lundi 30 septembre 2019

Recettes Desserts-Cake aux pralines roses


Cake aux pralines roses

Préparation : 15 mn
Cuisson : 40 mn
Pour 6 personnes
150 g de pralines roses
3 œufs
1 yaourt
10 cl de crème fraîche épaisse
150 g de sucre + 10 g pour le moule
180 g de farine
50 g de poudre d’amandes
1 sachet de levure chimique
15 g de beurre pour le moule
1. Préchauffez le four à 180 °C (th. 6). Beurrez et sucrez le moule. Laissez-le ensuite au réfrigérateur le temps de réaliser la pâte.
2. Dans une jatte, incorporez le yaourt à la crème, puis ajoutez le sucre et les œufs. Mélangez jusqu’à obtention d’une préparation mousseuse.
3. Ajoutez la farine, la poudre d’amandes et la levure. Incorporez délicatement les pralines. Remplissez le moule et enfournez pour 40 minutes.

Conseil
Vous pouvez aussi utiliser des pralines concassées.

dimanche 29 septembre 2019

Recettes Fruits-Figues aux amandes


Figues aux amandes

Préparation : 10 min
Cuisson : 30 min
Pour 6 personnes
6 grosses figues ou 12 petites
125 g de poudre d’amandes
4 œufs
125 g de beurre mou + 20 g pour les moules
100 g de sucre glace
1 cuillerée à soupe de sucre en poudre
2 cuillerées à soupe de rhum
2 cuillerées à soupe d’amandes effilées
125 g de groseilles
1. Préchauffez le four à 180 °C (th. 6).
2. Beurrez 6 ramequins.
3. Rincez et essuyez les figues, fendez-les en croix et mettez-les dans les ramequins.
4. Dans le bol d’un robot, réunissez les œufs entiers, le beurre, le sucre glace, la poudre d’amandes et le rhum. Mixez jusqu’à ce que vous obteniez une crème lisse.
5. Répartissez-la sur les figues et parsemez d’amandes effilées.
6. Enfournez pour 25 minutes environ.
7. Pendant ce temps, faites bouillir 10 cl d’eau avec le sucre en poudre dans une petite casserole. Ajoutez les groseilles égrappées et laissez frémir 5 minutes. Filtrez ensuite ce sirop dans une passoire fine et laissez refroidir.
8. Servez les crèmes tièdes nappées d’un peu de sirop de groseilles.

Conseil
L’hiver, vous pouvez remplacer le sirop de groseilles par une cuillerée à café de pistaches concassées sur chaque ramequin.

Recettes Fruits-Compotée de mirabelles


Compotée de mirabelles

Préparation : 20 mn
Cuisson : 20 mn
Réfrigération : 2 heures
Pour 6 personnes
1 kg de mirabelles
1 citron non traité
1 orange non traité
50 cl de vin blanc doux muscat de Riversaltes
50 g de sucre en poudre
1 gousse de vanille
1 bâton de cannelle (ou 1 cuillerée à café de cannelle en poudre)
5 grains de poivre
1. Lavez, essuyez et dénoyautez les mirabelles. Zestez la moitié du citron et de l’orange.
2. Dans une casserole, versez le vin, ajoutez le sucre, la gousse de vanille fendue dans la longueur, les zestes, la cannelle et les grains de poivre. Portez à ébullition puis baissez et laissez frémir 10 minutes.
3. Ajoutez les mirabelles et poursuivez la cuisson 10 minutes. Le jus doit être sirupeux.
4. Versez dans une coupe, laissez refroidir et réservez au réfrigérateur au moins 2 heures avant de servir.
5. Servez accompagné de glace à la vanille.

Recettes Fruits-Poêlée de chasselas


Poêlée de chasselas

Préparation : 15 mn
Cuisson : 10 mn
Pour 4 personnes
4 grappes de chasselas de Moissac
2 pommes
25 g de beurre
3 cuillerées à soupe de miel
20 g de gingembre frais
1 branche de romarin
1. Coupez les pommes en quatre, ôtez le cœur. Coupez-les en lamelles.
2. Égrainez le chasselas. Rincez les grains et séchez-les bien.
3. Chauffez le beurre dans une poêle. Faites-y dorer les lamelles de pommes 5 minutes.
4. Ajoutez le romarin et le raisin. Arrosez de miel. Faites cuire 3 minutes en remuant délicatement.
5. Ôtez le romarin. Servez chaud en accompagnement d’une volaille… ou d’une glace à la vanille.


vendredi 27 septembre 2019

Lectures Henning MANKELL-Entretien avec Henning Mankell


Entretien avec Henning Mankell

Peu avant la parution de son nouveau roman, Tea-Bag, Henning Mankell était de passage à Paris pour assister à une représentation de sa pièce de théâtre Ténèbres. L'écrivain suédois a accepté de recevoir Lire en exclusivité, dans son hôtel des Champs-Elysées à la décoration toute scandinave. L'occasion d'apprendre de sa bouche pourquoi il avait interrompu les aventures du célèbre inspecteur Kurt Wallander, désormais remplacé par sa fille Linda. Peu disert, méfiant à l'égard des médias, l'homme venu du froid fait un peu figure d'ours polaire mal léché. Avec quarante millions d'exemplaires vendus dans le monde, l'auteur d'Avant le gel et de La lionne blanche ne court pas après la publicité. De prime abord, ce bourlingueur pourrait paraître désabusé, mais son regard s'anime dès qu'il évoque l'Afrique et les laissés-pour-compte. Il a le mérite de rester fidèle à ses convictions humanitaires. Préoccupé par le sort des pays sous-développés et la corruption politique du vieux continent, Henning Mankell se définit avant tout comme un Européen mais séjourne sept mois par an au Mozambique. La gloire et la fortune apportées par ses livres lui permettent de défendre sa terre d'adoption africaine ainsi que les cultures de pays oubliés. Ce forçat de l'écriture n'oublie pas la littérature pour autant. En évoquant la tragédie grecque et John le Carré, il nous livre certaines de ses recettes d'auteur à succès et nous donne des clés pour mieux comprendre une œuvre qui transcende le genre policier.

Comment êtes-vous devenu écrivain?
HENNING MANKELL. Quand j'avais six ans, ma grand-mère m'a encouragé à lire et à écrire. J'ai encore en mémoire la sensation d'être capable de mettre des mots les uns après les autres pour faire une phrase, puis de faire une autre phrase et soudain d'avoir une histoire. Cette sensation était fantastique. Honnêtement, après cela je n'ai rêvé de rien d'autre. Je ne me souviens pas d'avoir rêvé de conduire une locomotive ou ce genre de choses.

