1ERE PUBLICATION LE 26 JUILLET 2017
Monsieur Macron, sortez du verbiage pour
passer à l’action !
Le gouvernement
Édouard Philippe semble s’enfermer dans la polémique plus que dans l’action.
Peut-il s’en sortir et pousser les vraies réformes nécessaires ?
En
sémantique, il y a certains détails qui tuent. Il en est du recadrage fait par
Emmanuel Macron à ses ministres. Ce mercredi 26 juillet, en conseil des
ministres, suite à la cacophonie de ces dernières semaines, il leur a demandé
de « donner du sens » à leur
action.
Certes,
ce nouveau Président constitue une mine pour les linguistes ou les
sémanticiens. On ne compte plus ses déclarations surréalistes, quand ce ne sont
pas ses dérapages verbaux. Les recenser permet de se faire une idée précise sur
le personnage. Mais analysons tout d’abord cette dernière prise de
parole : « si on sait donner du sens,
on évite les petites polémiques ». Derrière une apparence des plus
banales, celle-ci trahit un contenu tout à fait révélateur.
Trouver du sens là où il fait
défaut
Originellement,
« donner du sens » signifie
trouver de la logique à quelque chose qui n’en a pas.
- Au premier degré, cette injonction revient donc à demander à ses ministres de dissimuler l’inconsistance ou l’incohérence de leur politique.
- Au second degré, cette expression « donner du sens » est souvent entachée de supériorité. Il s’agit de rendre intelligible quelque chose qui n’est pas compris par autrui. Lorsque l’on veut « donner du sens », on se place bien évidemment au dessus, et on tente de convaincre moins averti que soi, dans un but bien déterminé, celui d’en obtenir un certain comportement.
C’est
typiquement une expression utilisée par les managers en butte à
l’incompréhension de leurs équipes. Il s’agit d’une sorte de fourre-tout, d’un
syntagme figé relativement flou mais qui permet de qualifier à peu de frais une
situation que l’on n’arrive plus à contrôler. Dans ce cas précis, il est
évident que Macron ne demande pas à ses ministres de changer de politique, mais
de la rendre acceptable par le peuple.
Parler pour masquer son inaction
Faut-il
le rappeler ? Si le gouvernement d’Édouard Philippe s’était vraiment
attelé aux réformes de fond dont notre pays ne peut plus se passer, non
seulement les ministres ne donneraient pas un spectacle aussi affligeant, mais
il ne viendrait pas au Président Macron l’idée de leur demander de rendre leur
action « sensée ». Si leur action l’était vraiment, ne serait-elle
pas suffisamment explicite en elle-même ? Quoi de plus évident en effet
qu’une réforme de fond ? Quoi de plus parlant qu’un changement radical de
politique ? Quoi de plus convaincant qu’un programme politique
volontariste et éclairé ?
Serait-il
venu à l’esprit d’un Président d’expliciter les actions d’un gouvernement qui
travaille d’arrache pied à sortir le pays du déclin économique ?
Margaret Thatcher ou Gerhard Schroeder avaient-ils besoin de paraphraser
continuellement ce qu’ils entreprenaient ? Certainement pas ! Encore
une fois, comme l’a maintes fois démontré Emmanuel Macron, à l’instar de son
prédécesseur François Hollande (mais qu’ont-ils donc appris à l’ENA ?), le
Verbe est là pour occuper le peuple et pour masquer le déficit d’ambition et
d’efficacité. Car rien de ce que ce gouvernement a jusqu’à présent entrepris
n’apparaît comme potentiellement efficace et compréhensible.
Substituer la forme au fond
Dans
ce récent recadrage en conseil des ministres, nombreuses sont d’ailleurs les
expressions malheureuses, qui dénotent cette absence de vision et ce désir de
valoriser une succession de décisions prises à la petite semaine. Comment en
effet justifier le fait que Emmanuel Macron demande à ses ministres d’« innover (en matière d’) arbitrages » ?
Sincèrement, est-ce vraiment d’innovation dont le gouvernement a besoin ?
Ne serait-il pas plutôt de courage ? Le Président privilégierait-il la
créativité des décisions à leur pertinence ? Dans un pays écrasé par la
dette et par un État ventripotent, en proie à une considérable chute de sa
compétitivité, le Président espère t-il trouver une martingale insoupçonnée qui
lui permettrait de redresser la situation sans générer le moindre effort ?
Serait-il lui-même naïf à ce point ? Espérons pour lui que non. Sans doute
cherche-t-il seulement à masquer son inaction, exactement comme l’a fait son
prédécesseur.
Même
le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, a utilisé ces mêmes
ficelles maladroites, ces expressions creuses et à la mode lorsqu’il a
déclaré : « le Président nous a
encouragés à réfléchir au fait que chacune de nos décisions soit dans une
logique de sens ». Prise à la lettre, cette phrase suggère que
jusqu’à ce jour, les ministres n’avaient rien fait de sensé. Et qu’il s’agit
maintenant de trouver coûte que coûte une caution intelligible, un habillage
acceptable à une succession de décisions qui n’ont en réalité aucune cohérence
intrinsèque.
Le verbe comme outil prométhéen
Hélas,
chez Emmanuel Macron, le Verbe est également un outil de pouvoir multiforme,
qui semble accompagner un incommensurable désir de puissance. À croire que le
réel n’est qu’une vision, et qu’il lui suffit de donner la sienne propre,
quitte à distordre les faits, pour rendre cette réalité partagée par tous.
Sinon, comment expliquer cet incroyable dérapage, lors du récent sommet du
G20 : « On ne peut pas lutter contre
le terrorisme sans action résolue contre le réchauffement climatique » ?
Comment justifier une déclaration aussi ridicule, si ce n’est par une totale
absence de retenue. De ce fait, comment ne pas avoir peur d’un Président
capable d’autant de déraison ?
Chronique d’un échec annoncé si
l’on en reste à la communication sans l’action
Les
psychologues, les linguistes et les spécialistes du recrutement dans les
entreprises le savent : les opérationnels utilisent un langage direct
tourné vers l’action et les résultats tandis que les rêveurs abusent de
concepts éthérés, alors que les technocrates ne connaissent qu’un métalangage
aussi sophistiqué que déconnecté des faits. Or, que ce soit Emmanuel Macron, le
porte parole du gouvernement Christophe Castaner ou la plupart des ministres du
gouvernement Édouard Philippe, tous tiennent un discours qui s’apparente à
celui des rêveurs et des technocrates, très éloigné de celui des
entrepreneurs-réalisateurs.
Ainsi,
peut-on dès à présent parier sans risque sur l’échec de ce gouvernement, car
les reculades et atermoiements qui ont entaché ses premières semaines
d’existence ne sont ni le fruit de la malchance ni celui d’un calendrier
difficile. Il s’agit bel et bien d’une marque de fabrique que le langage tenu
chaque jour ne cesse de confirmer. Cette même marque « structurelle »
que celle du précédent gouvernement ! Face à une situation qui le dépasse,
il ne reste à ce gouvernement de bric et de broc et sans vision qu’une seule
parade : communiquer. Et chaque fois qu’il le fait, il dévoile malgré lui
sa totale inadaptation à la situation présente.
Source
contrepoints.org
Par Claude Robert.
- Claude Robert
eradiquons.fr
Claude Robert est consultant international en organisation, et auteur du site satirique « Eradiquons le politiquement correct français »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire