Bret Easton ELLIS
Suite(s) Impériale(s)
Traduit de l’américain par Pierre Guglielmina
(4ème de couverture)Au milieu d’une nuit de cauchemar, deux mots apparaissent sur le miroir d’une salle de bains : «Disparaître ici.» Vingt-cinq ans plus tôt, ces mêmes mots se déployaient sur un panneau publicitaire de Sunset Boulevard.
Un matin, des étudiants découvrent près d’une poubelle ce qu’ils imaginent être un drapeau américain trempé de sang. C’est en fait un cadavre.
A la fin d’un week-end de drogues et d’orgies à Palm Springs, une fille contemple une montagne au-delà de la plaine désertique et murmure : «C’est le lieu du passage.» Elle ajoute en pointant le doigt : «C’est ici que vit le diable.»
C’est dans un Los Angeles évanescent, peuplé de fantômes et d’hallucinations, que Clay, le protagoniste de Moins que zéro, revient passer les vacances de Noël. Un quart de siècle s’est écoulé et la chirurgie esthétique a rendu la plupart de ses anciens amis méconnaissables. Le cinéma, qui l’emploie comme scénariste, paraît une copie de plus en plus délavée de la réalité et la réalité elle-même, un mauvais film dans lequel chaque personne rencontrée compte sur lui pour obtenir un rôle. Clay pense qu’une fille, une seule, Rain Turner, a peut-être ses chances. Pierre Guglielmina
Bret Easton Ellis est né à Los Angeles en 1964. Dès la publication, en 1985, de Moins que zéro, son premier livre, il a connu un succès foudroyant et s’est imposé comme l’un des écrivains majeurs de sa génération. Suivront Les Lois de l’attraction, American Psycho, Zombies, Glamorama et Lunar Park. Traduite dans le monde entier, adaptée au cinéma, son œuvre est l’une des plus significatives de la littérature contemporaine.
«Dans cette suite percutante de Moins que zéro, Ellis passe au crible l’évolution d’une jeunesse désenchantée, vingt-cinq ans après.» Publishers Weekly
«Un pur roman noir hollywoodien… une affaire de prostitution et de crimes digne des meilleurs polars de James M. Cain ou de Raymond Chandler… et des meilleurs films noirs des années 40, avec femme fatale à la clé.» Les Inrockuptibles, Nelly Kaprièlan
«Une danse macabre dans un Los Angeles cauchemardesque…Par-dessus tout, Ellis cherche à savoir pourquoi – ou plutôt quand – les individus deviennent des monstres. A quel moment, à quel seuil de douleur ou de léthargie l’humain disparaît-il ?» Financial Times
« Dévastateur.» Village Voice
(1ere phrase :)Ils avaient fait un film sur nous.
(Dernière phrase :)Avait-elle jamais fait des promesses à un reflet infidèle dans le miroir ? Avait-elle jamais pleuré parce qu’elle haïssait totalement quelqu’un ? Avait-elle jamais désiré la trahison au point de faire entrer les fantasmes les plus crus dans la réalité, inventant des séquences qu’elle seule, personne d’autre, pourrait lire, modifiant le jeu à mesure qu’on y joue ? Pouvait-elle situer le moment où elle était morte intérieurement ? Se souvient-elle de l’année consacrée à le devenir ? Les effacements, les dissolutions, les scènes réécrites, toutes les choses qu’on chasse – je veux maintenant les lui expliquer, mais je sais que je ne le ferai jamais, la plus importante étant : je n’ai jamais aimé personne et j’ai peur des gens.
228 pages – Editions Robert Laffont 2010 (2010 pour la traduction française)
(Aide mémoire perso :)Vingt-cinq ans après la parution de «Moins que zéro», son premier roman, Bret Easton Ellis retrouve l’ennui californien pour un sequel lorgnant vers l’horreur et le fantastique. L’occasion de parler un peu de ce yuppie passé maître du bizarre.