A quel âge avez-vous vraiment commencé à écrire des histoires?
H.M. J'ai toujours écrit des histoires car j'ai toujours su que c'était cela que je voulais faire. J'ai commencé par de petites histoires, à l'école. A quinze ans, j'ai quitté la Suède. A l'époque, tous ceux qui voulaient devenir artistes devaient se rendre à Paris. Alors je suis arrivé à la gare du Nord, en janvier 1964. Je n'avais que deux cents francs sur moi et une terrible rage de dents. Je ne connaissais personne, je ne parlais pas la langue... Je suis pourtant resté un an, en survivant grâce à des petits boulots payés au noir...

Quel genre de petits boulots?
H.M. J'ai travaillé à Belleville, dans un petit atelier d'artisanat. Je réparais des clarinettes. C'était assez absurde mais je prenais cela comme une université de la vie. Le reste du temps, j'écrivais. A dix-neuf ans, j'ai écrit ma première pièce de théâtre et à vingt-trois je publiais mon premier livre... Maintenant, je le reconnais, j'ai beaucoup de privilèges. Mais le plus grand privilège que j'ai, c'est de faire aujourd'hui ce que je rêvais de faire autrefois. Tout le monde a des rêves mais pour la majorité des gens, ça reste des rêves. Moi, je les vis.

Vous vivez sept mois par an en Afrique: un rêve d'enfant réalisé?
H.M. C'était également un rêve. Je me suis rendu la première fois en Afrique à l'âge de dix-neuf ans. J'avais le sentiment qu'il fallait prendre mes distances avec l'Europe, avoir cette perspective sur le monde, en dehors de l'égocentrisme européen. Ça a été l'Afrique, et je n'ai pas cessé d'y retourner et d'en revenir depuis quarante ans. L'Afrique me rend encore plus européen grâce à cette distance.

Il paraît que vous rêviez de crocodiles quand vous étiez enfant…
H.M. C'est vrai. Dans la région de Suède où j'ai grandi, je voyais une montagne au loin et une rivière coulait devant chez nous... Le rêve de me rendre en Afrique vient peut-être de là. J'imaginais que le bout du monde était de l'autre côté. Mais en grandissant un peu, mon idée de l'Afrique a changé et je ne suis pas parti là-bas pour voir les crocodiles. Je voulais voir les Africains. Depuis, j'ai l'impression que l'Afrique a fait de moi un meilleur Européen. C'est pourquoi j'y retourne régulièrement depuis si longtemps...

Avez-vous une âme africaine, maintenant?
H.M. Je le pense... J'ai l'habitude de dire que j'ai un pied dans la neige et l'autre dans le sable. Je me sens chez moi ici et là-bas.

Vous aimez donc tout de même la Suède, votre pays?
H.M. Oui. Je suis né européen et je mourrai européen, même si je passe le reste de ma vie en Afrique, car l'Europe représente mes racines, ma langue, ma conscience.

Votre but, à travers vos livres, est-il de véhiculer un message politique?
H.M. Je ne pense pas que l'on puisse écrire de la fiction si l'on a réellement l'intention de délivrer un message politique. Ce que je fais, c'est raconter des histoires. Après, chacun peut y trouver un message. Mais je préfère dire que je cherche à me concentrer sur l'importance de l'histoire. Il se trouve que celle-ci a toujours une dimension politique. C'est la voix que j'utilise. De temps en temps, j'écris aussi des essais journalistiques. C'est le plus direct des messages mais ce n'est pas la même chose.

Le roman policier est-il le meilleur moyen pour critiquer la société contemporaine?
H.M. Je ne dirai pas que c'est le meilleur moyen, car ce n'est pas le seul, mais c'est un bon moyen. Nous savons que la plupart des gens ne lisent rien d'autre que des thrillers. C'est donc un bon moyen de les atteindre. Mais le roman policier peut aussi être une forme très efficace pour raconter une histoire. Il ne faut pas oublier que la fiction criminelle est l'une des plus vieilles formes de littérature. On peut remonter à la Grèce antique: de quoi nous parle Médée? C'est une pièce de théâtre sur une femme qui assassine ses enfants par jalousie, bref un roman policier écrit il y a deux mille cinq cents ans! Cette donnée, le fait que les histoires de crimes soient parmi les plus anciennes, est l'une de mes inspirations. Manifestement, nous aimons lire ces histoires, comme il y a deux mille ans. En tant que genre, le drame, la tragédie, m'a beaucoup influencé.

Shakespeare vous a également influencé?
H.M. Et comment! J'estime que Macbeth est le crime dramatique absolu. Vous pouvez enlever Macbeth et mettre à la place le président Nixon ou quelqu'un dans ce genre. C'est toujours la même vieille histoire. Voici ce que j'essaye de faire dans mon travail, je veux dire par là que je poursuis une vieille tradition en écrivant ce genre de choses...

Vous citez souvent John le Carré parmi vos influences. Y en a-t-il d'autres?
H.M. Sur notre époque, John le Carré est très bon, oui! Sinon, en dehors des vieux auteurs grecs de l'Antiquité qui m'ont beaucoup influencé, il y a des écrivains du Nord. Josef Conrad beaucoup aussi. Et Dostoïevski, évidemment.

On vous a comparé à Simenon... A tort ou à raison?
H.M. Oui, j'ai lu Simenon. Ce qu'il a écrit est remarquable. Mais ses histoires étaient surtout concentrées sur le crime, il n'y avait rien sur la société. C'est peut-être la différence par rapport à moi. Mais naturellement, les histoires de Maigret continuent de vivre... Je suis flatté d'être parfois comparé à Simenon mais je peux aussi souligner cette différence.

Per Walhoo et Maj Sjowall furent les premiers auteurs suédois à réinventer le polar. Ont-ils compté pour vous?
H.M. Ils écrivaient dans les années 1960-1970. A cette époque, je les ai lus, bien sûr. Ils ont eu une grande influence mais ils ont eux-mêmes été influencés par d'autres. Parce que nous écrivons toujours en vivant dans une tradition. Je marche dans les pas de monsieur Simenon, qui lui-même suivait la voie ouverte par Edgar Allan Poe. Et nous descendons tous des Grecs anciens.

