Ma vie d’expat’ en Bulgarie
Le témoignage de Marc : « La
réalité n’a pas du tout correspondu aux prévisions. Elle a été très, très
largement supérieure et dans des dimensions que l’on n’aurait jamais pu
imaginer. »
Edward Crompton_Sofia Bulgaria(CC
BY-SA 2.0)
Tout
d’abord je dois commencer par indiquer que j’ai été fortement marqué par le 1er mai 2004. Si vous ne savez pas à quoi
correspond cette date, c’est que vous étiez à l’ouest… en Europe de l’ouest,
car ce jour-là, 10 pays de la partie est de l’Europe faisaient leur entrée dans
l’Union européenne dans une fête gigantesque à l’échelle d’un demi-continent où
chacun se sentait uni de Szczecin à Prague en passant par Limassol.
Soirée
de tous les malentendus où une ferveur réellement populaire s’exprimait dans le
désir légitime de pouvoir vivre juste normalement. Si l’enthousiasme ne retomba
pas immédiatement, les premiers doutes apparurent au fil des années et la
journée du 1er mai prit avec le recul
un sens d’autant plus grotesque que la déception commence à avoir une dimension
tsunamiesque. Cette célébration fut le couronnement de la Fête et de la
Communication sur le Réel qui lui ne changea que très peu. Pour autant, un esprit
apparut ce jour-là et marqua ceux qui le vécurent.
Juan Verni_Sofia(CC BY-ND 2.0)
J’ai
retrouvé par la suite cet esprit dans les soirées étudiantes underground
improvisées dans des bunkers désaffectés d’Allemagne de l’est et dans les
appartements des années 30 des petites villes polonaises qui n’en finissaient
plus de se lézarder de décennies de non entretien et de ravalement noirâtre
issu de toutes sortes de pollutions, où tout le monde était uni par la bière,
le « basic English » et des bribes d’allemand.
C’est
lors d’une de ces soirées au fin fond de la Moravie que j’ai rencontré celle
qui allait devenir ma femme et qui s’est montrée bien rétive à mes vaines
tentatives de lui parler en mauvais tchèque, pour la bonne raison qu’elle était
Bulgare.
1 400 km
plus à l’ouest, un mariage et quelques années plus tard, nous avions donc une
vie d’une banalité affligeante en France : des horaires de travail à
rallonge, un temps de trajet domicile travail interminable pour un petit
logement hors de prix et surtout des carrières bloquées dans des fonctions
subalternes, en dépit de très bons diplômes, dans des structures aussi
pléthoriques que désorganisées.
Pourquoi j’ai quitté la France et je me suis expatrié
La
décision de quitter la France me prit environ deux ans, car il était clair que
recommencer sa vie à zéro à 35 ans équivaut à un départ sans retour. C’est donc
armé de nos lettres de démission respectives, de 80 kilos d’excédent de bagage
et de l’inébranlable sentiment que « ça va bien se passer » que nous
avons débarqué à Sofia, car évidemment nous n’avions aucun plan une fois sur
place.
La
réalité n’a pas du tout correspondu à ces prévisions grossières. Elle a été
très, très largement supérieure et dans des dimensions que l’on n’aurait jamais
pu imaginer.
Disons-le
tout de suite, émigrer dans un pays où 50 % de la population active a quitté le
pays pour des raisons économiques va vous heurter à des questions interminables
sur le choix de la Bulgarie, pour finir par un regard persistant
d’incompréhension, voire de colère pour les plus jeunes ou pour ceux qui auront
sacrifié 10 à 15 ans de leur vie pour envoyer leur enfant « à
l’Ouest ». Quitter un pays où « l’on respire des bulles de
champagne dans la rue » pour venir ici est globalement assez
incompréhensible pour ceux qui n’ont pas vécu à l’étranger.
Il sera
alors utile d’utiliser les préjugés locaux pour couper court à toute discussion
stérile en précisant être venu par amour, ce qui sera « tellement
romantique et tellement français ».
La Bulgarie, paradis pour un entrepreneur ?
Ces considérations mises à part, la Bulgarie est un des
meilleurs pays pour créer une entreprise. Des conditions fiscales imbattables
avec une flat tax à 10
%, du personnel bien formé et bon marché, et surtout ce qui est le plus
important, un coût de la vie faible. En effet, on peut vivre à peu près
normalement pendant un an avec 5 000 à 6 000 euros, ce qui fait qu’il est
possible de tenir sans client et sans salaire pendant une durée largement plus
longue qu’en France, sans avoir à assumer les conséquences d’un emprunt
bancaire colossal ou de subventions publiques très consommatrices de temps qui
sera perdu pour exercer son vrai métier.
Au
final, créer la société aura nécessité 500 euros de frais divers, 2 500 euros
de capital dont seulement 100 euros auront été réellement dépensés avant de
commencer à gagner de l’argent.
Deux ans
plus tard, nous avons 8 salariés, renforcés par 2 à 7 freelance selon les
semaines, de beaux bénéfices, des bureaux modernes dernier cri, des projets
plein la tête et le sentiment que tout est possible, qu’il suffit juste de
lever la main pour attraper la lune.
Un tel
résultat n’aurait jamais été possible en France.
Trabant Monument (CC BY-NC-ND 2.0)
Source contrepoints.org
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