Pour une suppression du principe de précaution
Et si on supprimait le
principe de précaution de la constitution ? Voilà une proposition qu’on
aimerait voir dans le programme des candidats à la présidentielle de 2017. Éric
Woerth a déposé en juillet dernier une proposition de loi en ce sens. François
Fillon semble y réfléchir. Voilà qui indique un revirement de pensée au sein de
l’UMP, qui a pourtant fait inscrire le principe de précaution dans la
Constitution en 2005.
Le principe de
précaution prétend nous protéger contre les risques liés aux technologies,
qu’elles soient nouvelles ou anciennes, qu’ils concernent l’environnement ou
notre santé. Derrière une logique en apparence irréfutable, ce principe conduit
à rejeter toute innovation faute de certitude absolue sur les éventuels effets
indésirables. Le « risque zéro » n’existe pas. Et l’absence absolue
de toute nuisance potentielle constitue un piètre critère de choix politique.
De surcroît, on chercherait en vain, encore aujourd’hui, une définition
universellement admise de ce principe. Il est devenu une notion
« passe-partout » qui permet d’interdire n’importe quel produit ou
technologie, même quand il existe un quasi consensus quant à son innocuité.
C’est ainsi qu’en son
nom la loi du 13 juillet 2011 a interdit en France l’exploitation des gaz de
schiste par la technique de la fracturation hydraulique. Or, des pays comme les
États-Unis ou le Royaume-Uni ont, au contraire, décidé d’utiliser cette technique
connue depuis des décennies. Et les méthodes modernes d’exploitation des
hydrocarbures non conventionnels sont une solution à nos besoins futurs
d’énergie bon marché, condition sine qua non
de notre développement économique. Ce même principe de précaution a conduit à
interdire d’ici 2015 le bisphénol A (BPA) de tous les contenants alimentaires
alors qu’il est utilisé depuis plus de 50 ans comme moyen de sécuriser les
aliments que nous mangeons. Le bisphénol A, qui n’est certes pas la panacée,
présente l’énorme avantage de protéger les aliments de leur contenant (le coca
de sa cannette, les tomates de leur boîte de conserve). Il est un outil
efficace de lutte contre les intoxications alimentaires liées à des bactéries
comme l’E. Coli ou le botulisme, qui peuvent causer la mort. Cette année, on a
aussi envisagé d’appliquer le principe de précaution à la cigarette
électronique. Nombre d’experts reconnaissent pourtant que, sans être parfaite,
cette innovation est particulièrement intéressante pour la santé des fumeurs.
Le principe de
précaution continue aussi à s’appliquer aux biotechnologies. La culture
précautionniste a considérablement ralenti le rythme auquel nous pouvons
bénéficier des atouts de la technologie en matière d’Organismes génétiquement
modifiés (OGM). Or, les bienfaits sanitaires, nutritionnels et environnementaux
des progrès de l’agronomie ont été considérables ces cinquante dernières
années. Au cours de cette période, la population mondiale a plus que doublé –
et la production agricole quasiment triplé – tandis que les surfaces agricoles
n’augmentaient que de 12%. Selon une estimation de 2012 du professeur Jesse
Ausubel, les terres « épargnées » depuis les années 1960 - car les
meilleurs rendements avaient rendu superflue leur conversion à des usages
agricoles - équivaudraient à la superficie des États-Unis, du Canada et de la
Chine réunis. Aujourd’hui, les OGM promettent d’améliorer la qualité des
aliments de plusieurs manières : apport accru en vitamines, minéraux,
protéines et antioxydant (comme l’ananas enrichi en lycopène), diminution des
taux de toxines (tel le manioc à moindre teneur en cyanure) et d’allergènes.
Les effets pervers du
principe de précaution ne doivent plus être ignorés. Il est opportun – comme
osent le suggérer certains – de désacraliser ce principe et de le
déconstitutionnaliser pour rendre au principe de responsabilité individuelle
toute sa puissance et son efficacité. L’innovation scientifique ne peut
prétendre à la perfection. Notre souci devrait être de savoir si l’innovation
engendre une situation moins problématique que celle qui l’a précédée. Or, le
principe de précaution, qui n’a que l’apparence du bon sens, interdit
l’émergence de modes d’action meilleurs ou moins nocifs.
Source institutmolinari.org Cécile Philippe directrice de
l’Institut économique Molinari
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