Quant à Ingmar Bergman, qui n'est autre que votre beau-père, son cinéma vous a-t-il inspiré?
H.M. Oui, c'est un génie. Et il compte beaucoup dans ma vie actuellement. Nous sommes devenus d'excellents amis. Nous nous voyons souvent, nous discutons beaucoup de musique ensemble. C'est une part importante du processus créatif. J'aime comme lui philosopher sur la musique, sur ces sensations qu'elle véhicule et qu'un livre ne peut pas apporter. Nous avons des discussions de ce genre, sur Bach notamment. Nous parlons essentiellement de musique classique.

Dans vos romans, vos descriptions de paysages font parfois penser à des tableaux. Vous intéressez-vous à la peinture?
H.M. Oui, surtout la peinture ancienne, le Caravage, par exemple. Mais je m'intéresse aussi à des peintres plus récents, comme Edward Hopper. Si mes paysages font penser à des tableaux, c'est parce que j'essaye d'écrire des livres que j'aimerais lire moi-même. Le climat est très important aussi. C'est la première question que l'on se pose le matin: va-t-il pleuvoir? En ce sens, le climat et les paysages ont la même fonction. Ils permettent de créer une atmosphère.

Un point commun rapproche tous vos livres: ils traitent de l'état du monde depuis la chute du Mur...
H.M. Oui, d'une certaine manière. Ce que j'ai essayé de faire, c'est utiliser le miroir du crime pour parler du monde des quinze dernières années. En ce sens, vous avez raison. Mais j'essaye aussi de parler de la relation entre la démocratie et le système judiciaire. Car c'est aujourd'hui un problème commun à toute l'Europe, que ce soit en France ou en Suède. Nous savons comment ça fonctionne et nous ne pouvons accepter cela dans une démocratie. J'entends par là ces scandales de corruption dans la police et chez les juges, ce genre de choses... Si le peuple commence à croire que la justice est corrompue, alors il perd confiance en la démocratie. C'est tout le problème. Nous devons nous battre contre cela. C'est aussi une sorte de message caché de la part de l'écrivain que je suis.

Quel est le principal problème, en Suède?
H.M. Je pense que c'est pareil en France et en Suède. Il y a trop de gens maintenus en marge de la société qui ne trouvent pas de travail, qui ne se sentent pas acceptés, qui n'ont pas les mêmes droits alors que ça devrait être le cas. C'est cela le vrai problème: la société est de plus en plus divisée, entre ceux qui possèdent et ceux qui n'ont rien. Ce problème est en liaison directe avec l'immigration, et c'est le même en France ou en Suède car ce sont des sociétés de classes. Et la cassure est de plus en plus grande.

Est-ce la perte d'innocence de votre pays que vous décrivez à travers vos romans?
H.M. On peut le voir ainsi, oui...

Comment expliquez-vous votre immense succès?
H.M. Je ne l'explique pas. [Rires] Je vais vous raconter une petite histoire... Il y a douze ans, en Suède, nous avons eu une élection pour décider s'il fallait dire oui ou non à l'Union européenne. Je marchais dans les rues de Stockholm et un homme est venu vers moi... Cet homme m'a dit: «Excusez-moi, je reconnais votre visage et je voudrais vous poser une question. Est-ce que monsieur Wallander [héros des romans de Mankell, NDLR] va voter oui ou non à l'Union européenne?» C'était une situation assez ridicule, je n'avais jamais réfléchi à cela. J'ai alors compris que la plupart des gens imaginaient Wallander comme une personne vivante, un peu comme Maigret. Mon héros peut faire des choses bien ou mal, comme vous et moi. Ce n'est pas James Bond. C'est peut-être pour cela que les gens peuvent se reconnaître en lui...

C'est un antihéros?
H.M. Oui, un antihéros.

Vous n'avez pas dit si vous aviez voté oui ou non à l'Union européenne...
H.M. Je pense que mon héros vote le contraire de ce que je vote. Je peux vous le dire maintenant: il aurait voté oui, car j'ai voté non. J'ai voté non pour une raison simple: j'étais effrayé par le fait que l'Europe assiste de moins en moins l'Afrique. Mais c'est ce que je pensais à l'époque. Aujourd'hui, j'essaye d'être aussi positif que possible vis-à-vis de l'Union européenne.

Vous avez déclaré un jour que Wallander n'aurait jamais pu devenir votre ami...
H.M. Quand les gens me demandent si Wallander c'est moi, je réponds: non. Nous avons seulement trois points communs: le même âge, l'amour de l'opéra italien et le fait que nous travaillons beaucoup. C'est tout. Il est vraiment étrange, il a mauvais caractère. Je me suis rendu compte que c'était plus facile d'écrire sur une personne que je n'aimais pas trop.

Wallander est-il un symbole, un miroir, de votre pays?
H.M. Je pense qu'il est typiquement européen. Il aurait pu être français. Il est gros, un peu lent...

Pourquoi avoir interrompu la série des Kurt Wallander après lui avoir consacré dix romans? Vous ne le supportiez plus?
H.M. C'est une question de respect, pour mes lecteurs et pour moi-même. Je ne veux pas que ça devienne une routine. J'ai préféré arrêter avant que ça devienne ennuyeux.

Vous avez donc poursuivi vos romans policiers avec Linda Wallander. Vous-même, avez-vous une fille?
H.M. Non, je n'ai que des garçons. J'aurais voulu avoir une fille mais je n'en ai pas. C'est la vie. Mais j'aime mes garçons.

Pourquoi vos héros sont-ils souvent atteints de maladie: dépression, cancer ou diabète?
H.M. Dans certains cas, ça facilite l'histoire. Si l'on prend l'exemple de Stefan Lindman [le héros du Retour du professeur de danse, NDLR], il a un cancer de la langue. C'est très rare et très dangereux. Il aurait dû en mourir et il parvient à vivre. En plus, la langue est un symbole, bien sûr.

A propos, quelles langues pratiquez-vous?
H.M. Je parle anglais et portugais, je comprends bien le français, mais en ce moment je pense surtout en portugais [langue parlée au Mozambique, NDLR]... Ça crée une confusion.

Vos personnages sont souvent dépressifs. Pourquoi?
H.M. Vous trouvez? C'est plutôt une sorte de mélancolie. Il y en a beaucoup en Europe de nos jours.

