Traduction : Votez pour Personne ! Personne ne tiendra ses promesses, n’écoutera vos problèmes, n’aidera les pauvres et les chômeurs. Personne ne se soucie de vous ! Si Personne est élue, les choses iront mieux pour tout le monde. Personne ne dit la vérité !
Pourquoi perdre son temps
à voter ?
Le seul moyen
de soustraire sa vie au pouvoir des politiciens est l’abstention.
Les régionales sont enfin passées. Une nouvelle pantalonnade
s’est jouée sous nos yeux et je peux maintenant vous en parler comme l’émotion
commence à retomber.
Les chiffres sont catastrophiques pour la « droite »
qui ne profite pas des errements du gouvernement en place. La
« gauche » s’en sort plutôt bien avec un bilan toutefois
catastrophique. La véritable inquiétude provient des scores du Front National
et surtout de sa progression entre les deux tours, gagnant des voix dans toutes
les régions, ce qui laisse présager une réserve de voix. Le scoop de la soirée
: les étatistes de tous bords ont gagné et ils pourront se partager les sièges.
Je ne vais pas vous parler des résultats aujourd’hui. Je
vais vous parler du vote en lui-même car, s’il y a bien un débat qui a retenu
mon attention pendant ces diverses joutes, jérémiades et autres sorties
réussies de M. Bartolone, c’est bien la légitimité
de l’élection. Les abstentionnistes – dont je fais partie – ont été traités au
soir du premier tour et pendant la semaine d’entre deux tours des pires noms,
allant jusqu’aux insultes de M. Enthoven.
Qu’est ce que le vote ?
Nous sommes en France dans une démocratie représentative
où une oligarchie (la « classe
politique ») est élue au pouvoir. Le vote doit permettre au citoyen de
choisir parmi ces candidats celui qu’il veut porter au pouvoir. Le politicien
serait le représentant élu par les votants pour s’exprimer en leur nom. En
conséquence, il serait le représentant de l’intérêt général de ses électeurs.
Kenneth
Arrow, économiste américain qui fut prix
Nobel d’économie en 1972, développa un théorème
reprenant un précédent énoncé de Condorcet selon lequel :
« Il est impossible de définir
l’intérêt général à partir des choix individuels. On ne peut définir de façon
cohérente une préférence collective en agrégeant des préférences individuelles.
Les décisions d’un état (même démocratique) ne peuvent donc pas être légitimes.
Ce « théorème
d’impossibilité »
s’énonce ainsi (en simplifiant, car il s’agit d’un théorème mathématique de
théorie des ensembles qui réclame une démonstration élaborée) :
Il n’existe pas de fonction de
choix social (un système de vote) qui puisse convertir des préférences
individuelles en une décision agrégée cohérente, hormis dans le cas où la
fonction de choix social coïncide avec les choix d’un seul individu (« dictateur »),
indépendamment du reste de la population. »
Le théorème d’Arrow affirme qu’une collectivité ne peut
procéder à un choix social indiscutable. Je vous invite à consulter les
articles en liens pour la démonstration ou la vidéo sur le paradoxe de
Condorcet ici. (3 min 30)
Le vote en soi n’est pas toujours représentatif de la majorité –
et ce ne sont pas les socialistes qui ont voté Estrosi dans le Sud-Est qui me
contrediront – mais le politicien élu par la suite est-il un juste représentant
de l’intérêt de ses électeurs ?
Le mythe de l’intérêt général
Il est essentiel de nous poser cette question : comment un
politicien peut-il représenter l’ensemble des électeurs ? Nous entendons
souvent après une élection la personne élue déclarer qu’elle va représenter
« l’ensemble des citoyens », mais comment est-ce possible ? Peut-elle
représenter ceux qui n’ont pas voté pour elle, ceux qui ont voté contre elle et
ceux qui ont voté pour elle ? Sur un thème donné, une décision précise à
prendre, comment peut-elle connaître, sans le consulter, l’avis de ceux qu’elle
représente ? Quand bien même elle le connaîtrait, l’ensemble des citoyens
représentés ne peut être unanime sur la question : le représentant ira donc
contre une partie des individus qu’il est censé représenter.
Prenons un exemple extrême : si une majorité d’électeurs
décident de voter pour tuer la minorité, devons-nous en conclure que c’est un
suicide démocratique, puisque c’est l’expression de l’intérêt général ? Cela
prouve que les électeurs ne sont pas le gouvernement et que celui-ci ne
représente en aucun cas le peuple. Car dans ce cas extrême, il s’agit, et tout
le monde en sera d’accord, d’un meurtre de masse. Voir la citation de Rothbard dans cet article, que
je n’ai volontairement pas mise dans ce billet pour éviter tout point Godwin et
que j’ai donc paraphrasé.
La démocratie, c’est deux loups
et un agneau votant ce qu’il y aura au dîner. La liberté, c’est un agneau bien
armé qui conteste le scrutin.
L’école du choix public
a également traité cette question de l’intérêt général : la politique est un
marché comme un autre, avec ses offreurs (les politiciens par le biais des lois
et plus généralement toutes réglementations) et ses demandeurs (les électeurs,
entreprises). Offre et demande s’appuyant l’une sur l’autre, chaque partie réclame une augmentation constante du
rôle de l’État. Le but est évidemment d’augmenter la rapine publique et de s’en
partager les gains :
- aux politiciens : le pouvoir, l’influence et les rentes.
- aux électeurs : les subventions, « cadeaux fiscaux », augmentation des prestations sociales, niches, barrières à l’entrée, marchés publics …
La démocratie n’a donc pas évité l’émergence des
oligarques qui, par ce mythe de l’intérêt général, s’accordent des largesses.
