Faut-il réformer ou libérer ?
La
France continue sa chute avec des prévisions de croissance revues à la baisse,
soit 0,7%, pour cette année par le FMI, et une dette qui s’envole, proche de 2
000 milliards et bientôt au-delà de 100% du PIB. Le premier ministre veut
« sortir la France de ses blocages ». « Mon obsession, dit-il,
c’est le mouvement, la réforme… » (Les Echos du 2 juillet). Et il s’engage
en effet dans de nombreux chantiers pour soutenir les entreprises et la
construction de logements, pour réduire certains impôts, pour redessiner les
collectivités locales… Mais l’agitation n’est pas une politique. La réforme
n’est pas bonne en soi, elle n’est pas utile si elle n’est pas ordonnée à une
vision juste et cohérente, et structurée par des principes d’efficacité. Or tel
n’est pas le cas.
Conscient
des méfaits annoncés de la loi ALUR, Monsieur Valls propose d’en atténuer
certains effets quand il faudrait la supprimer. Si la France souffre d’un
déficit de construction de 200 000 logements par an, c’est parce que la
construction publique s’est arrogée des aides et autres subventions et
exonérations refusées au logement privé qui pourtant assure une grande partie
du logement social et pourrait le faire encore mieux à égalité de concurrence.
C’est aussi parce que l’acte de construction relève désormais d’un combat à
mains nues dans la jungle des administrations de toutes sortes et que l’acte
d’acquisition d’une maison est devenu aussi compliqué, ou presque, que l’acte
d’achat d’Alstom !
Il
envisage de simplifier les lois sociales mais déjà il participe activement à
grossir le volume des 3648 pages du Code du travail en confirmant la mise en
place du compte pénibilité qui ne sera que différée. Et pour tempérer la colère
des entrepreneurs, il ne réfléchit qu’à du bricolage comme la hausse, sans
doute provisoire, des seuils qui déclenchent diverses obligations sociales dans
les entreprises.
Le
regroupement de collectivités locales est une bonne idée, mais cette réforme ne
servira à rien si elle ne s’accompagne pas d’une vraie autonomie de ces
nouvelles entités, comme cela existe aux Etats-Unis ou en Suisse. Dans ces
derniers pays, la concurrence entre les états ou canton et communes, sous le
contrôle direct des citoyens, oblige les administrations locales à être
attentive à leurs deniers et plus efficaces dans leurs dépenses.
En même
temps que sa majorité augmente certains impôts (taxe de séjour), il prétend
qu’il va encore baisser la fiscalité, mais seulement « pour les ménages
aux revenus modestes et les classes moyennes » quand il faudrait
l’abaisser pour tous. Sa réforme ajoute en fait à l’inégalité de l’impôt déjà
excessive en instaurant désormais de manière systématique la progressivité des
cotisations sociales : abaissement des cotisations d’allocation familiale
de 5,25 à 3,45% et réduction dégressive des cotisations patronales sur les
salaires entre 1 et 1,6 SMIC et des cotisations des travailleurs indépendants
entre 1 et 3,8 SMIC.
Dans la
France socialiste ou socialisante, l’inégalité s’est accrue depuis 2008 entre
les 10% les plus riches (au-dessus de 3 121€ nets par mois pour un ménage d’une
personne) et les 10% les plus pauvres (en dessous de 878€ nets par mois). Mais
la France est l’un des pays du monde où après prise en compte des avantages
sociaux au bénéfice des plus démunis et des charges fiscales et sociales qui
pèsent sur les plus riches, l’écart entre eux est le plus faible. S’il y a chez
nous 50% de fonctionnaires en plus que dans la moyenne européenne,
l’explication est là pour l’essentiel : c’est pour faire marcher, mal,
l’immense machine à redistribuer, très opaque et très onéreuse, que la France
est devenue.
Les
vraies réformes sont des actes de création. Et il n’y aurait pas de meilleure
réforme que de libérer la créativité des Français. Le vice inhérent aux
réformes de nos gouvernements socialistes ou socialisants est qu’ils envisagent
toujours la réforme comme quelque chose qui doit venir d’eux, du haut, et être
imposée, et contrôlée, et encadrée par eux. Et pourtant l’Etat n’est pas
omniscient, il ne sait pas plus que nous, il peut se tromper autant que nous,
voire plus tant ses décisions sont obscurcies par des procédures stupides et
des obsessions politiques et parfois personnelles. La vraie réforme
consisterait, sous réserve du respect de quelques règles aussi simples que
claires, à rendre aux Français la liberté de construire, de donner en location
et d’évincer les locataires irrespectueux de leurs engagements, de revenir
aussi à la liberté contractuelle des employés et des employeurs, à assurer aux
collectivités locales le droit de lever l’impôt pour exercer des champs de
compétence dont elles seraient maitres. L’impôt devrait enfin être payé par
tous et à taux proportionnel. Les Français y sont sans doute plus prêts que les
gouvernants le croient. Probablement parce que ceux-ci n’écoutent jamais que
ceux qui crient le plus fort. 56% des Français estiment qu’il n’est pas
« normal » que la moitié des ménages ne payent pas d’impôt sur le
revenu (sondage Viavoice-BPCE).
Il ne
s’agit pas de supprimer l’Etat, mais d’en faire un Etat modeste pour qu’il soit
un Etat fort, d’en faire un Etat garant pour que les citoyens puissent y vivre
libres, un Etat confiant dans l’aptitude du plus grand nombre à aller dans la
bonne direction plutôt que l’Etat gendarme qui veut tout régenter parce qu’il
se méfie de tous. Cette réforme serait une révolution sans doute en ce sens
qu’elle serait un vrai retournement, capable de refaire de la France un pays
riche de sa culture autant que de son économie parce qu’il serait d’abord riche
de ses hommes.
Source irefeurope.org
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