Et vous?
H.M. Personnellement, je ne suis pas mélancolique. Mais il y a beaucoup de choses qui m'ennuient dans la situation actuelle. Peut-être suis-je philosophiquement, politiquement très fatigué. Nous vivons dans un monde terrible. Je vous donne juste un exemple: en ce moment même, dix enfants meurent du paludisme. Nous avons la logistique et les médicaments pour les sauver et nous ne le faisons pas. Des enfants meurent ainsi chaque année. Cela me met en colère. Moi aussi, j'ai eu le paludisme. Mais je ne suis pas mort car je viens d'un pays riche.

C'est le sujet de votre dernier livre (publié en Suède), dans lequel vous évoquez les laboratoires pharmaceutiques?
H.M. Ce livre s'intitule Kennedys hjärna (Le cerveau de Kennedy) et sera bientôt traduit en français. Ça parle surtout du sida et de la manière dont les laboratoires testent leurs médicaments mais j'aurais aussi bien pu parler du paludisme. A propos du titre, j'ai utilisé Kennedy comme un symbole. En lisant le rapport Warren sur son assassinat, j'ai appris qu'une partie de son cerveau mitraillé avait disparu. Si le cerveau du président américain disparaît, cela veut dire que tout ce qui concerne la vérité peut disparaître. Ce cerveau était une preuve factuelle, il pouvait probablement prouver que Kennedy avait été tué par un ou deux autres tireurs et non par Lee Harvey Oswald. Le problème, c'est que nous ne le saurons jamais car une partie du cerveau a disparu.

Vous écrivez, à la fin du Retour du professeur de danse, que ce livre est bien un roman mais qu'il comporte «un certain nombre de vérités indubitables». Faites-vous allusion à l'histoire de votre pays?
H.M. Nous ne voulions pas que le nazisme revienne. Mais l'idéologie des nazis est encore vivante. Les idées des ultraconservateurs sont les idées basiques du fascisme. Nous devons nous méfier de ces gens parce qu'ils sont encore très puissants en Europe aujourd'hui, car ils fonctionnent en réseau. Je ne parle pas des skinheads et de ces petites merdes de néonazis qui n'ont aucune influence sérieuse et avec lesquels nous pouvons négocier. Je parle de ces gens silencieux qui croient encore à ces vieilles idées. Ceux-là sont très dangereux.

Pourquoi avez-vous créé votre propre maison d'édition, Leopard förlag?
H.M. J'avais le même éditeur depuis trente ans et je ne voulais plus que tout cet argent continue à passer uniquement dans les poches des riches. Il faut que les revenus des livres soient investis dans de nouveaux livres.

C'est pourquoi vous publiez des auteurs africains?
H.M. J'ai essayé de publier des livres qui ne le sont généralement pas et qui sont l'expression de cultures différentes. Qu'ils soient africains, arabes ou asiatiques. C'est mon ambition d'utiliser l'argent que je gagne pour faire connaître des auteurs du Mali, d'Algérie ou d'ailleurs car ils ne sont jamais traduits. Et c'est ce que je fais.

Selon vous, la littérature africaine est promise à un bel avenir...
H.M. Il y a quelques années, la littérature sud-américaine était très importante. Ça a complètement changé. Je pense que c'est au tour de l'Afrique de nous raconter à présent de nouvelles histoires. Une littérature qui permet de comprendre ce qu'est la vie, ce qu'est le monde. Dans les années à venir, il va y avoir un flot de livres africains, c'est ce que je souhaite sincèrement.

Votre nouveau roman, Tea-Bag, est-il un hommage au courage des femmes?
H.M. D'une certaine manière. On parle toujours des hommes qui quittent leur pays pour trouver du travail mais il y a aussi beaucoup de jeunes femmes qui arrivent en Europe, pas seulement pour se prostituer mais pour les mêmes raisons que les hommes. J'ai voulu parler d'elles. J'en ai rencontré comme celles dont je parle mais Tea-Bag, l'héroïne principale, n'existe pas vraiment.

L'un des personnages de ce roman est un écrivain.
H.M. Il n'a rien à voir avec moi... [Rires]

Ce personnage n'arrive pas à écrire de roman policier, c'est de l'autodérision?
H.M. En Suède, tout le monde sait de qui il s'agit. C'est un personnage vaniteux.

Comment écrivez-vous? Utilisez-vous un ordinateur?
H.M. Oui, mais quand j'écris une pièce de théâtre ou un scénario de film, j'écris à la main. Pour les articles et les romans, j'écris sur ordinateur.

Combien d'heures par jour?
H.M. Beaucoup.

Surtout le matin, le soir?
H.M. J'ai écrit ce matin avant de venir. J'écris aussi le soir.

Et vous écoutez de la musique en écrivant?
H.M. Non. J'écris dans le silence.

Piochez-vous des idées dans les livres? Dans les journaux?
H.M. Je peux trouver des idées dans les livres, je peux trouver des idées en observant votre photographe... Les idées viennent de partout. De ce que je vois, de ce que je ressens, de ce que je pense, de ce que je rêve...

Vous prenez des notes?
H.M. Parfois mais pas beaucoup. Je préfère compter sur ma mémoire. Si l'idée s'envole, c'est qu'elle n'était pas importante.

Suivez-vous un plan précis?
H.M. Oui. Je ne commence pas un livre sans savoir ce qu'il y aura dedans. Je connais la fin d'avance. J'ai tout dans la tête.

Y a-t-il une recette pour réussir un bon polar?
H.M. Je ne pense pas qu'il y ait un truc. Vous devez ressentir ce que vous écrivez. C'est aussi compliqué d'écrire un thriller qu'un texte de n'importe quel autre genre littéraire. C'est toujours le même problème pour écrire une bonne histoire. Et c'est ridicule d'écrire dans l'intention de faire un best-seller.

Et votre prochain livre?
H.M. C'est un thriller qui s'intitulera La Chinoise. Je me suis rendu plusieurs fois en Chine, mais je n'en dis pas plus.

On dit que vous êtes l'exportation suédoise numéro deux après Ikea...

H.M. Que voulez-vous que je dise à cela? No comment. Mais je n'ai rien contre Ikea.

