Joël Saget
Quinze femmes politiques françaises
Réaliser
un bon portrait d’homme politique, c’est saisir le moment souvent très bref où
le sujet relâche le contrôle de son apparence et, par un éclair dans les yeux,
un éclat de rire ou encore une main passée dans ses cheveux, lève un coin de
voile sur son authenticité humaine. On parvient ainsi à éviter l'image
aseptisée et souvent désuète que tentent d'imposer les « experts en
communication ». Dans le cas d’une femme politique, il faut prendre en compte
un paramètre supplémentaire : très souvent, elle redoute d’être réduite à son
image physique. Surtout si elle est jolie.
En novembre 2013, je me suis rendu à Longjumeau pour faire le
portrait de Sandrine Gelot-Rateau. Elle venait de
succéder, à la mairie de cette ville de la banlieue de Paris, à l’ancienne
ministre de droite Nathalie Kosciusko-Morizet (alias NKM) partie faire campagne
dans la capitale. J’ai pris plusieurs images posées sur fond neutre. Cela m’a
donné l’idée de renouveler cet exercice, avant les élections municipales des 23
et 30 mars, avec plusieurs autres femmes politiques françaises en vue. Je
voulais une série posée, en noir et blanc,
avec une unité de fond. C’est quelque chose qu’on ne fait presque jamais à
l’AFP, où la photo de « news » reste au cœur du métier.
La candidate UMP aux élections municipales dans le
7e arrondissement de Paris et ancienne ministre Rachida Dati (AFP / Joël
Saget)
Quinze des
personnes contactées ont accepté ma proposition. Certaines séances, comme
celles avec NKM et Ségolène Royal, ont eu lieu au siège de l’AFP. D’autres se
sont déroulées dans les mairies, les sièges de partis politiques ou encore dans
les couloirs du Sénat. Elles duraient entre trente et quarante minutes en
moyenne. J’apportais le fond et l’éclairage, mais il n’y avait pas de séance de
maquillage ni de coiffeur préalable.
La sénatrice UDI et ancienne ministre Chantal
Jouanno (AFP / Joël Saget)
Ma
collègue de la rédaction en chef photo de l’AFP Sophie Drimal, qui s’est
chargée de tous les contacts avec les attachés de presse, s’occupait de
rassurer les sujets avant et après la séance. Il s’agissait de décontracter les
gens, de les faire entrer dans le jeu. « Alors maintenant, montrez-nous quels
sont vos gestes quand vous faites un discours », leur demandions-nous par
exemple.
Bien sûr,
certaines femmes étaient beaucoup plus à l’aise que d’autres. La ministre du
Droit des femmes et porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem a été
parfaite. Elle nous a laissé nous installer dans son bureau pendant qu’elle
travaillait et elle s’est prêtée à l’exercice avec un naturel formidable.
La ministre du Droit des femmes et porte-parole du
gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem (AFP / Joël Saget)
L’ancienne
ministre de Nicolas Sarkozy et championne de karaté Chantal Jouanno a eu envie
de jouer et s’est laissé photographier en position de combat. Rama Yade s’est
elle aussi montrée légère, vivante et souriante pendant la séance. Marine Le
Pen, Rachida Dati, Valérie Pécresse ou encore Anne Hidalgo ont joué le jeu de
façon sympa, avec simplicité. Mais on a eu beaucoup plus de mal avec Ségolène
Royal, qui n’a jamais lâché une miette du contrôle de son image. Quant à notre
« cliente » la plus hermétique, c’est sans conteste Elisabeth Guigou.
L'actrice, romancière et candidate d'Europe
écologie les verts (EELV) aux municipales dans le 17e arrondissement de Paris,
Pauline Delpech (AFP / Joël Saget)
Avec
Pauline Delpech, candidate écologiste dans le 17e arrondissement de Paris, on a
eu droit à un autre type d’image, entre l’actrice, la romancière, la femme et
la politicienne…
Des
portraits, des femmes, la politique : ce sont les trois ingrédients de cette
série de photos, et chacune des personnes qui a accepté de poser les a utilisés
à sa façon.
La présidente du Front national, Marine Le Pen (AFP
/ Joël Saget)
Se
retrouver devant mon objectif les a obligées à composer avec plusieurs
impératifs parfois contradictoires. Certaines s’imaginaient que je venais
prendre un genre de photo d’identité et ont eu du mal à accepter ce que je
voulais vraiment faire. Tous les politiques cherchent à contrôler leur image,
mais le critère physique entre beaucoup plus en ligne de compte chez une femme
que chez un homme: la plupart des femmes que j’ai photographiées pour cette
série condamnent avec vigueur les canons de la beauté « photoshopée » des
magazines de mode, mais en même temps on sent qu’elles n’y sont pas
complètement insensibles. Et puis, sous l’ère Hollande, chacune veut avoir
l’air la plus « normale » possible, mais dans le même temps elles ont souvent
peur de se lâcher…
La conseillère régionale d'Ile-de-France,
vice-présidente du Parti radical et ancienne ministre, Rama Yade (AFP / Joël
Saget)
Au final,
je ne ressens qu’une seule frustration : ne pas avoir pu photographier la «
reine » de toutes les femmes politiques françaises, Simone Veil. A 86 ans,
hélas, elle a refusé.
La candidate socialiste à la mairie de Paris, Anne
Hidalgo (AFP / Joël Saget)
La candidate UMP à la mairie de Paris Nathalie
Kosciusko-Morizet (AFP / Joël Saget)
La députée du Front national Marion Maréchal-Le Pen
(AFP / Joël Saget)
La secrétaire générale déléguée de l'UMP, député et
ancienne ministre Valérie Pécresse (AFP / Joël Saget)
La candidate du Front de gauche aux municipales à
Sevran Clémentine Autain
(AFP / Joël Saget)
La secrétaire nationale d'Europe écologie les verts
(EELV), Emmanuelle Cosse (AFP / Joël Saget)
La présidente de la commission des Affaires
étrangères de l'Assemblée nationale et ancienne ministre Elisabeth
Guigou (AFP / Joël Saget)
La présidente du conseil régional du
Poitou-Charentes, ancienne ministre et ancienne
candidate à la présidence de la République Ségolène
Royal (AFP / Joël Saget)
La députée communiste et ancienne ministre
Marie-George Buffet (AFP / Joël Saget)
Joël Saget est un photojournaliste de l'AFP basé à
Paris.
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