L’ouverture de «Suites impériales» définit le cadre dans lequel opère désormais l’auteur, mélange indécidable de réalité et de fiction : le narrateur, Clay, y évoque «Moins que zéro», le roman à succès inspiré de sa vie à Los Angeles en 1982, qui avait lancé la carrière d’un jeune écrivain (un type qu’il connaissait). Bret Easton Ellis, comme dans «Lunar Park», prend donc son propre patrimoine littéraire pour point de départ, dans une sorte d’autofiction au troisième degré qui commence à devenir son dispositif fétiche. Clay a la quarantaine passée, et revient à Los Angeles pour une vague raison professionnelle qui concerne l’industrie du cinéma. Ses anciens amis, Julian, Blair, et Rip, sont toujours là, et Clay se met à fréquenter une jeune actrice en quête de rôles, lui promettant de faire marcher ses relations. Il loue une suite d’hôtel hantée par un acteur récemment décédé, et le roman devient sordide à mesure que se dessine la face cachée d’Hollywood, avec sa cohorte d’immigrés abandonnés à la porte du succès, prêts à toutes les compromissions.
En étant méchant, on pourrait dire de «Suites impériale » qu’il se lit en deux heures, et s’oublie en deux jours. Comme dans «Moins que zéro», les dialogues creux et les situations absurdes se succèdent, et l’on se demande quand le roman va se décider à partir. Et puis, le vague succède au flou, inlassablement, et il ne reste qu’un brouillon d’intrigue, un script léger comme l’air, dans lequel flottent des personnages sans épaisseur. Questions sans réponses, nuée de signes qui ne tendent vers rien, fétu d’histoires balayé par le vent… On s’interroge : qu’y a-t-il à retenir de ce court roman, qui ne semble pas infléchir de manière décisive le cours des choses décrit dans le premier opus ? Les protagonistes, vingt-cinq ans plus tard, répètent les mêmes comportements, et les mêmes gestes rythment leur existence vide, sur une bande-son bloquée en 1984. Alors, à quoi bon cette suite ? Payer les traites de l’auteur ? Son opération de la cloison nasale ? Peut-être… mais pas seulement.
Bret Easton Ellis a pris un virage fantastique avec «Lunar Park» – sorte d’autobiographie fictive dans laquelle s’épanouit le surnaturel, à la faveur d’une dépression nerveuse et d’une consommation excessive de drogues. À la réflexion, pourtant, il n’était pas interdit d’apercevoir cette tendance dès «American psycho» et «Glamorama», dans lesquels on ne savait si les faits rapportés étaient réels, ou nés du délire paranoïaque du narrateur. Et finalement, on peut trouver des éléments de fantastique jusque dans les œuvres de jeunesse, tant la réalité décrite y est… irréelle. Noms de marques, de personnalités, tubes des années 1980, avalanche de signes, personnages interchangeables, on connaît la rhétorique dont se sert Ellis pour escamoter le réel et le vider de sa substance. Paradoxalement, c’est dans la réduction de ce dernier à une pure surface qu’il arrive à en faire surgir de nouvelles dimensions. Dans «Suites impériales», comme dans les précédents, c’est justement parce qu’il ne se passe rien que ce réel est étrange. C’est dans son appauvrissement, son assèchement par la langue du soap-opera et de la publicité, qu’il paraît effrayant, en dépit des couches de glamour dont on tente de le recouvrir. Et l’accélération finale de l’intrigue, qui étale au grand jour la profonde perversité des personnages, semble être une fausse piste, une irruption du réel à laquelle on ne croit pas ; Clay et ses amis sont incapables d’affronter la réalité nue, et d’envisager autre chose que leur petit monde autiste et fermé aux sentiments humains.
La capacité de l’auteur à créer le malaise est donc intacte, et l’évidence s’impose : si «Suites Impériales» n’est pas un grand Ellis, il n’en trahit nullement l’esprit, constituant un honorable jalon dans un work-in-progress dont on attend encore beaucoup.
