Noël, carrefour des névroses
Ça vous angoisse le réveillon en famille ?
Faites boire tonton, louez des enfants, customisez mamie… Et détendez-vous,
tout se passera bien.
Revoilà
cet instant redouté où la famille a rendez-vous avec elle-même après 365 jours
d'évitement. Il faut faire face. Affronter la dinde, la belle-mère et les
règlements de comptes à OK souvenirs. Survivre au huis clos trempé de champagne
et criblé d'abcès secrets, de rivalités, de rancunes, d'indifférence. Il faut
l'admettre : il y a parfois plus de complicité entre un toast au saumon et une
huître qu'entre deux personnes d'une même famille. On ne va pourtant pas
abroger Noël. Tous les psychanalystes vous le diront : Noël cimente la famille.
On fait semblant d'être ensemble, mais, mine de rien, on renifle ses racines,
on mesure le temps qui passe, on apprend à affronter la mort.
Evitez les sujets qui fâchent – politique, corrida, peine de mort.
D'ailleurs,
on peut survivre à Noël. Mais si. Ça ne s'improvise pas. Il faut être précis,
méthodique. D'aucuns choisissent la fuite aux urgences en ouvrant les huîtres.
Pas vous. Soyez imaginatifs. Pour éviter les sujets qui fâchent – Copé-Fillon,
corrida, peine de mort –, brisez les habitudes : plongez par exemple tout le
monde dans le noir (bougies possibles). Chacun sera concentré sur ses
perceptions, oubliant que papy tue les chats au fusil et adore Marine Le Pen.
Le
cauchemar des cadeaux ? Surmontable. Le pull-over rose et moutarde n'est pas
une fatalité. Il suffit de vous charger de tous les cadeaux. Tout centraliser.
C'est un boulot à plein temps mais imaginez le regard émerveillé de votre sœur
quand elle découvrira ce joli petit haut en lieu et place de la sorbetière
habituelle.
Il vous
reste à identifier les pires fauteurs de troubles et à les traiter
militairement. Chaque cible, sa solution. Pas de pitié. Tonton Robert ? Chaque
année, il confond humour et alcoolisme. Raconte des blagues avec l'accent
africain. Se mouche dans les doudous des enfants. Il faut le neutraliser.
Servez-lui très tôt une dose massive de whisky. Il finira au lit avant 22
heures. S'il résiste, refilez-lui l'huître louche dont le parfum évoque tout
sauf la mer. Au revoir tonton.
Les ados ? Collez-les sur Facebook, ils vous ficheront la paix.
Place aux
ados, les vélociraptors de la fête. Petits, malins, ils attendent tapis à
l'ombre d'un rictus. L'adolescence rend lucide et donc dangereux. Traitez la
cible par la ruse en organisant un concours du Noël le plus ringard de France
sur les réseaux sociaux, Twitter ou Facebook. Conviez-les à raconter les pires
moments de la soirée. Photos à l'appui. Ils seront occupés, et vous ficheront
la paix.
Que faire
de l'aïeule ? Elle peut servir à dynamiter la tranche 8-13 ans, celle qui ne
croit plus au Père Noël et qui piaffe devant le sapin. Les enfants craignent
les très vieilles personnes. Rendez-la attractive. Rasez-la, habillez-la de
couleurs vives. Organisez une chasse au trésor sur mémé en cachant des
cartouches de jeu Nintendo dans ses habits. Entre la crainte et l'appât du jeu,
les enfants n'hésiteront pas et mémé avalera son dentier de plaisir. D'une
pierre, deux coups.
C'est déjà
l'heure de diffuser le diaporama consacré au mal-aimé de la famille. Il y en a
toujours un. Vous aurez retrouvé les douze photos de son enfance que vous
monterez en boucle sur le générique d'Amicalement
vôtre. Prenez-lui la main quand les larmes lui monteront aux yeux,
souriez comme Jean Dujardin dans tous ses films et dites : « Tu es une belle personne ». Prévoyez des
mouchoirs.
Il est
temps d'escalader l'Everest de la soirée : les beaux-parents qui se détestent.
Compliqué à gérer. Une astuce ? Placez les hommes l'un à côté de l'autre,
faites couler du vin, laissez agir. Dans dix minutes, ils se tapent sur
l'épaule. Leur alliance provoquera en opposition celle des femmes, et l'on
assistera à une bonne vieille querelle hommes/femmes que les femmes emporteront
haut la main dans une saine ambiance.
Bombardez tout le monde de compliments. Ce n'est pas de la mauvaise foi, c'est de la
prophylaxie.
En toutes
circonstances, bombardez tout le monde de compliments. Ce n'est pas de la
mauvaise foi, c'est de la prophylaxie. N'oubliez pas que l'humour peut être
drôle : servez-vous-en pour déminer les situations délicates, quand, par
exemple, perdu dans le noir, papy commence à raconter la guerre d'Algérie au
chien Toby.
Dernier
conseil : équipez-vous d'enfants de moins de 7 ans. Leurs petits yeux étoilés
sont les meilleurs garants d'une fête de Noël réussie. Si vous n'en avez pas à
disposition, louez-en ou faites venir ceux qui en ont.
En cas
d'échec total, sachez que les pires conflits de Noël sont surtout intérieurs :
on aime faire partie d'un clan, on déteste être défini par son passé et on
oscille entre les deux, comme on peut. Alors serrez les dents. Vous vous
rattraperez en débinant tout le monde dans la voiture au retour, en attendant
l'enfer de la Saint-Sylvestre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire