L’obsession gaulliste,
d’Éric Brunet
L’obsession
gaulliste de la droite la rend dépendante des idées de la gauche et de
l’économiquement correct. Le rejet des riches et du libéralisme sont les
preuves de cette soumission à un héritage encombrant.
Pourquoi le gaullisme est-il devenu la référence
suprême de toutes les personnalités politiques ? De Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, en
passant par François Bayrou, tous, presque sans exception, se réclament du
Général. Dans un brillant essai, Éric Brunet explique les dangers de cette
vénération injustifiée et ses dangers pour la France.
En 1959, Jean-François Revel publiait un pamphlet intitulé Le style du général dans lequel il dénonçait les dérives autoritaires de la
Ve République débutante ainsi que les limites de l’admiration œcuménique dont
faisait l’objet de Gaulle de la part de la droite française et d’une partie de
la population. Bien entendu, sa critique ne concernait pas la période de la
guerre et de l’Occupation. De Gaulle se voulait l’incarnation d’une « certaine idée de la France » — formule creuse reprise aujourd’hui à tout-va —, ainsi
que le sauveur de toute une nation. Il a brillamment su profiter des
moyens de communication de masse et a compris l’importance de l’appel direct à
la population.
Il a aussi manié avec perfection les phrases vagues et
énigmatiques, une sorte de langue de bois à l’usage des personnalités
autoritaires. Toute cette panoplie de l’art de la communication a été mise au
service d’une politique catastrophique sur le plan international et avec des
lourdes conséquences sur le plan intérieur. À l’extérieur, il n’a pas saisi
(comme l’avaient fait les Anglais dès 1945) les mouvements de libération
nationale qui secouaient les pays colonisés.
De Gaulle
contre l’Amérique
Son fameux « Je vous ai compris
» n’est finalement qu’une phrase débouchant sur une guerre sanglante aux
conséquences dramatiques tant pour les Pieds-Noirs que pour les Algériens. De
même, le Général a complètement sous-estimé le totalitarisme communiste, son
essor en Indochine, en préférant l’anti-américanisme et l’anti-atlantisme de
circonstance.
Sur le plan interne, il a mis en place les dérives
présidentielles de la Ve République avec sa Constitution qui fonctionne
seulement quand elle est… « violée ». Le double exécutif – caractéristique
française parmi les pays riches et démocratiques – fait du chef du gouvernement
tantôt le valet du Président, tantôt son ennemi si par malheur il appartient à
l’opposition. Ce qui fait du Président une personne intouchable, et de
l’Assemblée une simple caisse de résonance qui n’a aucun mot à dire sur le
budget de l’État par exemple.
Alors, comment se fait-il que le gaullisme soit devenu
aujourd’hui la référence suprême de toutes les personnalités politiques ? De
Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, en passant par François Bayrou, tous, sans
exception, se réclament du Général. Sans oublier les intellectuels, de Zemmour
à Natacha Polony. C’est la question que se pose le journaliste Éric Brunet dans
son brillant essai intitulé L’obsession
gaulliste (Albin Michel, 2016).
« Je suis Charles »,
semblent dire tous nos politiques.
L’alliance
gaullo-communiste
D’abord, Éric Brunet rappelle les tares du gaullisme, ou plutôt
du gaullo-communisme car tout est parti
de la fameuse alliance entre de Gaulle et les communistes de la résistance,
incarnés par le CNR (Conseil national de la résistance). Dès 1943, De Gaulle
déclare : « On réfléchit sur les causes de la
guerre qui sont à chercher au-delà d’Hitler, du côté de la crise de 1929, de la
dépression et de la faillite du libéralisme. » Les communistes (les
Soviétiques) ont vite compris qu’ils pouvaient faire du Général leur meilleur
allié.
Ce fut donc l’entrée de cinq ministres communistes dans
le premier gouvernement libre et les débuts de la mise en place de
l’État-providence par deux mesures symboliques : la Sécurité sociale et le paritarisme, ainsi que la création de l’ENA. La
première, pour donner des gages de financement aux syndicats communistes ; la
seconde pour la mise en place d’une catégorie de hauts fonctionnaires qui
assurera la pérennité de l’interventionnisme étatique en France.
Par la suite, la droite française deviendra de plus en plus
gaulliste en privilégiant les mesures étatiques (Jacques Chirac en constitue un
excellent exemple) en ayant peur de réformer. Cette obsession gaulliste la rend
dépendante des idées de la gauche et de l’économiquement correct. Le rejet des
riches et du libéralisme sont les preuves de cette soumission à un héritage
encombrant.
Jamais la droite n’a eu le courage de tuer le père en assumant
une vraie politique de droite. Elle a préféré le consensus mou et l’inaction.
Sa crainte de réformer relève de la «
non-assistance à France en danger », écrit avec raison Éric Brunet.
Malheureusement, les références au gaullisme sont quotidiennes ces temps-ci.
L’auteur craint une nouvelle période d’étatisme, certes tempéré, mais toujours
destructeur.
- Eric Brunet, L’obsession gaulliste, Albin Michel, 2016, 275 pages.
Source contrepoints.org
Par Nicolas Lecaussin.
Directeur du développement de
l’IREF, Nicolas Lecaussin est diplômé de Sciences-po Paris, ancien président de
l’iFRAP (Institut Français de Recherche sur les Administrations Publiques),
fondateur de Entrepreneur Junior et auteur de plusieurs ouvrages sur le
capitalisme, l’État et les politiques publiques. Dernier livre publié :
"L’obsession antilibérale française".
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