Bret Easton ELLIS
American psycho
Traduit de l’américain par Alain Defossé
(4ème de couverture)
Patrick Bateman, 26 ans, flamboyant golden-boy de Wall Street, fréquente les endroits où il faut se montrer, sniffe quotidiennement sa ligne de coke, et surtout ne se pose aucune question. Parfait yuppie des années quatre-vingt, le jour il consomme. Mais la nuit, métamorphosé en sérial killer, il tue, viole, égorge, tronçonne, décapite.
Portrait lucide et froid d’une Amérique autosatisfaite où l’argent, la corruption et la violence règnent en maîtres, Américan Psycho, qui fit scandale lors de sa parution aux Etats-Unis, est aujourd’hui un best-seller mondial.
(1ere phrase :)
ABANDONNE TOUT ESPOIR ,TOI QUI PENETRES ICI peut-on lire, barbouillé en lettres de sang au flanc de la Chemical Bank, presque au coin de la Onzième Rue et de la Première Avenue, en caractères assez grands pour être lisibles du fond du taxi qui se faufile dans la circulation au sortir de Wall Street, et à l’instant où Timothy Price remarque l’inscription un bus s’arrête et l’affiche des Misérables collée à son flanc lui bouche la vue mais cela ne semble pas contrarier Price, qui a vingt-six ans et travaille chez Pierce & Pierce, car il promet cinq dollars au chauffeur s’il monte le son de la radio, qui passe Be My Baby sur WYNN, et le chauffeur, un noir, un étranger, obtempère.
(Dernière phrase :)
Et au-dessus d’une des portes, masquées par des tentures de velours rouge, il y a un panneau, et sur ce panneau, en lettres assorties à la couleur des tentures, est écrit : SANS ISSUE.
513 pages – Editions du Seuil 1991 (1992 pour la traduction française)
(Aide mémoire perso :)
Patrick Bateman est un jeune homme qui correspond parfaitement au type que tout le monde déteste en cette période de crise économique. C'est un jeune loup de la finance superficiel, dédaigneux, obsédé par l'argent, les restaurants huppés, les marques, les belles cartes de visite, et son apparence physique. Accessoirement, il est aussi psychopathe.
Nous le suivons à travers son journal, dans une vie où tout le monde semble pareil à lui. Il est constamment entouré, ne dîne jamais seul, n'a aucune difficulté à ramener des filles chez lui, mais cela ne fait que davantage ressortir sa solitude. Il est riche, donne le sentiment d'être quelqu'un d'important, mais en dehors de quelques types assez inutiles, personne, pas même son avocat, ne connaît son nom.
Les cinq cents pages de ce livre pourraient être monotones, mais Patrick Bateman a un truc pour vous captiver qui fait qu'on ne peut pas lâcher son journal avant de l'avoir fini. Aucun problème à lire les énumérations interminables de noms de marques, les compte-rendus des soirées à répétition, les conversations dépourvues d'intérêt, parce que bien vite, on décèle toute la critique que contiennent les mots et les actes décrits. Tous les êtres que fréquente Patrick Bateman sont vides, à l'exception peut-être de sa naïve secrétaire, Jean. Lorsqu'il cite des psychopathes ou évoque ses crimes dans le détail au fil de la conversation, ses interlocuteurs font au mieux comme s'ils trouvaient ça drôle, au pire comme s'ils n'avaient rien entendu (c'est sans doute le cas d'ailleurs, tellement chacun est préoccupé avant tout de sa personne).
Etrangement, c'est lorsqu'il cède à ses pulsions meurtrières que Bateman devient intéressant (pulsions réelles ou fantasmes, d'ailleurs). Certaines scènes sont carrément ignobles. Patrick Bateman, en plus d'aimer tuer, a une imagination débordante en la matière. Il torture ses victimes (il déteste particulièrement les sans-abri, les types qui réussissent mieux que lui, ainsi que les femmes et les enfants…) avant de les laisser agoniser, puis d'aller dîner tranquillement avec ses "amis". Et c'est de pire en pire. En réalité, il est profondément malheureux parce qu'il se sent aussi vide que les autres.
"Comment pourrait-elle donc comprendre que rien ne pourrait jamais me décevoir, puisque je n'attends plus rien."
Et voilà comment le personnage le plus froid et le plus cruel parvient à attirer l’intérêt du lecteur...