Pour se maintenir au pouvoir, ceux-ci ont recours à des
« mesurettes » et ne réforment donc jamais, suivant le théorème de l’électeur
médian, permettant l’émergence de mouvances
extrêmes lorsque la situation se dégrade.
« L’État, ou pour
rendre les choses plus concrètes, le gouvernement, se compose d’une bande de types
exactement comme vous et moi. Ils n’ont, tout bien considéré, aucun talent
particulier pour les affaires du gouvernement ; ils n’en ont que pour
accéder à une fonction et la garder. Dans ce but, leur principal procédé
consiste à chercher des groupes de gens qui courent désespérément après quelque
chose qu’ils ne peuvent pas se procurer, et à promettre de le leur donner. Neuf
fois sur dix, cette promesse ne vaut rien. La dixième fois, elle est tenue en
pillant A afin de satisfaire B. En d’autres termes, le gouvernement est un courtier en pillage, et chaque élection est une sorte de vente aux enchères
par avance de biens à voler. » H.L. Mencken.
« Abstention piège à con
! » ou la démocratie est elle une servitude ?
Les non votants ne sont pas responsables des incompétents que
les votants choisissent. L’argument « si tu n’as pas voté tu ne peux pas
te plaindre » ne tient pas.
Il va falloir arrêter de culpabiliser ceux qui ne sont en rien
responsables du chantier que les votants créent seul. Qu’ils assument donc
leurs erreurs ! Même si ce n’est pas leur candidat qui est élu, ils sont
coupables dans le sens où ils ont voulu un maître en participant à ce jeu
stupide que l’on appelle « élection » et ils en ont eu un. Le votant
essaye d’imposer sa vision de la société aux autres et surtout à ceux qui ne
votent pas.
« L’égoïste n’est pas celui
qui vit comme il lui plaît, c’est celui qui demande aux autres de vivre comme
il lui plaît ; l’altruiste est celui qui laisse les autres vivre leur vie, sans
intervenir. » Oscar Wilde.
Les haineux vont haïr, les
étatistes vont étatiser.
L’abstentionniste est donc une personne qui n’a pas ou
plus envie de participer à ce jeu de pouvoir,
qui n’a pas ou plus le désir de spolier son voisin, qui veut laisser vivre autrui dans le respect mutuel de
ses droits. Quelle plus belle preuve de civisme que celle-là ?
Dernier point que j’aimerais aborder : L’histoire d’un esclave de Robert Nozick, qui
enseigna la philosophie à Harvard – extrait de son livre Anarchie, État et Utopie.
Dans cet exposé, Nozick nous conte l’histoire d’un
esclave en 9 étapes. Cet esclave, c’est vous. (Vous pouvez les retrouver en
vidéo ici)
- Étape 1 : vous travaillez totalement pour un maître brutal et tyrannique qui vous bat selon son bon vouloir.
- Étape 2 : le maître établit des règles et ne vous bat que lorsque vous les enfreignez et vous accorde un peu de temps libre.
- Étape 3 : vous avez le droit de rejoindre un groupe d’esclaves et le maître, en se basant sur des principes acceptés par vous tous, décide de la répartition des biens entre vous.
- Étape 4 : le maître vous accorde du temps de repos et vous ne travaillez pour lui plus que 3 jours sur 7, les 4 jours restant sont à votre disposition.
- Étape 5 : vous pouvez travailler où vous le désirez mais vous devez verser au maître 3/7 de votre revenu (qui correspondent au 3 jours sur 7 que vous travailliez pour lui précédemment). Il peut également vous rappeler à n’importe quel moment pour son service sans que vous puissiez refuser et d’augmenter à tout moment la part de votre travail que vous lui devrez.
- Étape 6 : le maître donne le droit de vote à tous sauf à vous. Ils peuvent décider démocratiquement de ce qui est autorisé ou non, la partie de votre revenu qui sera prise et dans quel programme ce revenu sera dépensé.
- Etape 7 : le maître ne vous accorde toujours pas le droit de vote mais vous avez le droit d’essayer de convaincre ceux qui ont ce droit afin de tenter de les influencer.
- Étape 8 : vous avez le droit de vote ! Mais seulement pour trancher en cas d’égalité. Votre vote ne sera dépouillé que si une égalité parfaite est constatée. Nozick précise qu’aucune égalité lors d’un vote n’a jamais été constatée.
- Étape 9 : vous avez le droit de vote sans restriction ! Mais dans la pratique, votre vote n’est utile que s’il y a égalité parfaite faisant que votre vote fait pencher la balance d’un côté ou de l’autre, revenant donc à l’étape 8. Et il n’y a jamais eu d’égalité.
La question est la suivante : à quelle étape, entre la première
et la neuvième, cette histoire est devenue autre chose que l’histoire d’un
esclave ?
Peut être devrais tu voter pour
un autre maître esclavagiste ?
Pour terminer, en quoi voter pour un parti autoproclamé
« républicain », qu’il soit socialiste de droite ou de gauche, est
aujourd’hui différent du Front national, qui est socialiste national ? Il est
d’ailleurs assez drôle de noter que la vie politique de notre pays se résume à
front républicain contre front national. On voit comment le gouvernement actuel
prépare la dictature de demain, vous pouvez
consulter cette liste de perquisitions et autres joyeusetés mise en ligne par la Quadrature du net.
Oui, ne pas empêcher le Front national d’accéder au pouvoir peut
être une erreur. Mais l’erreur n’est-elle pas plutôt de lui donner la capacité
d’avoir du pouvoir en légitimant l’emprise des politiciens sur vos vies, et ça,
chers votants, c’est vous seuls qui leur accordez. Les abstentionnistes, au
contraire, ont bien compris que le seul moyen de soustraire à ce pouvoir est de
ne plus participer.
Par Nicolas Bruel.
Source contrepoints.org
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