Source: Par Tristan Savin (Lire), publié le 01/04/2007


Lectures Henning MANKELL-Entretien avec Henning Mankell


Entretien avec Henning Mankell

Une page se tourne pour les lecteurs férus des romans policiers de Henning Mankell. Le commissaire Kurt Wallander tire sa révérence. Après vingt ans de vie commune, l'auteur suédois prononce le divorce, sans regrets. L'Homme inquiet, neuvième épisode de la série, publié en septembre, est donc bel et bien le dernier. Henning Mankell, l'homme en colère, l'homme pressé, de passage à Paris cet automne alors que les rues ne désemplissent pas de manifestants, s'en explique tout sourire : il a tant à faire, tant à écrire ! Au risque de déplaire à ses lecteurs, il refuse de céder aux vieilles habitudes, et enterre sa série pourtant connue dans le monde entier. Théâtre, littérature de jeunesse, autres romans, édition, action politique : à 62 ans – l'âge aussi de Wallander –, Henning Mankell est sur tous les fronts. Avec une vitalité contagieuse.

Qui est pour vous Kurt Wallander ?
Un personnage de fiction. Depuis dix ans, déjà, je songeais écrire le dernier roman de la série. La rupture a été plus lente que prévu. Mais elle est dé-fi-ni-ti-ve ! Wallander et moi, nous sommes un faux couple. J'ai toujours gardé ma liberté. La série des Wallander ne représente que le quart de ma production littéraire. Jamais je n'aurais imaginé vivre si longtemps avec ce vieux Kurt. Je n'avais pas l'ambition de créer un personnage qui devienne le Suédois le plus connu du monde. Cela s'est fait malgré moi, ce qui faisait bien rire mon beau-père, l'autre star suédoise, Ingmar Bergman. J'insiste : Wallander n'existe pas ! Si les lecteurs ont besoin de lui, pas moi !

Vous ne l'aimez pas beaucoup, ce Wallander ?
Il a des relations étranges avec les femmes, il est assez misogyne, désenchanté, et même dépressif. Il est seul, mène une sale vie, se nourrit mal, boit trop, ne fait pas d'exercice. Il ne porte sur le monde ni analyses ni critiques radicales. Il est plus conservateur que démocrate. Il a raté le coche de l'engagement politique. Il est tourmenté mais glisse sur ses angoisses. Il n'est pas James Bond, il ne fait rien d'extraordinaire. Il ne fait pas peur, il n'est pas méchant, il souffre des mêmes bobos que n'importe qui. Je l'ai même rendu diabétique... Wallander s'est tricoté de petits arrangements. Il est un peu lâche, il évolue, il doute, il vieillit. Il est populaire en Corée, au Japon, en Argentine, car il est monsieur Tout-le-Monde. Chacun peut se reconnaître en lui. C'est la raison de son succès : il incarne l'homme d'aujourd'hui, un type désemparé. Je l'utilise comme un instrument de musique ou un outil : il me permet de raconter des choses essentielles.

Vous avez bien quelques points communs avec lui ?
Oui, trois. Nous avons à peu près le même âge. Nous avons la même passion pour l'opéra italien. Et nous travaillons énormément, lui comme flic, qui n'a, hélas pour lui, que son commissariat comme point d'ancrage, moi, comme écrivain et citoyen engagé. En dehors de cela, rien.

Comment Kurt Wallander était-il né ?
Dès 1989, j'étais hanté par la xénophobie galopante. Le racisme est un crime. Et qui dit crime dit roman policier. Il me fallait donc un détective. Le polar est le genre littéraire idéal pour mettre en scène les dysfonctionnements de notre société, sans pour autant tomber dans le manichéisme. Un écrivain a, pour moi, le devoir de s'intéresser au monde, d'essayer de le comprendre. Si Wallander était français, ou si moi j'étais français, je l'aurais confronté à la révolution de 1789. Je l'aurais obligé à se poser quelques questions sur la France, le pays des Lumières, qui aujourd'hui expulse les Roms. La France, qui était notre phare, s'est aujourd'hui engagée dans un processus à l'opposé de ce qui la fonde. Tout cela m'accable.

Comment avez-vous mûri la fin de Wallander ?
Malgré tout ce que je vous avoue sur ce personnage, il m'était impossible de le voir mort, encore moins d'écrire cette mort. J'avais envie de me confronter à une peur, qui touche de plus en plus de monde, la sénilité. Wallander, peu à peu, se rend compte qu'il a des trous de mémoire, qu'il perd ses moyens. C'est à la fois une fin tragique et douce. On sait qu'une personne sur cinq terminera sa vie de cette façon, touchée par la maladie d'Alzheimer. La décrépitude me terrifie. S'apercevoir que l'on perd la tête est une chose horrible. Le jour de ma mort, je veux savoir pourquoi j'ai vécu.

Aujourd'hui, vous le savez ?
Je ne suis pas encore gâteux ! Je ne me suis pas, loin de là, mis à la retraite. Me dire que j'ai apporté quelque chose à ce monde, me dire que j'ai essayé de le comprendre, ne serait-ce qu'un tout petit peu... ce n'est pas si mal. Un livre ne va pas changer la face du monde, mais on ne peut rien modifier sans la culture. Un écrivain n'apporte pas de réponses. Il pose des questions. C'est le b.a.-ba. C'est un peu idiot dit comme cela. Mais, s'il le faut, je le répète. Rester curieux, avide de l'autre. S'interroger. Se remettre en cause. Chercher les bonnes questions, les mettre noir sur blanc. Le plus beau roman du monde, c'est Robinson Crusoé. Ce livre pose une unique question : Robinson va-t-il survivre ? Et la réponse est dans le livre – c'est formidable ! Je pense que Jean-Paul Sartre aurait aimé écrire une telle histoire. Robinson Crusoé, c'est de l'existentialisme à l'état pur !

Vous sentez-vous libéré de Wallander à présent ?
Je n'ai jamais été prisonnier de lui. Je dois avoir noirci quelque deux mille pages sur Wallander. Je lui ai consacré beaucoup de mon énergie. Mais il n'y a pas que lui dans ma vie. J'ai créé une maison d'édition en Suède, Leopard Förlag, qui publie des auteurs du tiers-monde, africains, asiatiques. Je séjourne régulièrement au Mozambique, où j'anime une troupe de théâtre.

