Lumbago
Vous êtes victime d’une douleur violente et
soudaine dans le bas du dos. Vous pensez qu’il faut vous reposer et même vous
mettre au lit. C’est faux ! Restez en mouvement, faites un peu de
sport intelligemment, vous guérirez plus vite !
Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport,
spécialiste de la colonne vertébrale.
Illustration : Mathieu Pinet
« Lumbago »
signifie « douleur lombaire aiguë ». Vous la ressentez brutalement après
avoir fait un faux mouvement au tennis ou après avoir soulevé un carton très
lourd lors du déménagement de votre sœur. De temps à autre, étonnamment, elle
survient après un geste plus anodin. Il vous suffit parfois de ramasser votre
stylo par terre. Si c’est le cas, rassurez-vous, vous n’êtes ni un grand
douillet, ni une hystérique ! Nous vous expliquerons pourquoi c’est
possible ! Votre douleur reste localisée en bas de la colonne. Parfois
elle irradie un peu dans les fesses. Jamais, elle ne descend dans la jambe à la
manière d’un fil électrique. Cette description évoque une
« sciatique » par irritation du nerf sortant de la colonne entre les
dernières vertèbres. Son traitement est différent. En cas de lumbago, vous vous
tenez de travers ; en langage de docteur, on dit que vous adoptez une
« position antalgique ». La souffrance invalidante dure 3 à 7
jours. Votre dos vous taquine encore 2 à 3 semaines. Ce n’est pas une raison
pour arrêter toute activité physique, au contraire !
- Des études de référence et pourtant…
En 1995,
un article essentiel est paru dans le très sérieux New England Journal of
Medecine. Il résonna comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. À l’époque…
et parfois encore maintenant, les victimes de lumbagos sont traités par le
repos. Cette parution démontre qu’il est nettement préférable de les
laisser en activité. Pour provoquer ce cataclysme culturel, 168 patients
finlandais atteints de lumbagos sont étudiés. Trois groupes homogènes sont
constitués. Le premier adopte le repos au lit pendant 2 à 3 jours. Le second
tente de mener une vie normale mais la douleur doit rester supportable. Le
troisième réalise des flexions/extensions de la colonne et des inclinaisons sur
le côté. Les chiffres sont formels : le deuxième groupe, les individus
spontanément actifs récupèrent plus rapidement. Les patients condamnés à
l’oisiveté et l’alitement par la gente médicale sont les derniers à voir
disparaître leur douleur ! Les mouvements spécifiques de la colonne ne se
montrent pas particulièrement efficaces pour raccourcir l’évolution du lumbago.
Pour étudier plus largement ce concept thérapeutique, un article est paru en
2000. Il réalise la synthèse de 39 études sur « rachis et activité
physique », on parle de « méta-analyse ». Cette dernière
confirme la constatation finlandaise. Bougez autant que possible accélère la
récupération. Le travail de contraction des muscles longeant la colonne se
révèlent sans intérêt pour soigner les lombalgies aiguës. À l’inverse, certains
médecins semblent valider l’intérêt de lutter contre la « position
antalgique » grâce à des étirements doux. Là encore, c’est cohérent !
Les explications arrivent !
- Des douleurs provenant surtout du disque
Dans
l’immense majorité des cas, le lumbago est provoqué par une lésion du disque
intervertébral. Cette structure a pour mission d’amortir et de répartir les
pressions. Au centre, on trouve un noyau gélatineux, le « nucléus ». En
périphérie, il existe de nombreux anneaux fibreux à la manière d’un bulbe
d’oignon. Ce contour porte le nom d’ « annulus ». Lorsque vous vous
penchez en avant, la portion antérieure du disque est comprimée, la gélatine
fuse en arrière, elle égalise les pressions et contribue à la mise en tension
des anneaux postérieurs. En cas d’excès de contraintes, ces derniers se
déchirent ! La gélatine peut même sortir du disque : c’est la hernie
discale. Parfois même, elle touche le nerf sortant de la colonne à cet endroit :
c’est la sciatique. Plus souvent, seuls les anneaux les plus profonds sont
rompus et la gélatine gagne la périphérie du disque richement innervée :
c’est le lumbago ! En fait, son milieu ne contient pas de nerf. Ainsi,
lors de votre match de tennis, vous pouvez impunément abîmer vos anneaux les
plus centraux. Et puis, un jour lors d’un geste du quotidien, pourtant beaucoup
moins violent, la substance visqueuse gagne la zone sensible et provoque
un lumbago ! Finalement, c’est la répétition des services qui a lésé votre
disque et non pas votre flexion du tronc pour ramasser votre stylo ! Vous
avez compris pourquoi vous n’étiez ni douillet, ni hystérique !
