Douleurs dans le ventre
En courant, vous ressentez des douleurs dans le
ventre. Parfois, vous souffrez de diarrhées. Tout le plaisir est gâché et votre
chrono en est affecté !
Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport
Les
enquêtes mettent en évidence que les trois quarts des coureurs de fond et des
triathlètes ont été victimes de douleurs abdominales ayant altéré leurs
performances ! Dans de telles circonstances, une consultation chez un médecin
du sport ou votre gastroentérologue est nécessaire. En effet, des maladies du
tube digestif expliquent parfois ces symptômes, notamment s’il existe des
pertes de sang. Cependant, dans la majorité des cas, la souffrance des viscères
est provoquée par les bouleversements physiologiques inhérents à la course.
Votre thérapeute peut vous aider en vous prescrivant pour un temps des
pansements digestifs, des antispasmodiques, voire des antidiarrhéiques. Mais
les explications et les conseils qui suivent restent bien utiles et se montrent
souvent suffisants !
- La circulation sanguine oublie le tube digestif
Pendant
l’exercice physique, un maximum de sang gagne les muscles pour apporter
l’oxygène et l’énergie utiles à la contraction. Le flux sanguin se dirige aussi
vers la peau pour sécréter la sueur et évacuer la chaleur. Les vaisseaux menant
à ces tissus s’ouvrent largement, alors que ceux s’orientant vers le tube
digestif se ferment. Le processus s’accentue encore si vous vous déshydratez et
que votre volume sanguin diminue. À l’effort intense, la vascularisation du
tube digestif peut diminuer de 70 %. Il en résulte un manque d’oxygène, source
de douleur et de perturbation de fonctionnement. L’intestin est entouré de
petits muscles assurant le transit. Quand ils manquent d’oxygène, ils se
plaignent, comme vos cuisses gémissent quand vous grimpez une côte à vélo. Eux
aussi font des « crampes »… et vous ressentez des « spasmes » ! Des infarctus
du côlon ont même été décrits à l’occasion de courses de longue durée et de
triathlon ! Dans ces circonstances, une intervention chirurgicale est
obligatoire en urgence pour ôter le segment nécrosé !
- Hormones de l’effort, hormones antidigestion !
Les
hormones sécrétées lors de l’effort, notamment la fameuse adrénaline, mettent à
disposition de l’organisme les réserves énergétiques et favorisent leur
combustion. Elles s’opposent au fonctionnement de la digestion qui se situe
dans un contexte hormonal d’absorption et de stockage de ces mêmes substances.
En grande quantité, ces messagers du stress réduisent le diamètre du tube
digestif et provoquent des spasmes douloureux. Ils altèrent le transit,
perturbent l’évacuation de l’estomac et favorisent les remontées acides vers la
gorge. Ils sont les acteurs principaux de la fermeture des vaisseaux menant aux
viscères, notamment les petits capillaires maillant l’épaisseur de l’intestin.
À leur extrémité, quand l’effort est pénible, on observe parfois de petites
taches noires, du diamètre d’une tête d’épingle. Elles ponctuent la paroi
interne du côlon. Il s’agit en fait d’un petit amas de cellules mortes, un
foyer de nécrose, une miniperforation. Lorsque l’exercice est moins intense ou
s’arrête, le sang revient dans les capillaires. Le plasma baignant les globules
rouges diffuse à travers cette passoire microscopique, c’est la « diarrhée de
reperfusion ». Quand les lésions tissulaires sont plus importantes, tous les
éléments sanguins passent et des traces d’hémorragie apparaissent dans les
selles !
- Secousses et froid !
Dans
l’abdomen, les intestins sont suspendus à des ligaments appelés « épiploons ».
Les secousses produites par la course à pied créent de petites déchirures et de
microhémorragies aux points d’accrochage. À l’intérieur de ces structures
fibreuses, cheminent des vaisseaux menant au tube digestif. Les
microtraumatismes spasment ces artères et accentuent encore le déficit sanguin
pour le tube digestif. Vous comprenez pourquoi vous souffrez beaucoup plus
souvent en courant qu’à vélo. Le froid ferme les vaisseaux, la chaleur les
ouvre. Quand vous avez chaud, votre visage est rouge ! Lorsque votre tube
digestif a froid, les artères qui s’y rendent se ferment encore ! Si la
température est fraîche, vos mollets sont plus sensibles aux crampes. De la
même manière, votre tube digestif a tendance à se spasmer ! Vous comprenez
pourquoi vous ressentez soudainement des douleurs quand un vent frais glace
votre abdomen et y plaque votre maillot trempé de sueur !
- Menu sportif perturbe le sport
L’alimentation
du sportif d’endurance est souvent très riche en féculents. Les pasta parties
et autres excès précompétitifs apportent une quantité d’amidon dépassant
fréquemment nos aptitudes digestives. N’oubliez pas que nous mangeons des
céréales depuis l’avènement de l’agriculture, au Néolithique, il y a environ 10
000 ans. Ce délai, dérisoire au regard de notre évolution, explique pourquoi
certains d’entre nous ne bénéficient pas d’un équipement enzymatique suffisant
pour assurer la fragmentation et l’absorption de tous ces glucides. Ces
nutriments intacts atteignent le côlon et nourrissent copieusement les millions
de bactéries qui y habitent. Elles prolifèrent, respirent et produisent des
gaz. Votre tube digestif est irrité et ballonné ! Il n’aborde pas la course
dans les meilleures conditions ! Pendant l’effort, le sportif s’hydrate et se
nourrit… à juste titre ! Le tube digestif constitué de « muscles lisses » doit
travailler, alors que son apport en oxygène est insuffisant. Là encore, comme vos
cuisses en côte, il lui arrive de se plaindre !