Qu'est-ce vous lie à l'Afrique ?
Enfant, je rêvais de voir des crocodiles. A 19 ans, je suis parti en Afrique et j'ai rencontré des gens ! J'ai été ému par leur dynamisme. Leur volonté. Leur richesse. Leur accueil. J'ai séjourné de longues périodes à Maputo, où j'animais un atelier de théâtre avec les comédiens du Teatro Avenida. Moins maintenant, car je suis trop accaparé par mes livres, les voyages, la maison d'édition. L'Afrique m'a appris à percevoir les défauts de l'Europe. Son indifférence à la misère. Sa frilosité intellectuelle. J'aimerais avoir l'âme africaine. Mais je suis européen...

L'Homme inquiet sonde l'histoire de la Suède et celle de l'Europe. Une histoire toujours trouble, selon vous ?
Nous vivons aujourd'hui sous domination américaine, à tous les niveaux – que ce soit la culture, l'économie, les relations sociales. Même la Suède, qui, durant la Seconde Guerre mondiale, se dissimulait derrière sa prétendue neutralité. A cette époque, on voulait nous faire croire que le grand ennemi, c'était le communisme. L'Occident est tombé dans le piège de la guerre froide. L'assassinat du Premier ministre suédois Olof Palme (1986) demeure toujours un mystère. Intellectuel, bourgeois et cependant travailliste, il avait pris position contre la guerre du Vietnam, donc contre les Etats-Unis. Etait-il pour cela un agent pro-soviétique ? La Suède n'ose pas regarder son histoire en face et vit dans le mensonge, toujours obsédée par l'espionnage russe, tout en niant le rôle caché des Etats-Unis. Mais si l'on refuse de connaître l'histoire, on ne peut appréhender le futur ! En voiture, il faut regarder dans le rétroviseur pour éviter l'accident, non ? Nos gouvernants ne regardent ni dans le rétroviseur, ni loin devant. S'ils l'avaient voulu, bien des problèmes internationaux auraient pu être résolus. Pendant que je vous parle, mille enfants meurent de la malaria. Que fait-on ? Que font les laboratoires pharmaceutiques, à part gagner de l'argent ? Nous sommes sans boussole. Nous vivons dans le chaos. Nous avons perdu le passé, nous courons après le futur, une nouvelle voiture, une nouvelle femme, de nouvelles vacances.

Aux yeux des Français, ce qu'on appelle le « modèle suédois » apparaît pourtant comme un paradis...
Les belles blondes, la libération sexuelle, la sécurité sociale, c'est une légende. Certes, la Suède reste un pays où il fait bon vivre. Mais c'est une illusion de paradis. Lors des élections législatives de septembre, l'extrême droite a fait une percée spectaculaire. Elle a obtenu vingt sièges au parlement. Partout, en Europe, la haine, le racisme s'installent. C'est le symptôme de pays qui vont mal, économiquement et culturellement. Le conservatisme comme le fascisme naissent de la peur. La peur de l'avenir. L'autre est une menace, l'étranger un bouc émissaire. Les gens s'affolent contre « la montée de l'islam ». C'est oublier que l'islam baigne notre culture européenne. Et que, s'il y a « montée », c'est qu'il y a malaise. Les gens ont recours à la religion pour se protéger, c'est un refuge. Je ne soutiens pas pour autant les extrémismes. Le fanatisme me terrifie.

Cette crainte du fanatisme est au cœur de votre pièce de théâtre Des jours et des nuits à Chartres, qui vient d'être montée à Nice dans une mise en scène de Daniel Benoin...
Mon point de départ est une photo de Robert Capa, prise dans une rue de Chartres, à la fin de l'Occupation. On y voit une femme tondue tenant un bébé dans les bras. Autour d'elle, d'autres jeunes femmes rient, participent à son humiliation. Tondre les femmes qui ont couché avec des Allemands est le premier acte de l'épuration. La femme de la photo, Simone, a échappé au lynchage grâce à quelques Résistants. Longtemps, j'ai cherché comment écrire cette histoire terrifiante, le danger qui toujours nous guette : sombrer dans le fanatisme, la haine, l'exclusion.

Avez-vous toujours été un homme en colère ?
J'ai sur la tête une cicatrice, un coup de matraque reçu par un policier français lorsque j'étais à Paris en 1968. Adolescent, j'ai vite compris qu'il y avait sur terre de mauvaises personnes. J'aime la France mais, en ce moment, je ne décolère pas contre elle. J'ai un dicton qui m'oblige à rester debout : tant que dans le monde une seule personne n'est pas libre ou souffre, personne ne peut être libre ou heureux. J'y crois. Oui, j'ai la rage. C'est pour cela que, en juin dernier, j'ai participé à l'opération « Un bateau pour Gaza ». Je ne comprends pas comment un peuple qui a connu la souffrance peut devenir à son tour un oppresseur. Ce blocus contre Gaza n'est-il pas une forme d'apartheid ? Des gens sont morts dans cette action pacifiste. J'ai écrit alors que je ne voulais plus que mes livres soient traduits en Israël. C'était sous le coup de la colère. Je souhaite évidemment que les Israéliens puissent continuer de lire mes livres.

N'êtes-vous jamais las ?
J'ai vieilli, je vais davantage aux enterrements qu'aux mariages désormais, c'est la vie. Parfois, je suis triste. Mais je sais aussi être heureux : je fais le métier dont je rêvais tout gamin. Je suis seul à ma table de travail, j'écris, et des millions de gens me remercient. Comment pourrais-je être mélancolique ou pessimiste ? Quitte à paraître naïf, je crois à la raison, aux valeurs liées à la philosophie des Lumières. Je crois également à la jeune génération. Les jeunes de 15-20 ans qui viennent de manifester chez vous, en France, me donnent de l'espoir.


Source : Par Martine Laval (Télérama), publié le 20/11/2010


Lectures Henning Mankell-Les chaussures italiennes


Henning Mankell
Les chaussures italiennes
Traduit du suédois par Anna Gibson
(4ème de couverture)
A soixante-six ans, Fredrik Welin vit reclus depuis une décennie sur une île de la Baltique avec pour seule compagnie un chat et un chien et pour seules visites celles du facteur de l’archipel. Depuis qu’une tragique erreur a brisé sa carrière de chirurgien, il s’est isolé des hommes. Pour se prouver qu’il est encore en vie, il creuse un trou dans la glace et s’y immerge chaque matin. Au solstice d’hiver, cette routine est interrompue par l’intrusion d’Harriet, la femme qu’il a aimée et abandonnée quarante ans plus tôt. Fredrik ne le sait pas encore, mais sa vie vient juste de recommencer. Le temps de deux solstices d’hiver et d’un superbe solstice d’été, dans un espace compris entre une maison, une île, une forêt, une caravane, Mankell nous révèle une facette peu connue de son talent avec ce récit sobre, intime, vibrant, sur les hommes et les femmes, la solitude et la peur, l’amour et la rédemption.

