dimanche 14 avril 2019

Billets-Le mouvement pendulaire… une spécialité française


Le mouvement pendulaire… une spécialité française

En réfléchissant, aux durées respectives du pontificat de Jean-Paul II (27 ans) et de nos quinquennats riquiquis (une année pour s’installer, deux à justifier les promesses passées et deus autres à en faire de nouvelles pour se faire réélire), je repensais à l’instabilité politique française. Rien de grand ni de solide ne peut évidemment se construire durablement sans la durée longue. Mais la frénésie du court terme n’est encore pas ce qu’il y a de pire. Le pire c’est le tragique « mouvement pendulaire » de notre vie politique française : un coup à gauche, un coup à droite. « Un coup je fais, un coup tu défais. Un coup c’est toi, un coup c’est moi mais tous les deux on détricote et on déglingue systématiquement ce que l’autre a fait »… C’est le jeu favori de nos politiciens français mais une catastrophe pour la France qui ne se remet pas de cette bêtise pendulaire de politiques avides de places et de pouvoir…

Le tragique mouvement pendulaire
Le mouvement est une bonne chose, évidemment : c’est le contraire de l’immobilisme qui fige les situations ou du conservatisme qui refuse toute évolution. Très bien. Mais le problème c’est lorsque ce mouvement est pendulaire, c’est-à-dire lorsque que l’effort n’est pas continu, pas consistant, pas persistant… Quand il se fait une fois dans un sens et une autre fois dans le sens opposé : quand il est éphémère, momentané, pas inscrit dans la durée… Quand il ne construit rien de durable. Quand il fait juste annuler et démolir ce qui a été fait précédemment : on « nationalise » puis on « dénationalise ». On fait les 35 heures et on défait les 35 heures (ou plutôt non, on ne les défait pas justement). On pénalise les chefs d’entreprise et puis, devant la catastrophe, on décide une baisse des charges. On accroît les dépenses et la dette, et puis devant le désastre, on dit qu’on va faire des économies. Etc. Je vous laisse continuer la liste de ces têtes-à-queue idéologiques permanents et tragiques de la vie politique française. Chaque ministre veut laisser son nom à une réforme : regardez où en est l’Éducation nationale depuis trente ans !

C’est devenu quasiment une spécialité nationale : dénigrer, démolir, démonter et détricoter systématiquement tout ce que le prédécesseur a fait (forcément tout était nul). Mitterrand a ainsi démoli ce qu’avait fait Giscard. Chirac a démoli ce que Mitterrand avait fait. Hollande a déglingué ce que Sarkozy avait entrepris. Et le prochain reconstruira ce que Hollande aura démoli. C’est la loi du pays : Barre réparait Chirac ; Mauroy détruisait ce que Barre avait fait ; Balladur effaçait Bérégovoy ; Jospin démontait Juppé ; Ayrault anéantissait ce que Fillon aurait dû faire et Valls ce qu’Ayrault avait oublié de faire… Et vous vous étonnez après que la France aille mal ?
Je vous remets le tableau en mémoire pour que vous puissiez voir cette tragique valse mortuaire pour le pays.


Pendant que Jean-Paul II faisait un seul pontificat de 27 ans, la France s’est payée dix premiers ministres. Pathétique.

Des ministres désespérément polyvalents
Sur le tableau, je ne vous ai mis que les Premier ministres : imaginez la valse des ministres ! Tous les deux ans, ils changent. À peine ils commencent à comprendre ce qu’ils doivent faire qu’on les remplace par un autre qui va mettre deux ans à comprendre ce qu’il doit faire, avant d’être lui-aussi remercié et remplacé. Vous êtes chargée des Femmes, on vous met à la ville. Vous commencez à être compétente sur le numérique, on vous met au commerce extérieur. Vous êtes incompétent au parti, on vous met à l’Europe… Etc. Tragique valse qui satisfait sans doute la gloriole de ces petits hommes avides de pouvoir, mais qui plombe le pays en faisant se succéder, à tous ces postes de responsabilité, sinon des incapables du moins des amateurs sans expérience. C’est surtout cela qui est terrifiant : l’inexpérience propulsée au plus haut niveau de l’État. Pour eux, être du Parti (ou d’une promotion de l’ENA) suffit comme qualification pour accéder à tous les postes. Rotation tragique des hommes et des postes, valse minable des ministres, instabilité législative et fiscale catastrophique…

