Pourquoi la France va
faire faillite, de Simone Wapler
À l’heure de
l’euphorie sur les marchés financiers, et en ce début d’année 2017, peut-on
penser que l’économie française est sortie d’affaire, que « ça va
mieux » ? Retour sur un ouvrage de Simone Wapler qui n’a
malheureusement pas perdu de son actualité et de sa pertinence un peu plus de
quatre ans après…
Voici un livre bien inquiétant, et en même temps on ne peut plus
avisé.
Pourtant, un peu plus de quatre ans après sa sortie, on pourrait
penser que l’auteur s’est trompée, puisque la France ne semble pas, en
apparence, avoir (encore) fait faillite.
Pour autant, peut-on en conclure que la situation est
meilleure, que les réformes espérées ont eu lieu, que les principaux
indicateurs se sont redressés durablement et sont au beau fixe ? Pas du
tout, loin de là. Simone Wapler, d’ailleurs, persiste et signe dans ses analyses et nous alerte régulièrement sur les
dangers de la léthargie persistante actuelle.
Un excès de pessimisme ?
Répondant par avance à ceux qui la qualifieraient de pessimiste,
l’auteur utilise l’image suivante :
« Supposez que vous soyez
un géographe observant le cours d’une rivière, enregistrant la topographie des
lieux, mesurant le bruit ambiant et que vous déclariez « attention
danger, chutes droit devant ». Si vos auditeurs vous taxaient de
pessimisme, vous trouveriez cela absurde »,
précisant que cette observation n’a rien de pessimiste ou
d’optimiste, puisqu’elle se base sur des observations rationnelles. De la même
manière, une observation fine de tous les indicateurs économiques, comme dans
le présent ouvrage, conduit à des conclusions aussi sombres mais réalistes.
Vers une
hausse des taux d’intérêt
Ainsi que l’on pouvait déjà le lire dans Ricardo reviens ! ils sont restés keynésiens de Jean-Marc Daniel, Simone Wapler commence ainsi
par nous expliquer comment l’excès d’épargne qui prévalait jusque-là et
permettait de financer nos dettes va se tarir sous l’effet de la fin du salarié
low cost qui se profile en Asie. Il s’en suivra une hausse des taux d’intérêt,
qui accélérera notre faillite. Le schéma est le suivant :
Jusque-là, les pays pauvres produisaient à bas coût ce que les
pays riches achetaient à crédit.
Eux épargnaient et finançaient ainsi ce que nous leur achetions
à crédit.
Désormais, les Chinois vont davantage consommer et auront donc
moins d’argent à nous prêter. D’où la hausse inéluctable des taux d’intérêt,
prévisible dans un horizon proche (et tout ce que cela entraîne).
Le risque
croissant d’une crise de solvabilité
Face aux dettes colossales qui nous submergent, plusieurs États
européens surendettés avalent d’ores et déjà des potions amères (Espagne,
Italie, Irlande, Portugal…) ou d’autres (comme la Grèce) sont secourus (y
compris par le concours d’une France qui n’en a plus les moyens), tandis que la
crise semble s’être, selon la juste expression de l’auteur, « comme le nuage de Tchernobyl, arrêtée à nos
frontières ».
Et c’est ainsi que les gouvernements français recourent à
l’impôt, sans véritablement s’attaquer sérieusement au train de vie public, qui
nous enfonce dans le gouffre.
Or, c’est non pas une crise de liquidité qui nous mine, mais de solvabilité.
Les mauvaises solutions sont donc mises en oeuvre actuellement,
nous montre Simone Wapler.
Ainsi, rien que début 2012 (rappelons que l’ouvrage date de
cette année-là), ce sont 1 000 milliards d’euros supplémentaires ne
correspondant à aucune création de richesse réelle qui ont été créés
artificiellement, dans l’espoir de sauver le financement de l’économie
européenne via les banques commerciales, sans en mesurer pleinement les
conséquences.
Ce qui s’ajoute, pour la France, aux près de 800 millions
d’euros qu’il faut chaque jour parvenir à emprunter rien que pour assurer le
remboursement des emprunts passés arrivés à échéance (une machine infernale).
Une
présentation pédagogique des ressorts de la faillite étatique
Dans le but de nous expliquer le plus clairement et simplement
possible ce qui échappe au plus grand nombre par méconnaissance de la science
économique, Simone Wapler nous propose ainsi une présentation très pédagogique
des grands agrégats de l’État et des mécanismes de la monnaie et de la finance.
Qui permet d’y voir plus clair et de mieux comprendre ce qui se cache derrière
les chiffres et les arguments des politiques et pourquoi nous ne nous rendons
pas compte que la France va faire faillite.
Constat, certes, peu joyeux et qui peut paraître pessimiste,
comme nous l’avons vu, mais qui correspond hélas tout à fait à la réalité, et à
une réalité probablement inéluctable.
Trente années de montée de l’État-Providence, de
surendettement et de conversion des banques en bailleurs de fonds de l’État,
avec toutes les déconvenues et les risques que cela représente et les
renvois d’ascenseur respectifs, au détriment des
entreprises, épargnants et contribuables. Une « machine devenue folle », comme le dit et le montre Simone Wapler.
Et surtout, un constat édifiant sur l’incapacité des médias ou
grandes institutions financières à nous informer correctement, comme nous le
révèle l’auteur avec force humour et de multiples exemples précis (et à la fois
simples à comprendre, grâce à son sens de la pédagogie).
La France
au bord du gouffre
Avec beaucoup de bon sens et des exemples à portée de
tous, l’auteur nous explique pourquoi la France va bel et bien faire faillite,
dans un contexte où la croissance est redevenue modérée, la croissance forte
des Trente Glorieuses étant l’exception,
selon la norme historique (rappel utile).
Un essai honnête, concret, efficace, et souvent drôle, grâce au
style de l’auteur, malgré la gravité du sujet.
Sauf que…
Lorsqu’on en arrive au chapitre 8 (« Que va-t-il se passer exactement ? »), on
n’a plus du tout envie de rire, ni même de sourire. Ce que nous annonce
l’auteur est véritablement effrayant, cataclysmique… Bien pire encore que ce
que connaît actuellement la Grèce… Une atmosphère de fin du monde.
L’auteur nous donne d’ailleurs, le plus sérieusement du monde,
des conseils, dans les chapitres suivants, sur la manière de préparer notre kit
de survie… C’est dire ! De quoi ne plus en dormir la nuit.
Mais, pour finir sur une note optimiste, souhaitons que 2017
sera l’occasion d’un premier véritable tournant dans nos orientations
politiques habituelles. Même timide. Que la prise de conscience débouche enfin
sur de premiers actes véritablement concrets et significatifs. Qu’il ne soit
tout simplement pas trop tard…
- Simone Wapler, Pourquoi la France va faire faillite et ce que vous devez faire pour vous en sortir, Éditions Ixelles, mai 2012, 256 pages.
Source contrepoints.org
Par Johan
Rivalland,
Johan Rivalland, ancien élève de l’École Normale Supérieure de
Cachan et titulaire d’un DEA en Sciences de la décision et microéconomie, est
actuellement professeur de Marketing et responsable de suivi professionnel en
BTS Management des Unités Commerciales à Paris. Il intervient également à l’IUT
Paris-Descartes, où il assure des TD en Histoire de la Pensée Économique.
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