Né en 1948, Henning Mankell partage sa vie entre la Suède et le Mozambique. Lauréat de nombreux prix littéraires, célèbre pour ses romans policiers centrés autour de l’inspecteur Wallander, il est aussi l’auteur de romans ayant trait à l’Afrique ou à des questions de société, de pièces de théâtre et d’ouvrages pour la jeuness.
(1ere phrase :)
Je me sens toujours plus mal quand il fait froid.
(Dernière phrase :)
Pas plus loin. Mais jusque-là.
340 pages – Editions Seuil 2006 (2009 pour la traduction française)

(Aide mémoire perso :)
" Nous sommes arrivés jusque-là ! "petit mot laissé dans une bouteille vide et enseveli par une fourmilière....qui vient clôturer ce magnifique roman.
Fredrik Welin (66 ans), vit reclus sur une île de la Baltique dans la Suède profonde. Tous les jours, il casse la glace et "descend dans un trou noir pour sentir s'il est encore en vie ". Tous les jours, il tient un journal de bord où sont consignés les moindre changements du temps.
Il a pour seuls compagnons un chien, une chatte et Jansson - le facteur.
Il est comme son bateau, "remisé à sec sous une bâche".
Après avoir grandi dans la pauvreté, entre les larmes de sa mère et les soldats de plomb de son père; Fredrik est devenu chirurgien.
Harriet Hornfeldt, son ex-fiancée, abandonnée et trahie se présente un beau matin sur l'île, appuyée sur un déambulateur, atteinte d'un cancer en phase terminale.
Elle est venue lui demander de "tenir sa promesse" (admirer le lac de son enfance) et en "payer les intérêts" (rencontrer sa propre fille).
Commence alors une lente quête vers une hypothétique rédemption, la recherche d'une paix intérieure.
Sa fille Louise va lui ouvrir les yeux sur la Vie, L'Art (Caravage), les Chaussures italiennes faites sur mesure par Maitre Giaconelli, célèbre bottier romain.
Henning Mankell signe une œuvre magnifique.
Solitude, rédemption, la maladie (la mort), le mensonge, la fragilité de la vie, sont traités avec beaucoup de pudeur et de sensibilité.
Mais également, la problématique - plus actuelle - du mal vivre d'une jeunesse qui peine à trouver sa place dans une société de plus en plus violente.
Un auteur de Polars qui démontre qu'il est un grand écrivain.... Chapeau bas Mr Mankell !

lundi 23 septembre 2019

Lectures Lawrence Durrell-Le quatuor d’Alexandrie



Lawrence Durrell
Le quatuor d’Alexandrie
Traduit de l’anglais par R. Giroux
(4ème de couverture)
La ville d’Alexandrie, que l’auteur connaît intimement et dont il restitue à chaque page la couleur, le rythme et le délire, sert de cadre à cette fabuleuse tétralogie. Alors que Justine, Balthazar et Mountolive se superposent – des événements identiques sur le plans politique, sentimental et sexuel sont racontés de différents point de vue par les héros avec une grande force évocatrice – Cléa est une suite qui fait avancer le roman dans le temps.
« La lecture de ce livre est une aventure qui marque, par sa forme, sa sonorité, sa couleur. Le récit ne progresse pas selon la démarche habituelle du roman, il miroite et ondule dans la trame flottante de cette manière sacrée si rarement invoquée par le romancier : la lumière. » Henry Miller
(1ere phrase :)
Justine - La mer est de nouveau trop grosse aujourd’hui, et des bouffées de vent tiède viennent désorienter les sens.
BalthazarTonalités du paysage : du brun au bronze, ciel abrupt, nuages bas, sol de perle aux ombres nacrées et aux reflets mauves.
Mountolive En tant que jeune attaché d’ambassade promis à un brillant avenir, on l’avait envoyé en Egypte pour qu’il se perfectionnât en arabe, et il fut affecté à la Haute Commission comme scribe, pour ainsi dire, en attendant son premier poste officiel ; mais il se comportait déjà en jeune secrétaire de légation pleinement conscient de ses responsabilités futures.
CleaLes orangers furent plus opulents que de coutume cette année-là.
(Dernière phrase :)
Justine Tout ne dépend-il pas de l’interprétation que nous donnons du silence qui nous entoure ? Si bien que…
Balthazar Il y a encore quelques lignes, et ensuite la formule affectueuse.
Mountolive « A quoi, se demandait-il, Narouz pouvait-il bien rêver maintenant, avec son grand fouet enroulé sous son oreiller ? »
Clea Et je sentis que tout l’Univers venait de me faire un clin d’œil !
1028 pages – Editions Buchet/Chastel Justine 1957, Balthazar 1959, Mountolive 1959, Cléa 1960 (1963 pour la traduction française)

(Aide mémoire perso :)
Je me suis demandé si j’oserais rédiger une note sur Le Quatuor d’Alexandrie, une œuvre immense, une somme de quatre romans rédigés entre 1957 et 1960 et réunis en un seul volume. Après réflexion… pourquoi pas ? Après tout, qui a vraiment lu Le Quatuor d’Alexandrie jusqu’au bout ? Car à l’instar de À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, tout le monde ou presque a déjà entendu parler de ce gros roman de 1000 pages, mais peu de gens l’ont lu, du moins au-delà des cinquante premières pages. Le Quatuor d’Alexandrie, une œuvre magistrale dont je résume les quatre romans.

Justine - Dans le roman d’ouverture du Quatuor, le narrateur, un Anglais qui répond au nom de Darley, se souvient d’Alexandrie et, se souvenant, cherche à comprendre ce qu’il a vécu, confrontant ses souvenirs avec le journal que lui a laissé Justine, sa maîtresse, mais aussi l’épouse de Nessim, lui-même père biologique de la fille de Melissa, sa compagne morte de la tuberculose. Le narrateur fait donc œuvre de mémoire, tranquillement installé sur une île grecque avec l’enfant de Melissa. Le point de vue est celui du narrateur qui, bien entendu, ne sait pas tout, mais néanmoins présente tous les personnages du roman : les frères Hosnani (Nessim et Narouz), leur mère Leilla, Balthasar, Pombal, Scobie, Pursewarden et bien d’autres. Le lecteur, lui, comprend que Darley est épris de Justine dont il craint le mari, Nessim.