Un livre est un pilier incontournable. J'avais peur que les cinq cents pages se fassent sentir, mais il n'y a pas le moindre coup de mou dans ce texte. C'est assez marqué années 80/90 (je pense aux réflexions sur le SIDA, aux réflexions musicales), mais le fond est indémodable.
Patrick Bateman fait désormais partie de la mythologie des (anti-) héros modernes juste à côté de Jack l'éventreur et d'Hannibal Lecter. C'est sa personnalité profondément troublée et effrayante qui porte le livre et en constitue l'intérêt majeur. C'est pour découvrir (et comprendre) sa véritable identité que l'on tourne les pages jusqu'à la fin sans pour autant obtenir une réponse claire et précise.
On se demande vraiment comment Ellis a imaginé ce personnage hors norme. De son aveu, il se serait inspiré de son père (Robert Martin Ellis à qui il a dédié Lunar Park d'ailleurs), ce qui est plutôt effrayant !
On peut aussi supposer qu'il a étudié et fait de nombreuses recherches sur les serial-killers que cite d'ailleurs souvent Bateman comme cette allusion à Ed Gain, tueur en série des années 50 qui disait en substance : "Quand je vois une jolie fille passer dans la rue, je pense à deux choses. Une partie de moi voudrait sortir avec elle, parler avec elle, être vraiment gentil, tendre, correct... et l'autre partie voudrait voir de quoi sa tête aurait l'air au bout d'une pique."
Ce qui est intéressant également dans le style de l'écrivain, c'est sa manière de ne jamais vraiment juger les personnages sans leur chercher ni excuses ni chefs d'accusation. Certains critiques ont estimé que Bateman était seulement le fruit de la société américaine et de sa vacuité.
Le génie littéraire d'Ellis s'exprime avec flamboyance, tout au long du livre. Tous ces dialogues, véritable marque de fabrique de l'auteur, qui ne cesseront de se dérouler et se croiser au fil des pages nous en apprendront plus que n'importe quel descriptif de personnage. Nous sommes ici en pleine application virtuose de cette fameuse règle des ateliers de "creative writing" américains : "Show, don't tell". Tout simplement captivant et passionnant !
Traduit de l’américain par Alain Defossé
(4ème de couverture)
Patrick Bateman, 26 ans, flamboyant golden-boy de Wall Street, fréquente les endroits où il faut se montrer, sniffe quotidiennement sa ligne de coke, et surtout ne se pose aucune question. Parfait yuppie des années quatre-vingt, le jour il consomme. Mais la nuit, métamorphosé en sérial killer, il tue, viole, égorge, tronçonne, décapite.
Portrait lucide et froid d’une Amérique autosatisfaite où l’argent, la corruption et la violence règnent en maîtres, Américan Psycho, qui fit scandale lors de sa parution aux Etats-Unis, est aujourd’hui un best-seller mondial.
(1ere phrase :)
ABANDONNE TOUT ESPOIR ,TOI QUI PENETRES ICI peut-on lire, barbouillé en lettres de sang au flanc de la Chemical Bank, presque au coin de la Onzième Rue et de la Première Avenue, en caractères assez grands pour être lisibles du fond du taxi qui se faufile dans la circulation au sortir de Wall Street, et à l’instant où Timothy Price remarque l’inscription un bus s’arrête et l’affiche des Misérables collée à son flanc lui bouche la vue mais cela ne semble pas contrarier Price, qui a vingt-six ans et travaille chez Pierce & Pierce, car il promet cinq dollars au chauffeur s’il monte le son de la radio, qui passe Be My Baby sur WYNN, et le chauffeur, un noir, un étranger, obtempère.
(Dernière phrase :)
Et au-dessus d’une des portes, masquées par des tentures de velours rouge, il y a un panneau, et sur ce panneau, en lettres assorties à la couleur des tentures, est écrit : SANS ISSUE.
513 pages – Editions du Seuil 1991 (1992 pour la traduction française)
(Aide mémoire perso :)
Patrick Bateman est un jeune homme qui correspond parfaitement au type que tout le monde déteste en cette période de crise économique. C'est un jeune loup de la finance superficiel, dédaigneux, obsédé par l'argent, les restaurants huppés, les marques, les belles cartes de visite, et son apparence physique. Accessoirement, il est aussi psychopathe.
