On
achève bien les jeunes
Grande oubliée
des politiques, la jeunesse est devenue la variable d’ajustement de la société
française.
Chaque enfant porte 30 000 euros
de dette publique à la naissance
C’est avec ce chiffre stupéfiant que Bernard Spitz, maître des
requêtes au Conseil d’État et président de la fédération française des sociétés
d’assurance, commence son essai, paru aux éditions Grasset en septembre
dernier, consacré à la situation des jeunes dans la France d’aujourd’hui.
Grande oubliée des politiques, la jeunesse française est devenue la variable
d’ajustement de la société française, victime d’un système éducatif
contre-productif, d’un marché du travail hostile, d’une insécurité sociale
grandissante et d’une fiscalité inéquitable. Rappelant que « les jeunes de ce pays sont notre force vive »,
Bernard Spitz en appelle à un aggiornamento
politique pour retrouver une dynamique au service des jeunes et de la France de
demain.
L’accroissement des inégalités
inter et intragénérationnelles
Depuis les années 1960, la baisse de la natalité et le
ralentissement de l’immigration ont rendu le vieillissement global de la
population inéluctable. En 2060, un Français sur trois aura plus de 60 ans.
Incapable d’anticiper ce vieillissement pourtant annoncé, la France se retrouve
aujourd’hui dans une situation conflictuelle : « d’un côté, plus de vieux coûtant plus cher et qui
n’ont pas assez cotisé lorsqu’ils étaient dans la vie active pour financer
leurs retraites. De l’autre, moins de jeunes, déjà alourdis du poids de la
dette et des engagements pris par leurs aînés pour les trente prochaines
années ».
L’iniquité générationnelle est,
au regard des chiffres, flagrante
Alors que le patrimoine net médian des moins de 30 ans est de 7
200 euros, il environne les 211 000 euros pour les sexagénaires. Si l’héritage
permettait à l’époque aux jeunes ménages trentenaires qui en étaient les
bénéficiaires de s’installer, l’allongement de la durée de vie ne lui permet
plus de jouer ce rôle aujourd’hui.
De plus en plus touchés par la
précarité, 13% des 18-29 ans vit sous le seuil de pauvreté
Une dégradation de la situation des jeunes qui se manifeste
principalement dans l’enseignement supérieur, sur le marché du travail et au
regard de la fiscalité.
Emploi : « génération
galère »
150 000 jeunes, soit un jeune sur
cinq, sortent chaque année du système scolaire sans qualification :
le résultat d’une politique « anti-sélection »,
déconnectée de la demande réelle du marché du travail. Faute de vouloir
introduire une sélection raisonnée dans les universités, les facs se retrouvent
de facto submergées et le taux d’échec
en première année atteint 48%. Ceux qui parviennent à obtenir un diplôme ne
sont pas au bout de leurs peines : l’accès au marché du travail s’est
considérablement complexifié et acquérir un poste stable constitue, pour beaucoup,
un véritable parcours du combattant.
Un chiffre, particulièrement,
retient l’attention : alors que le chômage concerne 10% de la population
française, il touche 24% des jeunes
soit trois fois plus qu’en Allemagne par exemple. « La preuve de la préférence française pour le chômage
des jeunes » selon Bernard Spitz. Face à un marché du travail
divisé entre « insiders » protégés et « outsiders »
précaires, aucune mesure ne parvient à briser cette dualité. De plus, la
« préférence collective pour les acteurs
déjà en place vaut pour les salariés, mais aussi pour les indépendants ».
Le statut extrêmement protecteur du CDI et le poids des professions
réglementées nuisent à l’emploi en général.
À l’heure où les jeunes
représentent 40% de la main d’œuvre potentielle, il est urgent de repenser dans
sa globalité le monde du travail
« Les jeunes ont quelque
chose à nous apprendre sur la gestion de projet, sur l’intégration efficiente
du numérique et des nouvelles technologies ou encore sur l’équilibre entre vie
publique et vie privée ».
Le « casse du siècle »
À l‘écart du marché du travail, les jeunes ont également été
victimes des choix collectifs des dernières décennies. « Ce véritable hold-up générationnel laisse aujourd’hui
un trou abyssal dans les caisses publiques : 2 000 milliards d’euros de
dette souveraine, soit 95% du PIB ». La dette publique pesait 20%
du PIB en 1980.
« À cause de notre choix d’un
État toujours plus lourd, plus dépensier, nous laissons à nos enfants, qui
prendront leur retraite à 65 ou 67 ans, un pays endetté, un niveau de chômage
insupportable et un potentiel de croissance plus faible que jamais »,
résumait le gouverneur de la Banque de France en mai 2015.
Si l’endettement public est justifié lorsqu’il s’agit d’investir
pour l’avenir, il est difficile de légitimer les 80% de hausse des dépenses
publiques, sur la période 1996-2006, liées aux dépenses de transferts et de
fonctionnement. Or si l’endettement pour le fonctionnement et non
l’investissement se fait aux dépens de la jeunesse, il en sera de même
concernant le désendettement.
Pour une « nouvelle
alliance » entre générations
À la veille des prochaines élections présidentielles, et à
l’heure où « le principal parti des jeunes
est celui de l’abstention », il est urgent de leur redonner leur
place dans le contrat social. « Réformes
des savoirs, du travail, des comptes publics et sociaux, de la vie
citoyenne : voilà les quatre côtés du carré magique qui pourrait sceller
cette Nouvelle Alliance entre générations ». Un programme ambitieux
à méditer à la veille des primaires présidentielles.
- Source contrepoints.org
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