Le mouvement pendulaire… une spécialité française
En réfléchissant, aux
durées respectives du pontificat de Jean-Paul II (27 ans) et de nos
quinquennats riquiquis (une année pour s’installer, deux à justifier les
promesses passées et deus autres à en faire de nouvelles pour se faire
réélire), je repensais à l’instabilité politique française. Rien de grand ni de
solide ne peut évidemment se construire durablement sans la durée longue. Mais
la frénésie du court terme n’est encore
pas ce qu’il y a de pire. Le pire c’est le tragique « mouvement
pendulaire » de notre vie politique française : un coup à gauche, un coup
à droite. « Un coup je fais, un coup tu
défais. Un coup c’est toi, un coup c’est moi mais tous les deux on détricote et
on déglingue systématiquement ce que l’autre a fait »… C’est le jeu
favori de nos politiciens français mais une catastrophe pour la France qui ne
se remet pas de cette bêtise pendulaire de politiques avides de places et de
pouvoir…
Le tragique mouvement pendulaire
Le mouvement est une
bonne chose, évidemment : c’est le contraire de l’immobilisme qui fige les
situations ou du conservatisme qui refuse toute évolution. Très bien. Mais le
problème c’est lorsque ce mouvement est pendulaire, c’est-à-dire lorsque que
l’effort n’est pas continu, pas consistant, pas persistant… Quand il se fait
une fois dans un sens et une autre fois dans le sens opposé : quand il est
éphémère, momentané, pas inscrit dans la durée… Quand il ne construit rien de
durable. Quand il fait juste annuler et démolir ce qui a été fait précédemment
: on « nationalise » puis on « dénationalise ». On fait les
35 heures et on défait les 35 heures (ou plutôt non, on ne les défait pas
justement). On pénalise les chefs d’entreprise et puis, devant la catastrophe,
on décide une baisse des charges. On accroît les dépenses et la dette, et puis
devant le désastre, on dit qu’on va faire des économies. Etc. Je vous laisse
continuer la liste de ces têtes-à-queue idéologiques permanents et tragiques de
la vie politique française. Chaque ministre veut laisser son nom à une réforme
: regardez où en est l’Éducation nationale depuis trente ans !
C’est devenu quasiment
une spécialité nationale : dénigrer, démolir, démonter et détricoter
systématiquement tout ce que le prédécesseur a fait (forcément tout était nul).
Mitterrand a ainsi démoli ce qu’avait fait Giscard. Chirac a démoli ce que
Mitterrand avait fait. Hollande a déglingué ce que Sarkozy avait entrepris. Et
le prochain reconstruira ce que Hollande aura démoli. C’est la loi du pays :
Barre réparait Chirac ; Mauroy détruisait ce que Barre avait fait ; Balladur
effaçait Bérégovoy ; Jospin démontait Juppé ; Ayrault anéantissait ce que
Fillon aurait dû faire et Valls ce qu’Ayrault avait oublié de faire… Et vous
vous étonnez après que la France aille mal ?
Je vous remets le
tableau en mémoire pour que vous puissiez voir cette tragique valse mortuaire
pour le pays.
Pendant que Jean-Paul
II faisait un seul pontificat de 27 ans, la France s’est payée dix premiers
ministres. Pathétique.
Des ministres désespérément polyvalents
Sur le tableau, je ne
vous ai mis que les Premier ministres : imaginez la valse des ministres ! Tous
les deux ans, ils changent. À peine ils commencent à comprendre ce qu’ils
doivent faire qu’on les remplace par un autre qui va mettre deux ans à comprendre
ce qu’il doit faire, avant d’être lui-aussi remercié et remplacé. Vous êtes
chargée des Femmes, on vous met à la ville. Vous commencez à être compétente
sur le numérique, on vous met au commerce extérieur. Vous êtes incompétent au
parti, on vous met à l’Europe… Etc. Tragique valse qui satisfait sans doute la
gloriole de ces petits hommes avides de pouvoir, mais qui plombe le pays en
faisant se succéder, à tous ces postes de responsabilité, sinon des incapables
du moins des amateurs sans expérience. C’est surtout cela qui est terrifiant :
l’inexpérience propulsée au plus haut niveau de l’État. Pour eux, être du Parti (ou d’une promotion de l’ENA)
suffit comme qualification pour accéder à tous les postes. Rotation tragique
des hommes et des postes, valse minable des ministres, instabilité législative
et fiscale catastrophique…
Le pire est que les Français adorent ça
À chaque élection, la
joie suprême des Français est de sortir les sortants. Le précédent était de
gauche ? donc on vote à droite ! Il était de droite ? On vote à gauche, Yay !
