Sportifs mangez des pâtes oui
mais pas que…
Dans l’esprit de tous les sportifs, les pâtes
apportent l’énergie indispensable pour assumer les efforts longs et intenses.
Les recherches récentes semblent mettre à mal ce monopole nutritionnel.
par le Docteur Stéphane CASCUA
- L’homme préhistorique, un sportif d’endurance.
Il y a
environ 10 000 ans, au début de néolithique, l’homme s’est sédentarisé.
Elevage et agriculture lui ont permis de consommer bien plus de céréales.
Auparavant, au cours des millions d’années du paléolithique, il était nomade et
chasseur cueilleur. L’étude des populations ayant conservées le même mode de
vie, notamment les Bushmen d’Afrique australe, se révèle très instructive.
L’homme préhistorique brûlait beaucoup d’énergie, environ 3000 à 3500
kilocalories par jour, comme un sportif s’entraînant 1 à 2 heures
quotidiennement. Après de longues marches de transhumance et des périodes de
chasse plus intenses, il avalait 3 fois plus de protéines que nous, des fruits
et des légumes. En guise de féculent, il ingérait quelques graminées cueillies
sur son chemin !
- L’homme moderne, inadapté aux féculents ?
La
lignée humaine aurait divergé de celle du singe, il y a environ 6 millions
d’années. Aussi, dix mille ans sont-ils dérisoires au regard de notre
évolution. Notre patrimoine génétique, notamment nos enzymes digestifs et nos
hormones, ne sont probablement pas bien adapté à l’alimentation moderne. Preuve
en est les fréquentes intolérances au lait de vache et au gluten. Ceux qui ne
parviennent pas à digérer cette protéine du blé souffrent d’une maladie
invalidante avec douleurs abdominales, diarrhées, lésion de l’intestin,
mauvaise absorption générale et dénutrition. A côté de cette situation
caricaturale, il existe sûrement des cas intermédiaires responsables de
troubles digestifs après ingestion de dérivés du blé. De la même façon,
l’amylase, l’enzyme chargée de fractionner l’amidon, bénéficie d’une efficacité
variable selon les individus. Chez certains d’entre nous, l’amidon arrive
insuffisamment digéré dans le côlon et nourrit les bactéries. Après les
orgies de pâtes précompétitives, ces sportifs ressentent des ballonnements
incompatibles avec la performance revendiquée !
- Les pâtes ne colmatent pas le mur !
Les
coureurs de fond connaissent bien le « mur du marathon ». Au alentour
du trente cinquième kilomètres, nombre d’entre eux ont percuté une violente
difficulté et ont terminé dans la souffrance. On accuse alors l’épuisement
des réserves en sucre du muscle ! « A si j’avais mangé plus de
pâtes !» gémit le coureur errant jusqu’à la ligne d’arrivée ! Les
études récentes ne confirment pas totalement cette théorie. Il reste 20 à 30 %
du glycogène dans les muscles lorsque le marathonien percute le mur. D’autres
hypothèses interfèrent : excès de chaleur, fatigue de transmission dans le
cerveau, hypoglycémie, inflammation du muscle. Cette dernière semble
particulièrement pertinente. A chaque foulée, le muscle amortit la réception.
Ce freinage provoque des microlésions. Lorsque celles-ci s’accumulent, des
messagers chimiques de l’inflammation bloquent la libération du sucre. Tout se
passe comme s’il se produisait une régulation « protectrice ». Il
n’existe pas de mur à vélo, même sur des épreuves supérieures à 150
kilomètres ! L’absence de microtraumatismes permet de solliciter
plus avant les réserves d’énergie. Les traileurs trottinant de longues heures
la montagne n’évoquent pas non plus le « mur ». La ration de pâtes et
le stock de glycogène ne sont pas des facteurs limitant lorsqu’on sait
mobiliser ses graisses !
- Les graisses : amies du sportif ?
La
combustion des graisses permet d’économiser le sucre contenu dans les muscles.
Voilà une nouvelle piste pour réduire le gavage du sportif en féculents. Pour
s’entraîner à brûler plus de graisses, les efforts peu intenses et prolongés,
comme les randonnées, les trails et les longues sorties vélo, sont recommandés.
A jeun, l’organisme n’a plus de réserve de sucre dans son foie, l’ambiance
hormonale est à la mobilisation des graisses. Ainsi, un petit footing matinal
de 30 minutes, avant le petit déjeuner, consume une proportion de graisse
comparable à un effort de 2 heures
Pour
favoriser l’utilisation des graisses pendant l’effort, des recherches récentes
montrent qu’il suffit d’augmenter la part de graisses dans
l’alimentation ! Les chasseurs Inuits ne crapahutent pas aux
céréales ! Malheureusement, bon nombre de sportifs sont devenus phobiques
des lipides, jusqu’à déséquilibrer leur alimentation ! Il existe bon
nombre de graisses indispensables : les vitamines dites liposolubles mais
aussi les fameux « omégas 3 ».
- Vos pâtes sont-elles des « sucres lents » ?
Pour
favoriser la constitution de réserve énergétique dans les muscles, il faut leur
apporter lentement du glucose. Dans ces conditions, ils ont le temps de
former de longues chaines de glucose appelées glycogène. Si on avale rapidement
des confiseries, le glucose envahit rapidement le sang, le muscle tente d’en
capter un peu mais le reste devient de la graisse. Les pâtes sont en
grande partie composées d’amidon, grande chaine de glucose, véritable
« glycogène végétal » contenant l’énergie nécessaire à la germination
du grain de blé. Il y a quelques années, on pensait que le temps nécessaire à
la coupure de ce grand maillage était suffisant pour faire des pâtes un sucre
lent. En réalité, il n’en est rien, les enzymes vont très vite. Pour que
vos pâtes deviennent des « sucres lents » plusieurs caractéristiques
s’imposent. Pour gêner l’arrivée des enzymes, elles doivent être denses et
accompagnées de fibres. Pour ralentir la digestion, il est bon qu’elles soient
associées à d’autres aliments notamment à des graisses ! En pratique, des
pâtes complètes, al dente, avec un filet d’huile d’olive et des tomates
concassés sont des sucres lents. Les nouilles molles et humides de la cantine
sont des sucres rapides ! Pour les mêmes raisons, vous comprenez pourquoi
les légumineuses : les lentilles, les haricots blancs, etc. caparaçonnés
de coques fibreuses, entourés de graisse constituent d’excellents sucres lents.
Ces aliments provoquent une si faible augmentation de la glycémie que
l’organisme se considère à distance d’un repas ; du coup, ils favorisent
la combustion des graisses. Les plats traditionnels et ruraux contiennent
souvent des légumineuses. Avant la mécanisation, labourer ou moissonner toute
la journée devait bien nécessiter autant d’énergie qu’un petit trail !
- Des pâtes ! Des pâtes ! Oui, mais pas seulement !
Cet
article est moins provocateur qu’il n’y paraît ! Il vous propose juste de
prendre conscience que l’alimentation du sportif ne consiste pas à alterner les
pâtes et les nouilles, les coquillettes et les spaghettis. Un athlète a besoin
d’une alimentation variée et équilibrée, à forte densité nutritionnelle. Dans
les années 80, le précurseur de la nutrition du sportif, Albert CREFF, ne
disait-il pas : « de tout un peu, de tout assez ! » ?
Le fonctionnement du corps humain serait-il insensible à la mode ?
Source SantéSportMag
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