Le cadeau de Noël, une aberration
incontournable
L'échange de cadeaux de Noël
est une épreuve psychologique délicate. C'est encore pire sous un angle
économique, écrit un professeur d'économie dans un billet humoristique. Si nous
voulons donner une valeur maximale à notre cadeau, il nous faut souffrir...
D'un point de vue purement économique, l'achat de cadeaux peut
être complètement absurde. Certains présents font même plus de mal que de bien.
Si j'offre un livre de cuisine à 20 euros à un ami qui n'aime pas cuisiner, par
exemple, il ne saura qu'en faire. Et pourtant ce livre aura coûté cher à
produire, des gens auront travaillé dessus et la valeur qu'ils auront créée
disparaîtra purement et simplement.
On aurait aussi bien pu jeter le livre par la fenêtre, ça n'aurait
pas fait de différence. Pour décrire ce phénomène, les économistes parlent de
perte de bien-être. Une perte particulièrement fréquente à l'époque de Noël,
car beaucoup de gens ne connaissent pas les goûts des autres.
Imaginez un instant que vos cadeaux de l'année dernière ne vous
aient pas été offerts mais que vous les ayez achetés. Combien auriez-vous
dépensé pour les acquérir? Des étudiants interrogés sur le sujet pour une étude
américaine ont été clairs: la plupart d'entre eux auraient nettement moins
dépensé que ce que leurs cadeaux [fait par d'autres] ont réellement coûté.
- Vraiment cher pour si peu
On observe une chute considérable de la rentabilité des cadeaux
offerts par des gens qui nous aiment certes, mais qui finalement nous
connaissent assez mal au quotidien. Nos parents par exemple. Ils ont les
meilleures intentions du monde mais ne connaissent pas toujours nos goûts
personnels. A cela s'ajoute le temps passé à trouver des cadeaux, et qu'il
faudrait ajouter -toujours en termes économiques- à leur valeur globale.
Lorsque vous passez une heure dans une librairie à la recherche du
beau livre idéal, vous perdez une heure durant laquelle vous auriez
théoriquement pu travailler. Si vous êtes payé dix euros de l'heure pour
travailler dans un bistrot, il faut donc aussi comptabiliser cette perte de
revenu dans le prix du cadeau. La facture finit par être salée !
Par conséquent, si vous voulez à l'avenir faire des cadeaux
économiquement efficaces, il vous suffit de glisser une enveloppe remplie de
billets de banque au pied du sapin. Ce n'est peut-être pas très romantique mais
ce cadeau-là ne perdra pas de valeur. A Taïwan, cette pratique est déjà
répandue. Pour ceux qui n'aiment pas faire des cadeaux d'argent, il existe les
bons d'achat. Eux non plus ne perdent pas leur valeur.
- Faire plaisir ne suffit pas, il faut souffrir
Mais on peut encore aller plus loin. Une de nos premières erreurs
est que nous essayons souvent de deviner ce que les autres aiment au lieu de
nous appuyer sur nos propres compétences. C'est ainsi qu'étant professeur
d'économie politique, je devrais essayer de trouver un bon livre d'économie
pour mes amis. Le passionné de botanique devrait offrir une plante rare et
l'amateur de vin une bonne bouteille.
Voilà des cadeaux que le destinataire non-initié passerait
beaucoup plus de temps à dénicher que des spécialistes. La valeur absolue de
ces cadeaux inclut aussi le gain de temps associé. Mieux encore, ce mécanisme
écarte vos doutes sur le fait que le cadeau puisse en réalité valoir moins que
ce qu'il a réellement coûté. Une autre solution consiste à choisir expressément
des cadeaux que vous regretterez.
Oui, vous avez bien lu. Il faut souffrir pour faire plaisir! Et
cela vaut d'autant plus pour les proches. Eh oui, si vous offrez un abonnement
commun aux matchs du FC Köln alors que vous détestez le football, ou si vous
offrez une journée de shopping- une activité qui vous fait horreur- à votre
copine en votre compagnie, vous montrez aux gens combien vous les aimez.
Regarde ! Je suis prêt à souffrir pour toi...
Les économistes appellent cela envoyer un signal. Cette opération
(somme toute psychologique) peut même bénéficier à terme à l'acheteur du
cadeau. Un résultat optimal, ne manquerait pas de souligner l'homo oeconomicus,
cette engeance qui ne réfléchit que rationnellement.
Source Courrier International
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