Les manipulations vertébrales
Une manipulation
vertébrale est tout simplement une ré-information neurologique que l’on
transmet au système nerveux central. Le craquement audible n’est rien d’autre
qu’un effet de pression des gaz (gaz carbonique, entre autres) dans
l’articulation. Le mythe longtemps entretenu voulant que l’on puisse replacer
une vertèbre par une manipulation n’est pas vrai. Une vertèbre ne se déplace
pas. La vertèbre est fixée par plusieurs ligaments pour assurer la stabilité du
canal médullaire (trou au milieu de la vertèbre où passe la moelle épinière).
Si une vertèbre se déplaçait, elle entraînerait une déformation du canal
médullaire et une compression de la moelle avec paralysie, ce qui se produit
uniquement lors de fracture vertébrale ou lors de spondylolysthésis à la 5e
vertèbre lombaire (glissement antérieur du corps vertébral de L5). Par contre,
une vertèbre possède une certaine mobilité selon des axes de mouvement très
bien connus. Il se peut que, pour une raison quelconque, la vertèbre reste
prise dans une position et ne revienne pas à sa position de départ, souvent
parce qu’un muscle profond en spasme la retient. La vertèbre n’est pas
déplacée, sinon il y aurait de graves conséquences neurologiques; elle est tout
simplement restreinte dans sa mobilité et elle ne peut plus accomplir toute son
amplitude normale de mouvement.
La manipulation est
probablement une des techniques de traitement les plus efficaces pour aider à
soulager rapidement une douleur, surtout dans les états subaigus, car elle agit
a plusieurs niveaux. D’abord, elle a un effet d’inhibition de la douleur par la
théorie du portillon et par plusieurs autres mécanismes neurologiques
complexes. Elle a également un effet réflexe local provoquant un relâchement
musculaire local qui permet souvent à la vertèbre de retrouver sa mobilité
normale. Elle possède aussi un effet placebo comme tout traitement, qui est
augmenté selon la croyance du patient aux manipulations. Il existe cependant
des précautions et des contre-indications aux manipulations vertébrales telles
que fractures, traumatismes importants sans radiographie, présence de signes
neurologiques, prise de corticostéroïdes à long terme, inexpérience du
thérapeute, obsession de la vertèbre déplacée par le patient, qui sont connues
des thérapeutes appliquant des manipulations. Si ces précautions sont respectées,
la manipulation ne représente aucun danger pour le patient. Les gens entendent
parfois des incidents déplorables dans les médias et craignent de se faire
manipuler par peur de paralyser, mais si cela peut vous rassurer, vous avez
plus de possibilités de paralyser en vous tournant la tête pour faire votre
angle mort en voiture ou de subir des effets néfastes en prenant des
médicaments. La moelle épinière est très bien protégée et les artères
vertébrales le sont également au niveau du cou. Là où il faut faire très
attention, c’est lors de la manipulation entre la base du crâne et la 1re
vertèbre cervicale (C0 et C1). La raison est fort simple. À cet endroit,
l’artère vertébrale est très vulnérable étant donné qu’elle effectue une
bifurcation de 90 degrés pour pouvoir entrer dans le crâne. Une fausse manœuvre
par un professionnel peu expérimenté qui exagère trop la rotation peut donc
l’endommager et produire des événements tristes comme ceux mentionnés dans les
médias. Avant de procéder à une manipulation de la région cranio-cervicale
(C0-C1-C2), le professionnel doit obligatoirement procéder au préalable à des
tests de stabilité ligamentaire de cette région.
Des précautions
doivent aussi être prises lors de manipulations vertébrales sur des hernies
discales aiguës car des manipulations en rotation créent un cisaillement sur le
disque et peuvent aggraver davantage l’état du patient. Les manipulations sans
torsion, qu’on appelle souvent décoaptations, sont tout aussi efficaces et
beaucoup plus sécuritaires. Une manipulation peut causer des effets secondaires
d’une durée de 24 à 48 heures car lorsqu’on corrige une dysfonction vertébrale,
il peut se produire une légère phase inflammatoire locale qui se résorbe
habituellement rapidement avec une amélioration de l’état par la suite.
Les tests de mobilité
vertébrale servent à déterminer si une vertèbre est en dysfonction. La
palpation ou la radiographie ne suffisent pas à diagnostiquer une dysfonction
vertébrale car la vertèbre peut être très mobile mais positionnée en rotation
par adaptation à un problème qui vient d’ailleurs. Il faut absolument que le
thérapeute procède à des tests de mobilité spécifique ou à une radiographie en
mouvement. Si l’on vous diagnostique un problème vertébral uniquement à partir
d’une radiographie, sachez qu’il s’agit d’un diagnostic incomplet qui ne tient
pas compte d’autres aspects très importants. Un diagnostic incomplet risque de
finir en traitement incomplet. Combien de fois j’ai entendu des patients me
dire que leur problème cervical venait d’une rectitude de la colonne cervicale
et ce, parce qu’ils avaient passé une radiographie sur laquelle on constatait
une rectitude du rachis cervical. Un cou endolori et spasmé va automatiquement
engendrer une adaptation du rachis cervical. C’est le même principe pour tout
désordre de la colonne vertébrale. Si l’on a une chaîne musculaire tendue qui
tire et engendre des vertèbres en rotation, les tests de mobilité spécifique
vont démontrer que la vertèbre n’a aucune perte d’amplitude articulaire bien
que la radiographie nous démontre une vertèbre en rotation. Il faut donc
traiter cette chaîne musculaire et tout rentrera dans l’ordre. Si l’on se fit
uniquement à la radiographie et qu’on s’acharne à faire craquer cette vertèbre
à chaque visite, la vertèbre reviendra toujours dans la même lésion puisqu’elle
est maintenue par une chaîne musculaire ou par de mauvaises habitudes
posturales. Si la même vertèbre revient constamment en lésion, il y a forcément
quelque chose qui la ramène en dysfonction et c’est ce qu’il faut investiguer.
Il faut arrêter de manipuler à répétition une même vertèbre.
Les études divergent
quant à l’effet des manipulations appliquées à répétition. Certaines écoles de
pensée affirment que cela entraîne une hypermobilité et une laxité
ligamentaire. D’autres croient que la conséquence à long terme serait plutôt
une fibrose locale qui aurait tendance à fixer davantage la vertèbre et qui
expliquerait le besoin de se faire craquer à nouveau. Beaucoup de gens se font
craquer eux-même à répétition, mais le problème qu’ils éprouvent est qu’ils
ressentent le besoin de se faire craquer de plus en plus souvent. La personne
va mieux sur le coup mais la douleur et la raideur se réinstallant
progressivement, cette personne ressent le besoin de se faire craquer de
nouveau. Prenons l’exemple de quelqu’un qui se craque le cou sans arrêt pour se
soulager. Si, à la place, il relâchait sa musculature cervicale profonde par un
exercice d’étirement et que cela avait pour conséquence de relâcher ce qui tire
sur ses vertèbres, il ne sentirait plus le besoin de se faire craquer.
Rappelez-vous qu’une manipulation a pratiquement toujours un effet d’apaisement
de la douleur, mais si le problème ne vient pas de la vertèbre, ce soulagement
ne sera que temporaire.
Source Sébastien Plante, ostéopathe
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