Ma vie d’expat’ aux Pays-Bas
Le témoignage de Laurent :
« Une fois le projet enclenché, les doutes s’effacent devant l’excitation
et… le manque de temps pour douter ! »
Moyan Brenn Amsterdam(CC BY 2.0)
Une petite présentation ?
Je
m’appelle Laurent, j’ai 40 ans, je vis aux Pays-Bas, à Amsterdam. Je suis
originaire du nord de la France.
Quel est votre métier ?
Je
travaille comme développeur logiciel dans le domaine du web depuis 15 ans. J’ai
d’abord déménagé du nord de la France pour commencer ma carrière à Paris où
j’ai travaillé pour des entreprises franco-françaises et d’autres
étrangères et internationales. J’ai ainsi pu au passage expérimenter, sans être
à l’étranger, les différences de culture et d’approche dans la gestion
d’entreprise et les relations entre collaborateurs : ça a été un élément
qui m’a amené à penser à l’expatriation comme un moyen d’élargir une carrière
professionnelle avec un plafond de verre assez bas en France. La culture
d’entreprise française est très hiérarchisée, avec un mille-feuille assez
impressionnant, et finalement assez peu tournée vers l’international (la relativement
faible maîtrise de l’anglais expliquant sans doute ce manque d’ouverture).
Durant
ma carrière j’ai aussi rencontré des expatriés d’autres pays européens, ce fut
l’occasion d’en découvrir un peu plus sur ces pays que par le tourisme, et
d’avoir un regard extérieur sur la vie en France. On peut déjà faire quelques
comparaisons. Et dans l’autre sens faire des déplacements professionnels à
l’étranger permet aussi d’appréhender mieux la réalité du terrain.
Pourquoi être parti ?
Une
accumulation de signaux négatifs sur le futur de la France, des petites choses
qui rendent le quotidien usant, et évidemment l’envie d’aller vérifier si
l’herbe est effectivement plus verte de l’autre côté de la clôture. Et j’ai
aussi eu l’exemple d’amis qui ont franchi le pas.
Au
niveau des signaux négatifs il y a la question de la dette : évidemment
beaucoup de pays ont un gros stock de dette aussi, mais ce qui est important
c’est surtout la tendance et la capacité à faire passer des réformes
difficiles. Un autre problème est que la société française est de plus en plus
clivée et incapable de débattre rationnellement : des mouvements plus ou
moins spontanés de protestation parfois violente se sont multipliés ces
dernières années.
Dans le
quotidien, un gros ras-le-bol de la morosité ambiante en France : les
Français sont inquiets pour le futur, pessimistes, méfiants et ça se ressent
dans les relations de tous les jours. Et je m’inclus dans le lot car
j’envisageais aussi le futur de façon pessimiste lorsque j’étais en
France : c’est quelque chose dont on se rend encore plus compte une fois
qu’on ne baigne plus dedans. Il y a aussi le problème de l’incivilité :
c’est souvent anecdotique, comme se bousculer dans le métro, mais ça participe
d’une atmosphère générale assez délétère.
Ensuite
pour la qualité de vie : Paris est devenue une ville très chère pour se
loger et le cadre s’est dégradé à vue d’œil ces dernières années (saleté,
insécurité). Sans parler des fameux « mouvements sociaux d’une certaine
catégorie de personnel » qui pourrissent rapidement la vie.
En tout
cas pas pour raisons fiscales : dans mon cas, la différence n’est pas si
énorme qu’elle puisse justifier à elle seule un départ.
La vue depuis mon balcon-Tous droits réservés
Pourquoi avoir choisi les Pays-Bas ?
C’est un
pays plutôt bien situé : pas trop loin de la France, mais pas trop près non
plus !
Blague à
part, les Pays-Bas sont un pays relativement vertueux en termes de finances
publiques et plutôt prospère économiquement avec un taux de chômage pas trop
élevé. Donc en bref : un système politique, judiciaire et fiscal stable ;
une société qui voit l’avenir avec confiance et remplie d’opportunités ;
des relations sociales franches et détendues. C’est déjà un gros plus par
rapport à la France !