Il faut dire, pour excuser l’électeur, que les politiques y mettent vraiment du
leur pour se rendre détestables et qu’on ait vraiment envie de les sortir au
plus vite tellement ils sont nuls, décevants et insupportables. Moi-même
parfois je songe à demander l’asile politique dans un autre pays. Mais ma carte
d’identité française a tellement peu de valeur que je me ferais rejeter de
partout. Je ne pourrais même pas la vendre à un sans-papier car il peut s’en
faire faire une pour trois fois rien dans une officine de passeurs. Et sur
eBay, ils n’en ont rien à faire. C’est pour ça que je suis encore là.
Démolir le « changement » ?
L’immobilisme étant
réactionnaire, le « mouvement » est devenu un must politique. Oh pas le mouvement continu, dans une même
direction mûrement réfléchie, histoire de construire dans la durée. Non, plutôt
le mouvement pendulaire qui est devenu une spécialité nationale. C’est ainsi
que Hollande s’est fait élire sur ce slogan imbécile : « le changement
c’est maintenant »… Démolir, démonter et détricoter c’est maintenant.
Je ne sais pas si vous
avez remarqué mais la caractéristique nouvelle du discours politique est la
disparition complète du complément d’objet.
Ils disent par exemple
« Yes we can » – mais ils ne
disent pas ce qu’ils peuvent exactement
! Ils disent « Indignons-nous », mais ils ne disent pas de quoi ? Pareil avec le
« changement » : avant ils proposaient de « changer le monde » ou de « changer la vie »… Désormais, c’est le changement
pour le changement, mais ils ne disent pas lequel. Pfouit, disparu le
complément d’objet : « le changement c’est maintenant ! » Ne cherchez
pas lequel. Les chômeurs sont de plus en plus nombreux mais le « changement c’est maintenant ». Les
impôts continuent d’augmenter mais le « changement
c’est maintenant ». Les retraites vont être réduites, mais le « changement c’est maintenant ». La
dette continue d’augmenter, mais le « changement
c’est maintenant ». Le pays s’enfonce dans la désespérance, mais le
« changement c’est maintenant ».
Nos politiques sont
vraiment de plus en plus graves : ils ont beau agiter leurs petits bras,
bavasser dans les médias ou à réorganiser leur communication ou
« Parole » gouvernementale, le Français de la rue voit bien qu’ils
n’ont plus la maîtrise de rien et n’ont plus aucun pouvoir. Ils continueront
évidemment à mentir jusqu’au bout car ils ont trop d’avantages et de
privilèges.
Le manège tourne de plus en plus vite
Ils se feront
n’importe comment jeter et ils le savent. Mais ils s’en moquent car ils
reviendront au tour d’après. Et ils recommenceront à défaire, à détricoter, à
démolir ce que leurs prédécesseurs auront fait. Pour eux c’est un jeu
politicien. La France ils s’en moquent complètement sinon ils tenteraient un
« big bang » politique, essayeraient de construire ensemble de
nouvelles majorités d’idées, pour mettre enfin un terme à ces
« alternances » ravageuses ou cette instabilité pendulaire mortelle
pour le pays. Mais ils s’en moquent car leur but n’est évidemment pas de
construire mais de se maintenir au pouvoir.
Pour être certains de
revenir plus vite. Ils ont d’ailleurs pris toutes les dispositions pour
raccourcir les durées : un septennat pour eux c’était trop long, ils l’ont donc
ramené à cinq ans. Bientôt ils le réduiront à deux ans seulement : deux ans
sans « petits fours » et sans saucisses de cocktail c’est un peu long
vous savez ! 7 ans, 5 ans…
À l’époque c’était le
septennat qui apparaissait comme anachronique. Aujourd’hui, c’est le
quinquennat qui parait comme beaucoup trop long : à peine deux ans après
l’élection de F. Hollande, les Français commencent à trouver son règne
insupportable et interminable : un quinquennat déjà à bout de souffle…
Source contrepoints.org
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