Chuck PALAHNIUK
A l’estomac
Traduit de
l’américain par Bernard Blanc
(4ème de couverture)
En
répondant à cette mystérieuse annonce, les vingt-trois protagonistes d’A
l’estomac s’imaginaient couler des jours tranquilles dans un endroit de rêve.
Oui mais
voilà, l’endroit en question, un théâtre délabré, est… terrifiant.
Isolés du
monde, maltraités, privés petit à petit de toute ressource – chauffage, lumière
et surtout nourriture -, nos écrivaillons s’affolent.
Convaincus
qu’ils sont l’objet d’une mise en scène propre à nourrir le best-seller de
l’année ou le scénario d’un réality-show à succès, tous se lancent dans une
compétition acharnée pour survivre. A mesure que se dégradent les conditions de
vie, leurs manigances pour sortir indemnes de ce lieu infernal se font plus
cruelles, et leurs écrits, qui composent le livre, plus déviants.
Chuck
Palahniuk est une des figures majeures de la littérature américaine
contemporaine : l’univers noir et extrême de ses romans a fait de lui un auteur
culte. Il vit dans l’Etat de Washington et se consacre à l’écriture. Après
Choke et Le Festival de la couille, A l’estomac est le troisième ouvrage de
Palahniuk publié chez Denoël.
(1ere phrase :)
Lorsque
l’autobus s’arrête au coin de la rue où Camarade Maussade a accepté d’attendre,
elle est là, avec des fringues achetées dans un surplus de l’armée, un gilet
pare-balles - vert olive foncé – et un pantalon de camouflage trop grand pour
elle, dont les revers laissent voir ses bottes d’infanterie.
(Dernière phrase :)
Et dès
lors, en ce magnifique jour ensoleillé, le monde entier vous aimera.
536 pages
– Editions Denoël & d’Ailleur 2005 (2006 pour la traduction française)
(Aide mémoire perso :)
Après le mémorable « Choke », ou
comment gagner sa vie en vomissant dans les grands restaurants, et le déroutant
« Fight Club », on pouvait croire que Chuck Palahniuk avait épuisé son stock de
drôles d'atteintes au bon goût et à l'esthétiquement correct. Grave erreur, «À
l'estomac », son livre le plus long et le plus ambitieux. À la fois recueil de
nouvelles, de poésie et roman, ce texte met en scène un bataillon d'aspirants
écrivains coincés dans un ancien théâtre par un mystérieux démiurge au visage de
vieillard et aux moeurs d'enfant. Au programme : leçon sur les dangers des
méthodes alternatives de masturbation, descentes d'organes, mutilations,
cannibalisme, traité des joies de la clochardisation. Nos littérateurs trash
peuvent trembler, non seulement Palahniuk va infiniment plus loin qu'eux, mais
en plus il place toujours ses outrances du côté du rire. Mieux, leur somme
forme une réflexion complexe sur la transformation de l'information en
dramaturgie. Un livre où tout est permis mais où rien n'est gratuit.
Si la structure est curieuse, le
contenu l'est encore plus. La trame générale atteint très vite des sommets
d'horreur absurde. Comme chez Bret Easton Ellis, les personnages sont des
icônes désincarnées dont les sentiments et les motivations sont soigneusement
mises de côté – en attendant la nouvelle qui les mettra en scène. Chacun, à
tour de rôle, un peu comme dans un groupe de parole, s'avance et raconte un
épisode significatif de sa vie. Chaque nouvelle est une sorte de feu d'artifice
horrifique permettant à Palahniuk d'explorer et de critiquer un aspect de la
société américaine. Celle-ci est comme un cadavre maquillé et parfumé, dont
l'auteur nous montre la réalité : les fluides qui suintent, les tissus qui
pourrissent, les vers qui grouillent. Le corps est profané de toutes les façons
possibles et imaginables : sexe sordide, mutilation, corruption, torture,
cannibalisme : rien n'est épargné, et la crudité des détails, associés à leur
précision maniaque (Palahniuk ferait un grand contributeur à Wikipedia), rend
les scènes quasiment insoutenables.
Composé de 23 histoires d'horreur
racontées par une bonne douzaine de personnages, A l'estomac (salement traduit
de l'anglais Haunted) est un roman à part entière de Chuck Palahniuk , avec son
lot de surprises (terrifiantes et écoeurantes ici), de coups de génie et de
roublardise. Après « Fight Club », « Choke » et « Survivor », on sait ce que le
label Palahniuk recouvre : une plongée dans un monde déjanté amusant et
inquiétant, une approche ultradétaillée d'une pathologie souterraine à
résonnance sociétale, une analyse au marteau de la société américaine, un style
direct exposé à la 1ère personne en compte à rebours où le début rattrape la
fin.
Les bizarreries, originalités, faits
divers, anecdotes, et autres travers qui peuplent les nouvelles peuvent être
directement transposées dans les scénarios. Assassins masseurs de pied, Boîtes
à cauchemars, Clochards richissimes, ne sont que quelques-uns des éléments à
extraire du livre. Au pire, vous aurez une vision au vitriol de la société
américaine, et des cauchemars pour trois mois.
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