Le pire est que les Français adorent ça
À chaque élection, la joie suprême des Français est de sortir les sortants. Le précédent était de gauche ? donc on vote à droite ! Il était de droite ? On vote à gauche, Yay ! Il faut dire, pour excuser l’électeur, que les politiques y mettent vraiment du leur pour se rendre détestables et qu’on ait vraiment envie de les sortir au plus vite tellement ils sont nuls, décevants et insupportables. Moi-même parfois je songe à demander l’asile politique dans un autre pays. Mais ma carte d’identité française a tellement peu de valeur que je me ferais rejeter de partout. Je ne pourrais même pas la vendre à un sans-papier car il peut s’en faire faire une pour trois fois rien dans une officine de passeurs. Et sur eBay, ils n’en ont rien à faire. C’est pour ça que je suis encore là.

Démolir le « changement » ?
L’immobilisme étant réactionnaire, le « mouvement » est devenu un must politique. Oh pas le mouvement continu, dans une même direction mûrement réfléchie, histoire de construire dans la durée. Non, plutôt le mouvement pendulaire qui est devenu une spécialité nationale. C’est ainsi que Hollande s’est fait élire sur ce slogan imbécile : « le changement c’est maintenant »… Démolir, démonter et détricoter c’est maintenant.
Je ne sais pas si vous avez remarqué mais la caractéristique nouvelle du discours politique est la disparition complète du complément d’objet.
Ils disent par exemple « Yes we can » – mais ils ne disent pas ce qu’ils peuvent exactement ! Ils disent « Indignons-nous », mais ils ne disent pas de quoi ? Pareil avec le « changement » : avant ils proposaient de « changer le monde » ou de « changer la vie »… Désormais, c’est le changement pour le changement, mais ils ne disent pas lequel. Pfouit, disparu le complément d’objet : « le changement c’est maintenant ! » Ne cherchez pas lequel. Les chômeurs sont de plus en plus nombreux mais le « changement c’est maintenant ». Les impôts continuent d’augmenter mais le « changement c’est maintenant ». Les retraites vont être réduites, mais le « changement c’est maintenant ». La dette continue d’augmenter, mais le « changement c’est maintenant ». Le pays s’enfonce dans la désespérance, mais le « changement c’est maintenant ».
Nos politiques sont vraiment de plus en plus graves : ils ont beau agiter leurs petits bras, bavasser dans les médias ou à réorganiser leur communication ou « Parole » gouvernementale, le Français de la rue voit bien qu’ils n’ont plus la maîtrise de rien et n’ont plus aucun pouvoir. Ils continueront évidemment à mentir jusqu’au bout car ils ont trop d’avantages et de privilèges.

Le manège tourne de plus en plus vite
Ils se feront n’importe comment jeter et ils le savent. Mais ils s’en moquent car ils reviendront au tour d’après. Et ils recommenceront à défaire, à détricoter, à démolir ce que leurs prédécesseurs auront fait. Pour eux c’est un jeu politicien. La France ils s’en moquent complètement sinon ils tenteraient un « big bang » politique, essayeraient de construire ensemble de nouvelles majorités d’idées, pour mettre enfin un terme à ces « alternances » ravageuses ou cette instabilité pendulaire mortelle pour le pays. Mais ils s’en moquent car leur but n’est évidemment pas de construire mais de se maintenir au pouvoir.
Pour être certains de revenir plus vite. Ils ont d’ailleurs pris toutes les dispositions pour raccourcir les durées : un septennat pour eux c’était trop long, ils l’ont donc ramené à cinq ans. Bientôt ils le réduiront à deux ans seulement : deux ans sans « petits fours » et sans saucisses de cocktail c’est un peu long vous savez ! 7 ans, 5 ans…


À l’époque c’était le septennat qui apparaissait comme anachronique. Aujourd’hui, c’est le quinquennat qui parait comme beaucoup trop long : à peine deux ans après l’élection de F. Hollande, les Français commencent à trouver son règne insupportable et interminable : un quinquennat déjà à bout de souffle…


Source contrepoints.org

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