Et il
est possible pour un non néerlandophone de trouver un emploi et s’insérer dans
la vie quotidienne facilement : les Pays-Bas ont fait de la pratique de
l’anglais une priorité et pratiquement tout le monde parle anglais. Évidemment
certains emplois nécessitent de parler néerlandais, mais il ne faut pas croire
que tout est bouché si on ne parle pas la langue.
C’est
aussi un pays de tolérance et où existe une culture du dialogue qui permet de
désamorcer les conflits : il y a évidemment des problèmes comme partout,
mais ici je n’ai jamais vu des mouvements de protestation aussi durs et
importants qu’en France.
Mais
quoiqu’il en soit, il ne faut pas y aller pour la météo !
Amsterdam ouest-Tous droits réservés
Avez-vous eu des doutes ? Comment les avez-vous gérés
?
Oui, je
pense qu’il y a de quoi avoir des doutes, car il y a évidemment une part de
risque dans ce genre de projet. Mais la plus grosse période de doute fut en
fait avant de me lancer : une fois le projet enclenché, les doutes s’effacent
devant l’excitation et… le manque de temps pour douter !
Pour
gérer, j’ai trouvé intéressant d’avoir l’avis d’autres expatriés : j’avais
la chance d’en avoir quelques-uns dans mon cercle de connaissances, mais étant
donné que beaucoup de Français se sont déjà expatriés ou projettent de le
faire, il est facile de trouver des forums de discussion, et des dossiers
complets pays par pays. Il faut juste ne pas se laisser trop impressionner par
les commentaires négatifs : un peu comme pour tout avis, ce sont souvent
les personnes les plus critiques qui parlent le plus, les satisfaites prenant
rarement le temps d’aller commenter.
Un bilan aujourd’hui : que vous a apporté
l’expatriation ?
Beaucoup
d’air ! Ça fait un peu cliché, mais il reste vrai que vivre et travailler à
l’étranger donne une vision du monde différente et remet les choses en
perspective. Le fait de parler une langue étrangère la majorité du temps change
aussi un peu la façon de penser les choses. Et puis découvrir une nouvelle
culture de l’intérieur est stimulant.
Le plus
gros point positif est au niveau de la qualité de vie : un cadre de vie
agréable, le fait appréciable de pouvoir presque tout faire en vélo, très
populaire aux Pays-Bas, sans passer par la case transports en commun. Et plein
de petites choses de la vie quotidienne qui font que l’humeur globale est
bonne, il y a beaucoup moins de stress ambiant, un meilleur équilibre entre vie
privée et professionnelle. Ici il est très courant et bien vu pour un homme ou
une femme de travailler en 4/5ème ou 9/10ème pour s’occuper des enfants ou
avoir une autre activité. Il y aurait beaucoup à dire sur la vie
quotidienne : c’est certainement l’occasion d’écrire un autre article.
Non loin de la ville-tous droits réservés
Et au
niveau professionnel je me retrouve beaucoup mieux dans une culture
d’entreprise moins hiérarchique et davantage basée sur le consensus que la
décision du chef.
Est-ce que vous vous sentez encore Français ?
Oui je
me sens encore Français, et je pense que je me sentirai toujours Français même
si je devais me faire naturaliser un jour. Mon attachement à la France doit
sans doute venir du fait que c’est le pays où j’ai passé mon enfance, là où
j’ai construit ma culture et puis le français restera ma langue maternelle.
En
revanche, je me sens de moins en moins concerné par ce qui se passe en France
au niveau politique et civique. Donc je dirais que je me sens en revanche de
moins en moins citoyen français.
Autre chose à ajouter ?
Une
question que doivent se poser les candidats à l’expatriation est celle du
retour : est-ce une expatriation temporaire ou définitive ? Un retour
prévu pour la retraite ? Car le retour peut être assez difficile, ce n’est
pas juste « tout revient comme avant ».
Il
existe un certain nombre d’embûches non négligeables pour l’expatrié qui
souhaite revenir : d’abord l’administration, avec ses nombreux Cerfas, ne
facilite pas les choses. Je pense particulièrement à la Sécu, mais aussi les
petits soucis du quotidien lorsque l’on doit fournir des justificatifs
d’imposition, fiches de salaires, etc. Et certaines conventions font qu’on ne
coupe pas toujours complètement les ponts avec l’administration française.
Source contrepoints.org
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