- Entraînez vos intestins !
Pour
réduire les souffrances du tube digestif par manque d’oxygène, entraînez-vous !
Entraînez votre cœur. Plus votre débit sanguin est élevé moins il est
nécessaire d’empiéter sur la vascularisation de votre tube digestif. Votre
fréquence cardiaque diminue, vous sécrétez moins d’adrénaline, vous fermez
moins les petites artères menant à vos viscères ! Entraînez votre tube
digestif. Buvez et mangez pendant l’effort. Comme tout muscle, votre intestin
s’adapte et parvient à mieux utiliser l’oxygène mis à sa disposition. En
compétition, afin de diminuer encore l’influence des hormones du stress sur le
tube digestif, soyez relax, ne vous mettez pas la pression, amusez-vous,
faites-vous plaisir… vous serez meilleur !
- Bien s’alimenter avant…
Bien se
nourrir avant l’effort permet d’éviter de nombreuses douleurs digestives.
Certains nutritionnistes recommandent d’éviter toutes les fibres dans les 48 à
72 heures précédant une grosse épreuve de course à pied. Alors limitez au moins
les légumes et les fruits crus. Si tout se passe bien à l’entraînement, il est
conseillé de ne pas trop modifier vos bonnes habitudes alimentaires. Comme vous
l’avez compris, vous pouvez enrichir modérément votre ration en féculents mais
les « orgies de spaghettis » ne sont pas recommandées la veille au soir. Le
dernier repas avant l’épreuve est essentiel. Il est préférable de l’avaler au
moins 3 heures avant le départ. Il doit contenir un minimum de graisses et,
selon la sensibilité de chacun, il faut éviter les fibres, le lait ou les jus
d’agrumes. En pratique, il réunit : un apport en eau, en protéine, en féculent
et en fruit. Par exemple, un grand café léger, un fromage blanc à 0 %, des
céréales et un jus de raisin peuvent convenir. Mais, un volumineux bol de thé,
un lait de soja, des gâteaux secs pas trop gras et une compote sont aussi
adaptés. Dans l’idéal, ce repas doit déclencher un réflexe gastro-colique et
vous amener sur le chemin des toilettes. Ainsi, vous partez courir le tube
digestif plus léger… Testez votre petit déjeuner en période entraînement puis
conservez le menu qui vous convient.
- Bien s’alimenter pendant…
Pendant
la compétition, un dilemme se pose. Pour ne pas faire souffrir votre tube
digestif, il ne faut pas trop le faire travailler. Mais si vous ne buvez pas,
la déshydratation aggrave la fermeture des vaisseaux menant aux intestins. Un
compromis est obligatoire. Lors des épreuves courues à proximité du seuil de
l’essoufflement, la vascularisation des viscères est nettement diminuée, les
aliments solides sont déconseillés. Il faut boire peu mais souvent : 2 à 5
gorgées, toutes les 15 à 30 minutes. Votre boisson doit contenir des sucres et
des minéraux en concentration voisine de celle du sang. Une telle composition
améliore la performance, facilite l’absorption et optimise la tolérance
digestive. Les « boissons de l’effort » correspondent bien à ces critères.
Néanmoins, par temps chaud, il est préférable de les diluer davantage que
recommandé sur la notice. Quand les distances s’allongent, notamment en trail,
un apport calorique supplémentaire et salé est nécessaire. Les aliments solides
deviennent utiles. Mais attention, barres de céréales, pâtes de fruits, dés de
jambon ou de fromage doivent être bien mastiqués. Les études montrent que, si
les fragments déglutis sont inférieurs à 2 millimètres, l’évacuation gastrique
est comparable à celle d’un liquide.
- Arrêtez de secouer vos intestins
Les
microtraumatismes digestifs provoqués par la course à pied diminuent en
travaillant l’amorti ou le « glissé » de votre foulée. Augmentez votre
rendement, vous aurez moins mal au ventre ! Pour soutenir vos intestins,
renforcez votre sangle abdominale. Faites du gainage. Cherchez une respiration
harmonieuse. Gonflez le ventre en inspirant, rentrez-le en expirant : ce
mouvement naturel réalise un véritable massage viscéral antispasmes. Si vous
êtes coureur de fond passionné, pensez à intégrer des sorties longues à vélo.
Testez les séances fractionnées sur elliptique. Tout en travaillant votre
endurance ou votre puissance, vous réduisez l’accumulation de microtraumatismes
digestifs. Vos petites lésions intestinales ont le temps de cicatriser entre
deux footings.
- Et si ca venait du cœur!
Attention,
le cœur est juste au-dessus du tube digestif. Il se situe aussi en avant de
l’œsophage. Parfois, des douleurs digestives ou des sensations de remontées
acides ne sont que l’expression d’une souffrance de ce muscle vital. Le plus
souvent, elle est la conséquence d’une mauvaise oxygénation cardiaque provoquée
par l’obstruction partielle des artères qui l’entourent. Au moindre doute,
notamment chez le sportif de plus de 40 ans, un bilan cardiologique et une
épreuve d’effort s’imposent. Ce test consiste à pédaler progressivement
jusqu’au maximum de ses possibilités alors que le fonctionnement du cœur est
surveillé par un électrocardiogramme.
Source SantéSportMag
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