dimanche 20 janvier 2019

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Douleur et sport

Faut-il toujours écouter votre douleur ? Pouvez-vous faire du sport en ayant mal ? L’absence de douleur est-elle suffisante pour vous inviter à continuer ? Faisons le point !

 Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport.

La douleur apparaît comme un mécanisme protecteur. Elle informe votre cerveau que votre corps est en danger. Elle semble avoir été sélectionnée par l’évolution. Pourtant, l’homme préhistorique, qui n’a pas résisté à la souffrance des coups de griffes de l’ours des cavernes, a été dévoré et n’a pas pu transmettre ses gènes ! Ainsi, face à la pression évolutive, la douleur a tenu un rôle ambivalent. Dans certaines circonstances, il fallait la respecter ; dans d’autres cas, il était préférable de la négliger ! Et s’il en était de même en traumatologie du sport…



  • Attention douleur !
En jouant au foot, vous vous tordez la cheville. Vous tentez de reprendre votre entraînement. Vous avez mal ! Votre cerveau vous informe que vous aggravez vos lésions… écoutez-le, rejoignez les vestiaires ! Lors de ce match de tennis acharné, votre vieux genou vous fait souffrir et gonfle. Vous le savez, vous rabotez votre cartilage, vous accentuez votre arthrose ! Soyez raisonnable, arrêtez ! Pendant votre footing, votre douleur du tendon d’Achille ne cesse d’augmenter. Vous boitez laborieusement. Ralentissez, rentrez en marchant, c’est plus prudent ! Après plusieurs jours de randonnée, vous souffrez du pied, juste derrière les orteils. Il s’agit probablement d’une fracture de fatigue. Demain, il faudra rester au gîte ! Très souvent, il est préférable de respecter la douleur. C’est notamment le cas dans les suites immédiates d’un traumatisme, si elle s’accroît au cours de l’activité ou si elle concerne un tissu qui ne cicatrice pas, tout particulièrement le cartilage.

  • Douleur… plus d’avantages que d’inconvénients !
Vous grimpez une côte à vélo, vos cuisses chauffent. Vous poussez sur votre barre de développé-couché, vos pectoraux brûlent. Vous le savez, ce sont des douleurs d’entraînement. Elles sont souvent nécessaires à votre progression. Vous n’avez pas peur, vous continuez… un peu. Vous avez raison ! Vous pratiquez de la danse classique, vous faites des assouplissements. Souvent, ça tire et c’est douloureux dans les adducteurs… mais c’est nécessaire ! Les tissus qui tentent de s’adapter aux sollicitations vous indiquent souvent qu’ils font des efforts… De la même façon, lors de la rééducation, la douleur est fréquente… et utile. Le kinésithérapeute vous fait mal quand il frotte et étire votre tendon enraidi. STANISH, auteur d’une étude de référence sur le traitement des tendinites, conclut son article de façon provocatrice et pédagogique : « No pain, no gain » (pas de douleur, pas de bénéfice). Lorsque votre rééducateur tente de redonner de la mobilité au genou récemment opéré, il vous fait mal. Il faut absolument décoller les membranes articulaires collées sur l’os à cause du saignement de l’intervention et de l’immobilisation qui a suivi. Plus tard, lors du retour sur le terrain après blessure, un raisonnement comparable s’impose ; en reprenant les gestes spécifiques les tissus peaufinent leurs dernières adaptations et sont parfois un peu douloureux. Votre tendinite est sensible pendant l’échauffement. Qu’importe, les adhérences, les cicatrices excessives et anarchiques avec les tissus voisins, sont en train de lâcher ! Votre tendon coulisse mieux et gagne en élasticité. Si votre gêne disparaît après 5 à 10 minutes, si elle ne réapparaît pas, vous n’abîmez pas les fibres saines. Continuez ! Votre articulation de cheville, victime d’une entorse, a été immobilisée 3 semaines. Dix jours plus tard, quand vous reprenez la course, votre articulation tiraille à l’échauffement. Ne vous inquiétez pas, sous l’effet des contraintes, elle récupère la mobilité nécessaire à son bon fonctionnement. Si vous avez mal au dos de façon chronique et que votre colonne est toute raide, il faut l’assouplir et la renforcer. C’est douloureux ! MAYER l’a démontré avec des manutentionnaires en arrêt de travail depuis plus de 4 mois. Là encore, son article anglo-saxon se termine de façon accrocheuse : « Use it or Loose it » (utilisez-le ou perdez-le). À 3 mois de votre fracture du tibia, vous renouez avec la course. Votre cal osseux est sensible… cette fois patientez un peu ! Votre os n’est pas suffisamment solide… et il n’a pas besoin de s’assouplir !


  • Pas de douleur… mais danger !
Vous venez d’être opéré du genou après rupture de votre ligament croisé antérieur. Votre chirurgien l’a remplacé par un tendon prélevé sur la cuisse. Ce tissu ne reçoit ni nerf, ni vaisseau. Pourtant, il doit s’adapter à des contraintes mécaniques pour lesquelles il n’est pas conçu. Ce processus s’appelle la « ligamentisation », il se prolonge de 7 mois à 3 ans. Vous commencez à récupérer de la force vers 3 à 4 mois. S’il vous prend l’envie de courir, de pivoter, de jouer au foot ou au tennis, vous risquez fort de distendre votre nouveau ligament encore fragile. Vous abîmerez votre genou sans souffrir ! Vous avez fissuré votre ménisque externe. Votre chirurgien a enlevé le fragment cassé. Le morceau restant va progressivement se mouler sur le cartilage. Dans ce compartiment du genou, tibia et fémur sont tous les deux convexes, l’emboîtement est difficile. Il faut attendre au moins 8 semaines pour que le morceau de ménisque restant parvienne à se mouler. Là encore, si vous reprenez trop précocement le footing et les changements de direction, les cartilages frottent et s’usent rapidement. On parle de « chondrolyse rapide ». En quelques semaines vous détruisez votre genou… et le plus souvent, vous n’avez même pas mal car le cartilage n’est pas innervé !

  • Douleur ! Demandez au docteur !
En cas de blessure, même si vous ne souffrez pas, respectez les délais de reprise recommandés par votre médecin du sport ! Il connaît les spécificités de votre lésion. Si vous avez mal, l’interprétation des douleurs est délicate. Les suites à leur donner dépendent du diagnostic… notamment du tissu atteint puis du stade de traitement. Alors, quand vous avez mal, ne faites pas l’autruche ! Arrêtez-vous un moment, le temps de consulter votre médecin du sport. Vous aurez souvent la bonne surprise d’apprendre que vous pouvez continuer à faire du sport ! Cet expert vous précisera les modalités de votre pratique… vous aurez peut-être à moduler un peu vos activités mais vous pourrez continuer à bouger ! Vous ne vous blesserez pas, voire vous participerez avec plus de finesse au traitement de votre lésion !


Source SantéSportMag

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