- Des douleurs d’origines multiples
D’autres
causes beaucoup plus rares provoquent des lumbagos. Certains médecins évoquent
des coincements des petites articulations situés à l’arrière des vertèbres. Ces
« articulaires postérieures » se comportent comme des gouvernails. Leur
revêtement légèrement gondolé permet d’émettre l’hypothèse de possibles
blocages. D’autres thérapeutes envisagent aussi la possibilité de petites
entorses des ligaments qui relient les vertèbres. Mais ce sont surtout les
conséquences de la lésion initiale qui provoquent des douleurs variées. La
fameuse « position antalgique » est sensée réduire les contraintes
sur le disque abîmé. En fait, elle se révèle souvent « pseudo
protectrice ». Elle a plutôt tendance à surmener les étages vertébraux voisins
et les muscles assumant le maintien de l’inclinaison et du déséquilibre. Alors
que la première blessure est en voie de cicatrisation, les structures
sollicitées par la compensation font de plus en plus mal et ne tardent pas à
s’abîmer ! Lorsque votre médecin examine votre colonne, les douleurs sont
diffuses ! Il est impératif de prendre en charge la lésion initiale mais
aussi de prévenir le mauvais fonctionnement de la colonne qui en résulte !
- Soignez votre douleur pour faciliter le mouvement
Il faut
diminuer la douleur, c’est impératif ! C’est bien utile pour votre
confort. C’est aussi nécessaire pour limiter les compensations rapidement
nuisibles. On dit que les antalgiques sont des « restaurateurs de
fonction ». Bien évidemment, la souffrance perçue conserve une fonction
protectrice. Les antidouleurs classiques type paracétamol réalisent un bon
compromis. Ils vous permettent de garder une information pertinente concernant
les gestes à éviter mais vous aide à lutter contre les limitations et les
postures inadaptées. Les anti-inflammatoires réduisent le gonflement autour des
anneaux déchirés et participent aussi à votre soulagement. Les décontracturants
agissent en atténuant la souffrance ressentie dans les muscles surmenés. De
surcroît, le relâchement induit une diminution de la « position
antalgique ». La chaleur se montre souvent très efficace. En réchauffant
le muscle, elle l’oblige à moins brûler de calories afin de limiter
l’hyperthermie. Comme avec les décontracturants, il se détend ! Pour
relaxer les masses musculaires, vous pouvez y associer l’apesanteur. Optez pour
un grand bain chaud ! Afin d’emmener avec vous, tout au long de la
journée, les bienfaits de la chaleur, pensez à un patch thermique type
THERMACARE!
- Vie quotidienne : restez actif !
Bougez
se révèle un point clé pour soigner votre lumbago. Les études le mettent en
évidence bien que des mobilisations douces dans le sens inverse de la
« position antalgique » contribuent au soulagement. Ne restez pas
bloqué dans cette posture inconfortable. Étirez-vous doucement. Allez peu à peu
du côté opposé. Vous êtes à la limite de la douleur mais vous percevez surtout
des tensions musculaires. Conserver une activité physique au quotidien est
indispensable pour préserver l’entraînement des muscles entourant les
vertèbres. Après 3 jours de lit, ils perdent très vite en force, en souplesse
et surtout en coordination. Mobiliser doucement la colonne est nécessaire pour
une bonne cicatrisation du disque. En l’absence de mouvement, la brèche à
travers les anneaux est comblée par un magma de fibres microscopiques.
