Comment je suis devenu libertarien
Je n’ai pas toujours
été libertarien, ni même libéral. Mes toutes premières idées politiques ont
même été complètement opposées, puisque je suis passé de communiste à
socialiste, puis de libéral modéré à libertarien. J’ai pensé que raconter
comment j’ai adopté ensuite les idées libertariennes pouvait être intéressant
pour les lecteurs.
Les raisons de mon
changement peuvent être regroupées en trois catégories : la découverte de la
philosophie libérale, la découverte de la science économique et enfin mon
expérience en tant que conseiller municipal dans une petite commune. Cet
article raconte une réflexion qui a en réalité duré plusieurs années, que j’ai
simplifiée ici pour vous donner les grandes lignes.
Quand je n’étais (pas du tout) libéral
Avant de découvrir la
philosophie libérale, j’étais convaincu que le monde était partagé entre des
idéalistes, les communistes, qui proposent un monde moral, mais dont on n’est
pas sûr qu’il peut fonctionner, et les libéraux ou capitalistes, qui proposent
un monde qui marche avec des hommes égoïstes, mais dénués de toute morale. Le
socialisme était alors un compromis entre immoral-qui-marche et
moral-qui-ne-marche-pas.
Bien sûr, un certain
nombre de questions étaient sans réponse. Si chacun doit recevoir un salaire «
juste », qui va décider combien cela représente ? Si ce sont des gens élus par
une majorité, ne seront-ils pas tentés d’utiliser la démagogie en prônant des
salaires injustes ? Les gens qui auront des métiers mieux payés dans une
société capitaliste auraient intérêt à quitter le pays communiste pour avoir un
meilleur salaire, un pays communiste ne va-t-il pas se retrouver avec
uniquement des ouvriers non qualifiés et aucun ingénieur, médecin, etc.
? Si tous les salaires sont égaux, personne ne voudra faire les métiers
pénibles, il faut donc des différences de salaires. Mais si un trop grand
nombre de gens veulent faire un métier plutôt qu’un autre, qui va décider qui
fait quoi et selon quels critères ?
Je n’avais aucune
réponse à toutes ces questions, à part supposer qu’une immense machinerie
administrative allait s’occuper de tout ça, et en toute honnêteté, car dirigée
par des élus choisis par le peuple. Pas sûr que ça marche vraiment… mais si
c’est la seule société morale possible ?
À la découverte de l’économie
À cette époque, je
n’avais aucune connaissance en économie, discipline qui ne m’intéressait pas
car je pensais que tous les économistes étaient libéraux (et vice versa). Mais
comme je ne voulais pas qu’on puisse me reprocher d’avoir un point de vue sans savoir,
j’ai quand même décidé d’apprendre l’économie. J’ai alors commencé par lire La Richesse des Nations, d’Adam Smith, puis beaucoup
d’autres. J’ai alors compris à quel point tout ce que nous avons, nous le
devons à une économie de marché libre. Un grand nombre de choses se
« règlent » sans qu’un chef ait besoin d’imposer une planification,
simplement par les interactions libres entre individus (ce qu’on appelle
communément la main invisible).
Une autre révélation a
été pour moi de lire Capitalisme et Liberté, de Milton Friedman. Je
croyais à l’époque que la société idéale était une économie socialiste (gérée
par l’État) mais dans un pays garantissant la liberté individuelle (liberté
d’expression, de voyager, etc.). Remarquez que cette combinaison ne s’est
jamais produite. On connait bien sûr des dictatures communistes (URSS, Corée du
Nord, Cuba…), des pays libres capitalistes (États-Unis, Suisse, etc.) et des
dictatures capitalistes (Arabie saoudite, Kazakhstan…) mais aucun pays libre
communiste. Dès la première page du premier chapitre, Milton Friedman
explique qu’un régime communiste libre est tout simplement impossible.
Enfin, une raison
importante qui m’a amené à considérer l’économie de marché comme meilleure est
qu’elle permet bien mieux l’innovation qu’une économie planifiée par
l’État. Pensez à toutes les grandes innovations que nous avons aujourd’hui (l’électricité,
le téléphone, l’automobile, l’avion…). Qui aurait pu prédire au début qu’elles
marcheraient ? La plupart des inventions ne sont pas reconnues comme
intéressantes instantanément par une majorité. Elles sont d’abord adoptées par
quelques personnes intéressées, puis quelques riches peuvent se les procurer.
Ensuite seulement, les investissements sont rentabilisés et l’invention
peut-être disponible pour tous. Mais dans le cas d’une économie planifiée, il
aurait fallu convaincre des élus choisis par une majorité, autrement dit il
aurait fallu convaincre beaucoup de monde dès le début. Peu d’innovations
auraient pu avoir lieu avec un tel système.
La philosophie libérale
Avant de découvrir la
philosophie libérale, j’avais toujours cru que la liberté ne pouvait pas
vraiment exister car, si tout le monde était libre, tout le monde pourrait
aussi s’emparer des biens des autres, tuer, etc. et que donc la liberté devait
être limitée. Je pensais également que la propriété était une notion vague et
n’était donc justifiée que dans la mesure où elle servait « l’intérêt
général », mais n’était pas un droit fondamental. Ce sont là deux grandes
erreurs des socialistes. J’ai alors découvert la philosophie libérale :
- qui donne une définition cohérente et claire de la véritable liberté, qui n’implique pas des absurdités comme « la liberté de tuer », « la liberté de voler », etc.
- qui donne une définition claire de la propriété : je suis propriétaire de ce que je crée et de ce que j’échange avec des personnes consentantes.
La philosophie
libérale donne donc une définition claire des droits de l’homme qui sont la
vie, la liberté et la propriété. J’ai découvert cette philosophie énoncée
clairement, comme beaucoup, dans L’Éthique de la liberté, de Murray Rothbard.
La philosophie d’Ayn Rand
Après avoir découvert
que le libéralisme était à la fois meilleur pour l’homme et le seul système
moral, j’étais devenu entièrement libertarien. Contrairement à beaucoup de
libertariens qui le sont devenus en lisant La Grève, d’Ayn Rand, je suis devenu libertarien avant
de connaître ses idées. Mais je vais quand même parler de sa philosophie
car elle a pour moi une place centrale dans la défense des idées
libertariennes.
On peut bien sûr
défendre le libéralisme avec les arguments que j’ai expliqué plus haut, mais on
vous répondra peut-être : « Certes on ne peut nier que le capitalisme
libéral a été la source de grands progrès pour l’homme, et qu’aucun autre
système n’a pu l’égaler. Mais dans un certain nombre de cas, le plus grand
bonheur pour le plus grand nombre peut être atteint en donnant des aides
sociales et en limitant la liberté. Je suis bien d’accord que des impôts trop
élevés sont injustes car ils vous privent du fruit de votre travail, mais un
peu de redistribution permet un plus grand bonheur pour tous. »
La réponse d’Ayn Rand
est que ce n’est pas votre devoir de vous sacrifier pour le bonheur des autres.
Le sens de votre vie n’est pas le sacrifice pour les autres car votre vie est
sa propre justification. Sa philosophie est que vous avez le droit d’être égoïste,
à condition d’être honnête et de respecter les droits des autres. Dans le cas
présent, cela signifie que vous n’avez pas le devoir de donner votre argent aux
autres mêmes si cela leur serait utile, même s’ils en ont besoin, et même si
cela leur apporterait un plus grand bonheur que ce dont cela vous priverait.
Vous pensez qu’une
telle philosophie est horrible ? Mais soyons honnêtes. Pensez au dernier gadget
que vous avez acheté, au prix qu’il a coûté. Combien de personnes aurait-on pu
nourrir si vous aviez donné votre argent pour lutter contre la faim ? Pensez-vous
que les derniers jeux vidéo, films, etc. que vous avez achetés vous ont apporté
plus de bonheur que les familles qui auraient pu avoir accès à l’eau potable si
vous aviez été plus généreux ? On peut bien sûr répéter ce raisonnement à
l’infini, tant qu’il y aura de la misère sur Terre (et il y en a beaucoup !), à
tel point que vous seriez obligé de renoncer à tout, à part la nourriture et le
logement de base. Bien sûr, vous ne faites pas cela, vous vous dites
« j’ai acheté ça avec mon argent pour lequel j’ai travaillé dur » et
c’est normal, car vous êtes un Homme.
La conclusion n’est
pas que vous ne devriez jamais aider les autres, mais qu’on ne peut pas
l’exiger de vous. Si vous êtes un Picsou qui veut garder tout son argent, c’est
votre droit, mais bien sûr, si vous aidez les autres c’est tout à votre
honneur. L’idée à retenir est que le gouvernement n’a pas à s’emparer de votre
argent au nom d’un quelconque devoir moral.
Conclusion
Voilà pour résumer,
les raisons qui m’ont convaincu de la justesse des idées libertariennes. Le
capitalisme libéral conduit au plus grand bonheur pour tous, il est le seul
système basé sur les droits légitimes, et, enfin, il est conforme à la nature
humaine.
Source contrepoints.org (Par l’auteur du site libertarianisme.fr)
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