Traduit de l’américain par Pierre Guglielmina
(4ème de couverture)Au milieu d’une nuit de cauchemar, deux mots apparaissent sur le miroir d’une salle de bains : «Disparaître ici.» Vingt-cinq ans plus tôt, ces mêmes mots se déployaient sur un panneau publicitaire de Sunset Boulevard.
Un matin, des étudiants découvrent près d’une poubelle ce qu’ils imaginent être un drapeau américain trempé de sang. C’est en fait un cadavre.
A la fin d’un week-end de drogues et d’orgies à Palm Springs, une fille contemple une montagne au-delà de la plaine désertique et murmure : «C’est le lieu du passage.» Elle ajoute en pointant le doigt : «C’est ici que vit le diable.»
C’est dans un Los Angeles évanescent, peuplé de fantômes et d’hallucinations, que Clay, le protagoniste de Moins que zéro, revient passer les vacances de Noël. Un quart de siècle s’est écoulé et la chirurgie esthétique a rendu la plupart de ses anciens amis méconnaissables. Le cinéma, qui l’emploie comme scénariste, paraît une copie de plus en plus délavée de la réalité et la réalité elle-même, un mauvais film dans lequel chaque personne rencontrée compte sur lui pour obtenir un rôle. Clay pense qu’une fille, une seule, Rain Turner, a peut-être ses chances. Pierre Guglielmina
Bret Easton Ellis est né à Los Angeles en 1964. Dès la publication, en 1985, de Moins que zéro, son premier livre, il a connu un succès foudroyant et s’est imposé comme l’un des écrivains majeurs de sa génération. Suivront Les Lois de l’attraction, American Psycho, Zombies, Glamorama et Lunar Park. Traduite dans le monde entier, adaptée au cinéma, son œuvre est l’une des plus significatives de la littérature contemporaine.
«Dans cette suite percutante de Moins que zéro, Ellis passe au crible l’évolution d’une jeunesse désenchantée, vingt-cinq ans après.» Publishers Weekly
«Un pur roman noir hollywoodien… une affaire de prostitution et de crimes digne des meilleurs polars de James M. Cain ou de Raymond Chandler… et des meilleurs films noirs des années 40, avec femme fatale à la clé.» Les Inrockuptibles, Nelly Kaprièlan
«Une danse macabre dans un Los Angeles cauchemardesque…Par-dessus tout, Ellis cherche à savoir pourquoi – ou plutôt quand – les individus deviennent des monstres. A quel moment, à quel seuil de douleur ou de léthargie l’humain disparaît-il ?» Financial Times
« Dévastateur.» Village Voice
(1ere phrase :)Ils avaient fait un film sur nous.
(Dernière phrase :)Avait-elle jamais fait des promesses à un reflet infidèle dans le miroir ? Avait-elle jamais pleuré parce qu’elle haïssait totalement quelqu’un ? Avait-elle jamais désiré la trahison au point de faire entrer les fantasmes les plus crus dans la réalité, inventant des séquences qu’elle seule, personne d’autre, pourrait lire, modifiant le jeu à mesure qu’on y joue ? Pouvait-elle situer le moment où elle était morte intérieurement ? Se souvient-elle de l’année consacrée à le devenir ? Les effacements, les dissolutions, les scènes réécrites, toutes les choses qu’on chasse – je veux maintenant les lui expliquer, mais je sais que je ne le ferai jamais, la plus importante étant : je n’ai jamais aimé personne et j’ai peur des gens.
228 pages – Editions Robert Laffont 2010 (2010 pour la traduction française)
(Aide mémoire perso :)Vingt-cinq ans après la parution de «Moins que zéro», son premier roman, Bret Easton Ellis retrouve l’ennui californien pour un sequel lorgnant vers l’horreur et le fantastique. L’occasion de parler un peu de ce yuppie passé maître du bizarre.
