L’obscurantisme a un brillant avenir
Le combat contre l’obscurantisme et le
charlatanisme est assurément sans fin. Mais certains événements récents
prennent une tournure inquiétante. En voici trois exemples.
1. La Commission européenne est sommée de se séparer de ses
conseillers scientifiques.
Le 22 juillet 2014,
neuf organisations de l’écologie politique ont demandé au nouveau président de
la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, de supprimer le poste de
conseiller scientifique en chef afin que la Commission « prenne ses conseils d’une variété de sources indépendantes et
multidisciplinaires »… Les signataires comprennent notamment
Greenpeace et la Fondation Sciences Citoyennes. Il est à craindre qu’une
nouvelle étape soit franchie en Europe dans la désinformation en matière
scientifique.
2. Des messages alarmants sur les dangers allégués des
« ondes » s’infiltrent jusque dans les « conseils » donnés
aux femmes enceintes, parfois assortis de publicités mensongères pour
d’illusoires protections.
Lorsqu’une femme
déclare sa grossesse, elle reçoit un « pack » avec des produits de
puériculture et un petit livret « happy
baby ». Dans ce livret figure une mise en garde contre « les ondes électromagnétiques »
(page 33) au même titre que le tabac ou l’alcool, ainsi qu’une publicité pour
le « vêtement de grossesse anti-ondes
Bellyarmor ».
Bien entendu, il n’y a
pas de raison de faire peur aux femmes enceintes avec un danger inexistant ou,
en tout cas, non avéré. Malheureusement, elles représentent une cible
privilégiée des vendeurs de prétendues protections en tout genre qui s’appuient
sur des sources farfelues ou aussi peu fiables que le rapport
« bioinitiative 2013″.
3. Des gourous et guérisseurs vendent leurs recettes parfois
dangereuses dans les écoles, voire les hôpitaux.
Ainsi, une
magnétiseuse place des aimants qui « tuent
les micro-organismes responsables des pathologies ». Elle prétend
guérir « avec grand succès » sida, méningite, diabète, pneumonie,
infertilité, etc., et elle désintègre sans peine les tumeurs cancéreuses.
D’autres dissolvent
des maladies par téléphone en récitant une suite de mots, ou remplacent des
vertèbres avec des outils invisibles.
Certains délivrent
même des diplômes, comme le Californien Eric Pearl, ex-chiropraticien, qui jure
avoir « activé » plus de 60 000 mains pour leur donner « de
nouvelles fréquences » afin de « devenir des catalyseurs de guérisons ».
Imposer les mains et
parler peut soulager une détresse psychologique mais il faut rester très
prudent dans l’ouverture aux approches complémentaires.
Le divorce des élites
politiques et, plus sournoisement, des faiseurs d’opinions que sont les
journalistes, d’avec la connaissance scientifique est à la base d’une défiance
des citoyens vis-à-vis de la science. Chacun a le droit de donner un avis à la
condition expresse de ne pas avoir de compétence pour le faire. Ainsi, tout le
monde peut avoir un avis sur le nucléaire sauf les physiciens qui, forcément,
appartiennent au lobby nucléaire. Il en va ainsi pour les vaccins et les
médecins, pour les OGM et les biologistes, ou pour le gaz de schiste et les
professionnels des forages pétroliers.
La dimension
scientifique et technique des décisions nécessitent de plus en plus de
l’expertise. Sa dévaluation, voire sa disqualification, est un danger pour
l’équilibre de notre société.
Une lueur d’espoir
nous vient de l’étranger : la BBC a décidé de ne plus inviter de charlatans
lors des débats scientifiques et de former ses journalistes à la démarche
scientifique.
Mais en France, pays
de Descartes, faut-il s’étonner que des décideurs et des instances officielles
soient si déboussolés par la cacophonie ambiante qu’ils en perdent leur bon
sens ? Ou pire, qu’ils y contribuent en favorisant l’intrusion des idéologies dans
les agences de santé, de l’énergie (comme l’ADEME) imprégnée d’un parti-pris
antinucléaire), ou dans des programmes de recherche sous couvert
« d’ouverture à la société civile ».
L’obscurantisme fondé
sur le discours de peur et le rejet de la science a encore en France un
brillant avenir.
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