Enfants sous Ritaline
Un mal à quatre
lettres s’étend dans notre société : le TDA-H, une épidémie récente qui fait
l’objet d’interrogations, d’études et de commentaires nombreux. Le dernier en
date que j’ai lu étant un article paru le mois dernier par Le Figaro Madame : « Nos
enfants sont-ils devenus fous ? »
Ces enfants,
diagnostiqués TDA-H (trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité),
« sont-ils des Town Sawyers
d’aujourd’hui qui ne comblent pas les attentes de la société moderne à l’égard
de ses enfants » se questionne Lauwrence H. Diller, pédiatre aux
États-Unis.
Dans nos pays
modernes, où se développe une forme d’intolérance à toute manifestation
originale du caractère et des talents, les enfants doivent s’adapter à un seul
et même modèle éducatif.
Mais qu’est-ce donc
qu’un trouble du déficit de l’attention avec ou sans Hyperactivité ? Un
Trouble du Développement (TED), comme l’autisme par exemple ?
Eh bien non, le TDA-H
ne fait pas partie des TED, mais la prévalence mondiale du TDA-H parmi les
enfants et les adolescents est de 5,29%. De récentes études montrent que 40 à
60% des patients TDA-H conservent des limitations dues à la maladie à l’âge adulte
(avec risque de spirale d’échec et d’exclusion). Dans cette population, on
observe une comorbidité élevée, avec entre autres des troubles de l’humeur, des
troubles de la personnalité et des conduites addictives, ce qui complique le
diagnostic et le traitement.
Reprenons la
symptomatologie telle qu’elle est décrite dans le référentiel psychiatrique (le
DSM- IV) :
1) Des symptômes de
déficit d’attention : six des symptômes suivants d’inattention (ou plus)
ont persisté pendant au moins 6 mois, à un degré qui est inadapté et ne
correspond pas au niveau de développement de l’enfant :
- souvent, ne parvient pas à prêter attention aux détails, ou fait des fautes d’étourderie dans les devoirs scolaires, le travail ou d’autres activités,
- a souvent du mal à soutenir son attention au travail ou dans les jeux,
- semble souvent ne pas écouter quand on lui parle personnellement,
- souvent, ne se conforme pas aux consignes et ne parvient pas à mener à terme ses devoirs scolaires, ses tâches domestiques ou ses obligations professionnelles,
- a souvent du mal à organiser ses travaux ou ses activités,
- souvent, évite, a en aversion, ou fait à contrecœur les tâches qui nécessitent un effort mental soutenu,
- perd souvent les objets nécessaires à son travail ou à ses activités,
- souvent, se laisse facilement distraire par des stimuli externes,
- a des oublis fréquents dans la vie quotidienne.
2) Et/ou des symptômes
d’hyperactivité, d’impulsivité : six des symptômes suivants
d’hyperactivité et d’impulsivité (ou plus) ont persisté pendant au moins 6
mois, à un degré qui est inadapté et ne correspond pas au niveau de
développement de l’enfant :
Hypertactivité :
- remue souvent les mains ou les pieds, ou se tortille sur son siège,
- se lève souvent en classe ou dans d’autres situations où il est supposé rester assis,
- souvent, court ou grimpe partout, dans des situations où cela est inapproprié (chez les adolescents ou les adultes, ce symptôme peut se limiter à un sentiment subjectif d’impatience motrice),
- a souvent du mal à se tenir tranquille dans les jeux ou les activités de loisir,
- est souvent « sur la brèche » ou agit souvent comme s’il était « monté sur ressorts »,
- parle souvent trop.
Impulsivité :
- laisse souvent échapper la réponse à une question qui n’est pas encore entièrement posée,
- a souvent du mal à attendre son tour,
- interrompt souvent les autres ou impose sa présence.
Les symptômes
apparaissent par définition pendant l’enfance et posent problème dans
différents domaines de la vie. Les enfants ont le plus souvent des problèmes
d’apprentissage et de travail, davantage de problèmes sur le plan du
fonctionnement relationnel, sexuel et social et présentent plus souvent un
comportement antisocial.
Le traitement à long
terme se constitue d’une molécule : le Méthylphenidate, faisant partie des
psychostimulants et dont le nom commercial le plus connu est la Ritaline. Cette
molécule permet d’éradiquer toute la symptomatologie visible.
Mais une étude
effectuée par une équipe française, publiée en 2011, met en évidence l’intérêt
du Neurofeedback pour permettre aux enfants un focus de l’attention sur une
tâche. Qu’est-ce que le principe de fonctionnement du neurofeedback ?
Prenons l’image
suivante : le cerveau est comparable au réseau routier. Deux centres
importants permettent le traitement des informations arrivant et repartant aux
muscles, viscères… : le cerveau et la moelle épinière. Le corps serait la
carte de France, le cerveau Paris et le deuxième relais la moelle épinière =
Lyon. Le réseau neuronal chez le bébé correspond au réseau national dès années
60. Puis en fonction du nombre de voitures qui empruntent ces routes, les
chemins qu’utilisent les automobilistes pour relier des villes secondaires, le
réseau se modifie. Des chemins deviennent des routes, elles sont goudronnées,
le tracé est pensé au plus simple, ou avec un détour par un village qui doit
être desservi. Les axes existants se renforcent, possèdent deux fois 2 voies,
deviennent des nationales, puis des autoroutes…
Le cerveau évolue de
la même manière. Il reçoit un tas d’information qu’il trie pour leur pertinence
et apporte une réponse. Dans le même temps, il analyse la quantité/
l’intensité/la durée, lui permettant un ajustement : un feedback. Il peut ainsi
se réguler grâce à sa neuroplasticité (sa capacité à se modifier comme le
réseau routier). Notre cerveau se développe ou non selon les voies stimulées
pour fonctionner plus rapidement et plus finement : il opère seul un
rééquilibrage pour maintenir son homéostasie.
Le principe du
Neurofeedback est simple : des électrodes permettent d’enregistrer le
fonctionnement neuronal, les zones qui sont activées par une tâche, et
notamment les réseaux dédiés à l’attention. Puis l’enfant peut visualiser sur
l’écran son activité cérébrale. Ayant une information sur cette activité, il
peut ensuite l’équilibrer.
Pourquoi utiliser un
écran ? Pourquoi le cerveau de l’enfant ne peut-il le faire seul ?
Reprenons notre image du réseau routier. Si nous prenons le trafic actuel et
que nous revenions sur un réseau des années 60, celui-ci serait saturé, débordé
et il lui faudrait trouver des solutions pour le désengorger. Pour le cerveau,
c’est le même principe, un enfant reçoit des informations qu’il traite de
manière égale (sans leur accorder une valeur) et son réseau neuronal n’est pas
aussi performant que celui de l’adulte ; alors il va se trouver débordé et
n’aura pas tous les moyens pour retrouver un équilibre de fonctionnement. En
effet, le cerveau est en cours de maturation pendant la période de l’enfance et
de l’adolescence, c’est-à-dire que le réseau neuronal se crée et se complexifie
en rapport avec les stimulations reçues de l’environnement de l’enfant jusqu’à
environ 20/25 ans.
Ce traitement m’amène
à me poser plusieurs questions : comme cela nécessite un rééquilibrage
cela signifie que le cerveau de l’enfant ne peut faire face à toutes les
stimulations venant de l’extérieur. Alors nous pouvons nous demander si le
TDA-H n’est pas une réponse à la sur-stimulation des cerveaux de nos enfants.
Nos enfants sont-ils
fous ? Non, mais peut-être un des symptôme du dysfonctionnement de la
Société, une souffrance bien plus globale et profonde que la Ritaline ne pourra
pas juguler et cacher bien longtemps.
Sources :
- Effectiveness of EEG Biofeedback as Compared with Methylphenidate in the Treatment of Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder: A Clinical Outcome Study. Mohammad Ali Nazari, Laurent Querne, Alain De Broca, Patrick Berquin.
- Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux, 4ème édition.
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