L’ouverture de «Suites impériales» définit le cadre dans lequel opère désormais l’auteur, mélange indécidable de réalité et de fiction : le narrateur, Clay, y évoque «Moins que zéro», le roman à succès inspiré de sa vie à Los Angeles en 1982, qui avait lancé la carrière d’un jeune écrivain (un type qu’il connaissait). Bret Easton Ellis, comme dans «Lunar Park», prend donc son propre patrimoine littéraire pour point de départ, dans une sorte d’autofiction au troisième degré qui commence à devenir son dispositif fétiche. Clay a la quarantaine passée, et revient à Los Angeles pour une vague raison professionnelle qui concerne l’industrie du cinéma. Ses anciens amis, Julian, Blair, et Rip, sont toujours là, et Clay se met à fréquenter une jeune actrice en quête de rôles, lui promettant de faire marcher ses relations. Il loue une suite d’hôtel hantée par un acteur récemment décédé, et le roman devient sordide à mesure que se dessine la face cachée d’Hollywood, avec sa cohorte d’immigrés abandonnés à la porte du succès, prêts à toutes les compromissions.
En étant méchant, on pourrait dire de «Suites impériale » qu’il se lit en deux heures, et s’oublie en deux jours. Comme dans «Moins que zéro», les dialogues creux et les situations absurdes se succèdent, et l’on se demande quand le roman va se décider à partir. Et puis, le vague succède au flou, inlassablement, et il ne reste qu’un brouillon d’intrigue, un script léger comme l’air, dans lequel flottent des personnages sans épaisseur. Questions sans réponses, nuée de signes qui ne tendent vers rien, fétu d’histoires balayé par le vent… On s’interroge : qu’y a-t-il à retenir de ce court roman, qui ne semble pas infléchir de manière décisive le cours des choses décrit dans le premier opus ? Les protagonistes, vingt-cinq ans plus tard, répètent les mêmes comportements, et les mêmes gestes rythment leur existence vide, sur une bande-son bloquée en 1984. Alors, à quoi bon cette suite ? Payer les traites de l’auteur ? Son opération de la cloison nasale ? Peut-être… mais pas seulement.
Bret Easton Ellis a pris un virage fantastique avec «Lunar Park» – sorte d’autobiographie fictive dans laquelle s’épanouit le surnaturel, à la faveur d’une dépression nerveuse et d’une consommation excessive de drogues. À la réflexion, pourtant, il n’était pas interdit d’apercevoir cette tendance dès «American psycho» et «Glamorama», dans lesquels on ne savait si les faits rapportés étaient réels, ou nés du délire paranoïaque du narrateur. Et finalement, on peut trouver des éléments de fantastique jusque dans les œuvres de jeunesse, tant la réalité décrite y est… irréelle. Noms de marques, de personnalités, tubes des années 1980, avalanche de signes, personnages interchangeables, on connaît la rhétorique dont se sert Ellis pour escamoter le réel et le vider de sa substance. Paradoxalement, c’est dans la réduction de ce dernier à une pure surface qu’il arrive à en faire surgir de nouvelles dimensions. Dans «Suites impériales», comme dans les précédents, c’est justement parce qu’il ne se passe rien que ce réel est étrange. C’est dans son appauvrissement, son assèchement par la langue du soap-opera et de la publicité, qu’il paraît effrayant, en dépit des couches de glamour dont on tente de le recouvrir. Et l’accélération finale de l’intrigue, qui étale au grand jour la profonde perversité des personnages, semble être une fausse piste, une irruption du réel à laquelle on ne croit pas ; Clay et ses amis sont incapables d’affronter la réalité nue, et d’envisager autre chose que leur petit monde autiste et fermé aux sentiments humains.
La capacité de l’auteur à créer le malaise est donc intacte, et l’évidence s’impose : si «Suites Impériales» n’est pas un grand Ellis, il n’en trahit nullement l’esprit, constituant un honorable jalon dans un work-in-progress dont on attend encore beaucoup.
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