Balthasar - Le deuxième roman du Quatuor s’ouvre sur la visite de Balthasar sur l’île de Darley. Ayant eu accès au manuscrit de ce dernier, Balthasar le commente abondamment dans les marges et lui révèle ainsi un tout autre point de vue sur les événements. C’est ainsi que l’on apprend que Darley s’est fait manipulé par Justine et Nessim, tous deux impliqués dans un complot copte allant à l’encontre des intérêts de l’Angleterre en Égypte. Ce deuxième roman offre donc un nouvel éclairage sur le récit, notamment sur la personnalité de Justine et sur certains éléments forts, comme la scène macabre des enfants se prostituant dans un lieu sordide de la ville.

Mountolive - Ce troisième roman est le plus classique des quatre du point de vue de sa narration car, contrairement aux autres, le récit est plutôt linéaire. Il raconte l’histoire de Mountolive, jadis amant de Leïla, mère de Nessim, qui devient ambassadeur d’Angleterre en Égypte. Dans ce récit, Darley devient un personnage secondaire tandis que la famille Hosnani (Leïla et ses deux fils : Nessim et Narouz) prend une importance nouvelle. C’est dans ce roman aussi que Durell présente en détail le personnage de Pursewarden, l’écrivain torturé qui vit une relation ambiguë avec sa sœur aveugle, Liza.

Cléa - Avec ce dernier roman, Durrell refait de Darley le narrateur qui revient à Alexandrie après quelques années d’absence. Darley conduit la fille de Melissa chez Nessim, son père biologique, et se met en ménage avec Cléa. Les Hosnani, en disgrâce depuis que le pouvoir a déjoué leur complot, sont assignés à résidence sur leur terre loin de la ville. Justine, aigrie, ne cherche qu’à quitter le pays. Cléa est le roman de la mélancolie, de la fin d’Alexandrie comme ville ouverte, cosmopolite. Darley retourne sur son île grecque mais, à la fin, il prend la décision de s’installer en France, là où a déjà émigré Cléa.

Le Quatuor d’Alexandrie est un de ces romans qui relate les événements d’une époque, certes révolue comme toutes les époques, mais aussi d’un espace - la ville cosmopolite d’Alexandrie avant la Deuxième guerre mondiale. En effet, après la guerre, la coexistence paisible des différentes communautés n’est plus : la souveraineté arabo-musulmane se fait partout présente, marginalisant - en grande partie grâce aux manœuvres des anciens colonisateurs, à savoir les Anglais - les communautés coptes, grecques, juives, puis européennes. Conclusion, à la fin du récit, Cléa, amie du narrateur, choisit d’émigrer en France, tout comme Durrell lui-même, d’ailleurs, qui y terminera sa vie.

Je viens de résumer une œuvre qui, dans les faits, ne se résume pas, notamment en raison de l’absence de linéarité du récit, C’est d’ailleurs ce qui rend la lecture du Quatuor d’Alexandrie si difficile. Le style de Lawrence Durrell est foisonnant, assez déroutant parfois, mais le lecteur assidu s’y laisse vite envoûter car l’auteur nous entraîne là où il veut, maîtrisant à la perfection le destin de ses personnages. Dans ce récit en boucle, les personnages sont uniques et multiples, comme une marguerite dans un champ de marguerites, d’où leurs différents points de vue sur des événements vécus par chacun d’eux. Le Quatuor d’Alexandrie reconstitue une parcelle d’existence qui, comme la vie elle-même, ne peut être comprise qu’à partir d’un kaléidoscope, laissant apparaître du même coup la fragilité de toute vérité.

Le Quatuor d’Alexandrie est un roman d’une très grande beauté, tant du point de vue de son style que de son contenu. Un roman qui représente une occasion exceptionnelle de s’ouvrir au monde, de pénétrer une société révolue, de fréquenter des gens qu’on n’aura sans doute jamais l’occasion de fréquenter dans notre vie. En effet, seule la littérature nous permet de fréquenter des hommes et des femmes de toutes conditions, dans un axe spatio-temporel quasi infini. Et l’œuvre magistrale de Lawrence Durrell en est une magnifique illustration.

Lawrence Durrell (1912-1990) est né en Inde où il passe les onze premières années de sa vie avant d’être envoyé en Angleterre pour y poursuivre ses études. N’aimant pas le mode de vie britannique, il ne complète pas ses études universitaires et se consacre à la littérature. Après avoir publié sans succès quelques romans, il quitte l’Angleterre en 1935 et s’installe sur l’île grecque de Corfou, île qu’il quitte bientôt pour l’Égypte en raison de la montée du nazisme. Après la guerre, il se fixe à Chypre en tant qu’attaché de presse mais, à partir des années 1950, l’île est en proie à des troubles violents, ce qui l’oblige à émigrer en France. Il y restera jusqu’à son décès en 1990.

Lawrence Durrell a publié de nombreux romans et essais, son œuvre la plus remarquable demeure Le Quintette d’Avignon, une suite de cinq romans publiés entre 1974 et 1985.

dimanche 22 septembre 2019

Recettes de Saison Automne-Liqueur de mûres


Liqueur de mûres

Préparation : 10 mn
Macération : 1 mois
Conservation : 12 mois
Pour 1,5 litre
1 kg de mûres
250 g de framboises
500 g de sucre en poudre
1 litre d’eau-de-vie blanche à 40°
1. Passez les mûres et les framboises au moulin à légumes, grille fine, puis filtrez le jus obtenu. Vous pouvez aussi passer directement les fruits à la centrifugeuse. Pesez le jus obtenu. Comptez 350 g de sucre pour ½ litre de liquide.
2. Versez le jus des fruits dans un bocal préalablement ébouillanté et séché. Ajoutez le sucre. Mélangez afin de commencer à faire fondre ce dernier, puis versez l’eau-de-vie. Fermez hermétiquement
3. Laissez macérer pendant environ 1 mois à température ambiante en secouant le bocal à plusieurs reprises afin que le sucre termine de fondre.
4. Quand le sucre est parfaitement dissous, mettez en bouteilles. Bouchez et conservez au frais à l’abri de la lumière jusqu’au moment de consommer.