoute dans certains passages –, il communique au lecteur sa joie sans borne, d'un ton jubilatoire. Mais cette expérience ne va pas sans réflexion. Qu'on en juge à partir de cet extrait : « La Grèce est la patrie des dieux ; ils ont eu beau mourir, leur expérience se fait toujours sentir. Les dieux étaient de proportions humaines (...) Il faut que le monde redevienne petit, comme l'était le monde grec, autrefois. Assez petit pour inclure chacun de nous. Tant que les hommes, jusqu'au dernier, n'y seront pas inclus, il n'y aura pas de véritable société humaine. »
On le voit, tout un programme. Il écrit cette phrase alors qu'il est retourné vivre aux Etats-Unis. A ce moment-là, encore une fois, l'Europe sombrait dans le feu et le sang. Henry Miller écrivit pendant cette période comme un forcené plusieurs livres. La plupart, considérés comme obscènes au regard des lois, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, furent publiés après guerre en France. Dans le contexte littéraire de cette époque, le Colosse de Maroussi est un livre lumineux. Il le reste aujourd'hui.

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