Nous le suivons à travers son journal, dans une vie où tout le monde semble pareil à lui. Il est constamment entouré, ne dîne jamais seul, n'a aucune difficulté à ramener des filles chez lui, mais cela ne fait que davantage ressortir sa solitude. Il est riche, donne le sentiment d'être quelqu'un d'important, mais en dehors de quelques types assez inutiles, personne, pas même son avocat, ne connaît son nom.
Les cinq cents pages de ce livre pourraient être monotones, mais Patrick Bateman a un truc pour vous captiver qui fait qu'on ne peut pas lâcher son journal avant de l'avoir fini. Aucun problème à lire les énumérations interminables de noms de marques, les compte-rendus des soirées à répétition, les conversations dépourvues d'intérêt, parce que bien vite, on décèle toute la critique que contiennent les mots et les actes décrits. Tous les êtres que fréquente Patrick Bateman sont vides, à l'exception peut-être de sa naïve secrétaire, Jean. Lorsqu'il cite des psychopathes ou évoque ses crimes dans le détail au fil de la conversation, ses interlocuteurs font au mieux comme s'ils trouvaient ça drôle, au pire comme s'ils n'avaient rien entendu (c'est sans doute le cas d'ailleurs, tellement chacun est préoccupé avant tout de sa personne).
Etrangement, c'est lorsqu'il cède à ses pulsions meurtrières que Bateman devient intéressant (pulsions réelles ou fantasmes, d'ailleurs). Certaines scènes sont carrément ignobles. Patrick Bateman, en plus d'aimer tuer, a une imagination débordante en la matière. Il torture ses victimes (il déteste particulièrement les sans-abri, les types qui réussissent mieux que lui, ainsi que les femmes et les enfants…) avant de les laisser agoniser, puis d'aller dîner tranquillement avec ses "amis". Et c'est de pire en pire. En réalité, il est profondément malheureux parce qu'il se sent aussi vide que les autres.
"Comment pourrait-elle donc comprendre que rien ne pourrait jamais me décevoir, puisque je n'attends plus rien."
Et voilà comment le personnage le plus froid et le plus cruel parvient à attirer l’intérêt du lecteur...
Un livre est un pilier incontournable. J'avais peur que les cinq cents pages se fassent sentir, mais il n'y a pas le moindre coup de mou dans ce texte. C'est assez marqué années 80/90 (je pense aux réflexions sur le SIDA, aux réflexions musicales), mais le fond est indémodable.
Patrick Bateman fait désormais partie de la mythologie des (anti-) héros modernes juste à côté de Jack l'éventreur et d'Hannibal Lecter. C'est sa personnalité profondément troublée et effrayante qui porte le livre et en constitue l'intérêt majeur. C'est pour découvrir (et comprendre) sa véritable identité que l'on tourne les pages jusqu'à la fin sans pour autant obtenir une réponse claire et précise.
On se demande vraiment comment Ellis a imaginé ce personnage hors norme. De son aveu, il se serait inspiré de son père (Robert Martin Ellis à qui il a dédié Lunar Park d'ailleurs), ce qui est plutôt effrayant !
On peut aussi supposer qu'il a étudié et fait de nombreuses recherches sur les serial-killers que cite d'ailleurs souvent Bateman comme cette allusion à Ed Gain, tueur en série des années 50 qui disait en substance : "Quand je vois une jolie fille passer dans la rue, je pense à deux choses. Une partie de moi voudrait sortir avec elle, parler avec elle, être vraiment gentil, tendre, correct... et l'autre partie voudrait voir de quoi sa tête aurait l'air au bout d'une pique."
Ce qui est intéressant également dans le style de l'écrivain, c'est sa manière de ne jamais vraiment juger les personnages sans leur chercher ni excuses ni chefs d'accusation. Certains critiques ont estimé que Bateman était seulement le fruit de la société américaine et de sa vacuité.
Le génie littéraire d'Ellis s'exprime avec flamboyance, tout au long du livre. Tous ces dialogues, véritable marque de fabrique de l'auteur, qui ne cesseront de se dérouler et se croiser au fil des pages nous en apprendront plus que n'importe quel descriptif de personnage. Nous sommes ici en pleine application virtuose de cette fameuse règle des ateliers de "creative writing" américains : "Show, don't tell". Tout simplement captivant et passionnant !
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