Climat et terrorisme : Macron penseur pas trop
complexe
En liant terrorisme et réchauffement
climatique, Emmanuel Macron ne serait-il pas en train d’inventer la
pseudo-politique, avatar de la pseudo-science ?
Il y a vraiment des
jours où je regrette d’avoir arrêté le Climathon. Au G20, l’ami Macron a
inauguré à la face du monde un concept nouveau. On connaissait l’opposition
entre science et pseudoscience, notre Jupiter gaulois vient d’inventer celle
entre sciences politiques et pseudosciences
politiques. Merci qui ? Merci le climat.
Notre Président
bien-aimé a donc déclaré ceci :
On ne peut pas prétendre lutter efficacement contre
le terrorisme si on n’a pas une action résolue contre le réchauffement
climatique. Ou alors il faut aller expliquer aux gens qui vivent au Tchad, au
Niger et ailleurs, que le climat n’est pas un problème. Aujourd’hui, le
terrorisme, les grands déséquilibres de notre monde, ce que nous sommes en
train de vivre, est lié aux déséquilibres climatiques que notre mode productif
international a généré. Et donc nous devons y répondre, parce que tout est lié.
Et donc si on veut traiter des questions de l’Afrique, du développement, de
l’industrie et du climat de manières séparées, très bien, mais je pense que ça
n’a aucun sens. Comme cet agenda est lié, notre responsabilité, c’est de tenir
de manière cohérente l’ensemble de ces engagements.
Tout est lié
La pseudoscience
politique se repère ici principalement par la phrase qu’on retrouve dans tous
les discours trop paresseux pour construire une pensée authentique : « tout est lié ». Le pape avait fait
la même chose dans son encyclique, où on retrouvait cette même antienne à
toutes les sauces.
Macron a certes
d’illustres prédécesseurs dans cette facilité langagière qui consiste à faire
du climat l’alpha et l’omega des problèmes du temps. La victoire de Bruno
Latour en semaine 48 du Climathon avait été brillamment acquise en
assimilant climatosceptiques et terroristes du Bataclan quelques jours
seulement après l’attentat, tandis que, dès le lendemain de ce même attentat,
le multimédaillé Nicolas Hulot trouvait le moyen de tirer parti de l’événement
pour faire la pub de la COP21. Déjà en semaine 17, l’alors ministre des
Affaires étrangères Laurent Fabius y était allé de son petit couplet sur la
sécurité de l’Europe conditionnée par le climat.
La risée des commentateurs
Sans être dans les
secrets de l’Olympe, je me demande tout de même si Macron croit vraiment ce
qu’il dit, si tout son discours climatique depuis son élection est vraiment
autre chose que de la mousse. (On pense notamment à son ridicule plan pour
attirer en France les climatologues étrangers, qui a pas mal énervé dans le
monde de la recherche et a à mon avis toutes les chances de faire un bide à
terme – il n’est pas si facile d’attirer de bons chercheurs américains en
France.) Je pense de plus en plus que Macron s’est choisi un cheval de bataille
facile, qui lui permet à bon compte de se poser en premier opposant à Donald
Trump et ainsi d’essayer d’exister sur la scène internationale en faisant du de
Gaulle.
Tactiquement, ça se
défend. Il faut juste espérer que tout ça ne conduira pas le Gouvernement à
tirer trop de balles dans le pied du pays, ce qui est hélas un peu mal engagé
avec le Gosplan climat de Nicolas Hulot.
La fin du boniment climatique
La bonne nouvelle,
c’est que la déclaration macronienne a, pour une fois, suscité des réaction
négatives claires de la part de plusieurs responsables de l’opposition (au
moins du côté droit de l’échiquier, le côté gauche étant en état de mort
clinique sur le plan de la réflexion intellectuelle sur l’environnement).
Le temps où
l’ex-président Hollande pouvait carrément expliquer que les tsunamis étaient
causés par le réchauffement climatique sans susciter le moindre éclat de rire
semble terminé. Avec un peu de chance, mais surtout une action collective
résolue (pour laquelle nous avons toujours besoin de bras), les excès de
communication du président contribueront peut-être à créer enfin les conditions
d’une vraie discussion.
Source contrepoints.org
Par Benoît Rittaud.
Benoît Rittaud est un mathématicien français. Il est enseignant-chercheur en mathématiques, maître de conférences à l'université Paris 13, au sein du laboratoire d'analyse, géométrie et applications (Institut Galilée). Il écrit fréquemment sur le réchauffement climatique.
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