Douleur et sport
Faut-il toujours écouter votre douleur ?
Pouvez-vous faire du sport en ayant mal ? L’absence de douleur est-elle
suffisante pour vous inviter à continuer ? Faisons le point !
Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport.
La douleur
apparaît comme un mécanisme protecteur. Elle informe votre cerveau que votre
corps est en danger. Elle semble avoir été sélectionnée par l’évolution.
Pourtant, l’homme préhistorique, qui n’a pas résisté à la souffrance des coups
de griffes de l’ours des cavernes, a été dévoré et n’a pas pu transmettre ses
gènes ! Ainsi, face à la pression évolutive, la douleur a tenu un rôle
ambivalent. Dans certaines circonstances, il fallait la respecter ; dans
d’autres cas, il était préférable de la négliger ! Et s’il en était de même en
traumatologie du sport…
- Attention douleur !
En jouant
au foot, vous vous tordez la cheville. Vous tentez de reprendre votre
entraînement. Vous avez mal ! Votre cerveau vous informe que vous aggravez vos
lésions… écoutez-le, rejoignez les vestiaires ! Lors de ce match de tennis
acharné, votre vieux genou vous fait souffrir et gonfle. Vous le savez, vous
rabotez votre cartilage, vous accentuez votre arthrose ! Soyez raisonnable,
arrêtez ! Pendant votre footing, votre douleur du tendon d’Achille ne cesse
d’augmenter. Vous boitez laborieusement. Ralentissez, rentrez en marchant,
c’est plus prudent ! Après plusieurs jours de randonnée, vous souffrez du pied,
juste derrière les orteils. Il s’agit probablement d’une fracture de fatigue.
Demain, il faudra rester au gîte ! Très souvent, il est préférable de respecter
la douleur. C’est notamment le cas dans les suites immédiates d’un traumatisme,
si elle s’accroît au cours de l’activité ou si elle concerne un tissu qui ne
cicatrice pas, tout particulièrement le cartilage.
- Douleur… plus d’avantages que d’inconvénients !
Vous
grimpez une côte à vélo, vos cuisses chauffent. Vous poussez sur votre barre de
développé-couché, vos pectoraux brûlent. Vous le savez, ce sont des douleurs
d’entraînement. Elles sont souvent nécessaires à votre progression. Vous n’avez
pas peur, vous continuez… un peu. Vous avez raison ! Vous pratiquez de la danse
classique, vous faites des assouplissements. Souvent, ça tire et c’est
douloureux dans les adducteurs… mais c’est nécessaire ! Les tissus qui tentent
de s’adapter aux sollicitations vous indiquent souvent qu’ils font des efforts…
De la même façon, lors de la rééducation, la douleur est fréquente… et utile.
Le kinésithérapeute vous fait mal quand il frotte et étire votre tendon
enraidi. STANISH, auteur d’une étude de référence sur le traitement des
tendinites, conclut son article de façon provocatrice et pédagogique : « No
pain, no gain » (pas de douleur, pas de bénéfice). Lorsque votre rééducateur
tente de redonner de la mobilité au genou récemment opéré, il vous fait mal. Il
faut absolument décoller les membranes articulaires collées sur l’os à cause du
saignement de l’intervention et de l’immobilisation qui a suivi. Plus tard,
lors du retour sur le terrain après blessure, un raisonnement comparable
s’impose ; en reprenant les gestes spécifiques les tissus peaufinent leurs
dernières adaptations et sont parfois un peu douloureux. Votre tendinite est
sensible pendant l’échauffement. Qu’importe, les adhérences, les cicatrices
excessives et anarchiques avec les tissus voisins, sont en train de lâcher !
Votre tendon coulisse mieux et gagne en élasticité. Si votre gêne disparaît
après 5 à 10 minutes, si elle ne réapparaît pas, vous n’abîmez pas les fibres
saines. Continuez ! Votre articulation de cheville, victime d’une entorse, a
été immobilisée 3 semaines. Dix jours plus tard, quand vous reprenez la course,
votre articulation tiraille à l’échauffement. Ne vous inquiétez pas, sous
l’effet des contraintes, elle récupère la mobilité nécessaire à son bon
fonctionnement. Si vous avez mal au dos de façon chronique et que votre colonne
est toute raide, il faut l’assouplir et la renforcer. C’est douloureux ! MAYER
l’a démontré avec des manutentionnaires en arrêt de travail depuis plus de 4
mois. Là encore, son article anglo-saxon se termine de façon accrocheuse : «
Use it or Loose it » (utilisez-le ou perdez-le). À 3 mois de votre fracture du
tibia, vous renouez avec la course. Votre cal osseux est sensible… cette fois
patientez un peu ! Votre os n’est pas suffisamment solide… et il n’a pas besoin
de s’assouplir !
- Pas de douleur… mais danger !
Vous venez
d’être opéré du genou après rupture de votre ligament croisé antérieur. Votre
chirurgien l’a remplacé par un tendon prélevé sur la cuisse. Ce tissu ne reçoit
ni nerf, ni vaisseau. Pourtant, il doit s’adapter à des contraintes mécaniques
pour lesquelles il n’est pas conçu. Ce processus s’appelle la « ligamentisation
», il se prolonge de 7 mois à 3 ans. Vous commencez à récupérer de la force
vers 3 à 4 mois. S’il vous prend l’envie de courir, de pivoter, de jouer au
foot ou au tennis, vous risquez fort de distendre votre nouveau ligament encore
fragile. Vous abîmerez votre genou sans souffrir ! Vous avez fissuré votre
ménisque externe. Votre chirurgien a enlevé le fragment cassé. Le morceau
restant va progressivement se mouler sur le cartilage. Dans ce compartiment du
genou, tibia et fémur sont tous les deux convexes, l’emboîtement est difficile.
Il faut attendre au moins 8 semaines pour que le morceau de ménisque restant
parvienne à se mouler. Là encore, si vous reprenez trop précocement le footing
et les changements de direction, les cartilages frottent et s’usent rapidement.
On parle de « chondrolyse rapide ». En quelques semaines vous détruisez votre
genou… et le plus souvent, vous n’avez même pas mal car le cartilage n’est pas
innervé !
- Douleur ! Demandez au docteur !
En cas de
blessure, même si vous ne souffrez pas, respectez les délais de reprise
recommandés par votre médecin du sport ! Il connaît les spécificités de votre
lésion. Si vous avez mal, l’interprétation des douleurs est délicate. Les
suites à leur donner dépendent du diagnostic… notamment du tissu atteint puis
du stade de traitement. Alors, quand vous avez mal, ne faites pas l’autruche !
Arrêtez-vous un moment, le temps de consulter votre médecin du sport. Vous
aurez souvent la bonne surprise d’apprendre que vous pouvez continuer à faire
du sport ! Cet expert vous précisera les modalités de votre pratique… vous
aurez peut-être à moduler un peu vos activités mais vous pourrez continuer à
bouger ! Vous ne vous blesserez pas, voire vous participerez avec plus de
finesse au traitement de votre lésion !
Source SantéSportMag
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