Sans efficacité mécanique, il se brise lors d’une nouvelle sollicitation
vigoureuse, un peu comme une gerçure brusquement mise en tension… Et la douleur
réapparaît ! Si vous poursuivez prudemment vos activités, le tissu
cicatriciel s’oriente dans l’axe des contraintes. Les anneaux se reconstituent
probablement plus aisément, le disque réparé est plus apte à assumer sa
mission ! En pratique, pour limiter la durée de votre lumbago mais aussi
pour éviter de basculer vers des douleurs chroniques, poursuivez votre vie
quotidienne. Si vous travaillez dans un bureau, enlevez de votre sacoche tous
les documents inutiles que vous trimbalez et poursuivez votre activité professionnelle.
En voiture, affinez le réglage de votre siège en fonction de vos sensations,
calez votre bassin en serrant la portion horizontale de votre ceinture. Si
votre métier est très physique, il est possible de vous arrêter mais gardez une
vie quotidienne normale. Sortez, marchez, faites quelques courses en limitant
le poids des sacs.
- Les grands singes vous aident à continuer le sport !
Si vous
êtes sportif, vous pouvez garder la forme malgré votre lumbago ! Une
pratique bien dosée et progressive peut même favoriser votre guérison et
limiter le risque de douleur chronique. Sur un vélo, votre bassin est fixe.
Surtout, vous êtes en appui sur les mains, vous renouez avec la
quadrupédie des grands singes. Ce grand pas en arrière dans l’évolution fait
avancer votre traitement. Votre colonne vertébrale adore cet équilibre
ancestral. Cette légère flexion en avant ressemble étrangement à votre
« position antalgique ». Essayez de pédaler en douceur puis plus
vigoureusement, vous serez heureusement surpris ! À l’issue de quelques
tiraillements à l’échauffement, vous vous sentirez à l’aise. Préférez le vélo
d’appartement ou de salle, vous êtes encore plus stable, vous réglez la hauteur
du guidon. Dès que vous récupérez un peu de souplesse, abaissez-le et
penchez-vous un peu en avant. Quand vous vous sentez mieux, variez les
positions. Pensez notamment à vous redresser et à retrouver la cambrure du bas
du dos. Quittez l’appui des bras, conservez celui du bassin. Sur un vrai vélo,
un vélo qui roule avec des roues, le maintien de l’équilibre sans tenir le
guidon constitue un excellent exercice de coordination lombaire. Au cours de
cette période, tentez le sevrage inverse : libérez votre bassin, préservez
la stabilité des jambes et des mains. Mettez-vous en danseuse. Commencez en
conservant le buste à la verticale du cadre. Votre geste ressemble à celui de
la course. Progressez en retrouvant le mouvement normal et en basculant le
poids du corps à droite et à gauche. Votre colonne vertébrale travaille sa
mobilité et sa coordination. Souvent, en moins d’une semaine, il est possible
de trottiner. « Rééduquez-vous à la course » en joggant quelques
minutes puis enchaînez avec du vélo pour garder la forme. Augmentez
progressivement la durée de votre footing. Si votre lumbago évolue
favorablement, si votre lésion discale est modérée en 2 à 3 semaines vous smachez ou vous tirez au but !
- Archimède participe aussi à votre traitement !
En
nageant, horizontalité et apesanteur soulage votre colonne. Alors que vous avez
encore mal au quotidien, commencez avec un pull boy et tirez fort avec les
bras. Votre buste est gainé en position neutre, c’est excellent ! Dans
cette attitude, les bons crawleurs parviennent à solliciter 70 % de leurs
aptitudes cardiovasculaires. Sur le dos et sur le ventre, renouez avec le
battement des jambes. Votre bassin bouge en douceur. Quelques jours plus tard,
tentez une belle brasse bien ondulée. Votre colonne se mobilise doucement en
flexion et en extension. Le mouvement s’effectue sur de faibles amplitudes et
sans compression, voilà qui est très favorable à la « mécanisation »
de la cicatrice discale. Essayez aussi l’aquajogging. Placez 2 frites de
polystyrène sous vos aisselles et courez dans l’eau. À la limite de la douleur,
effectuez quelques variations d’allures. Comme le cycliste lombalgique se
redresse peu à peu et lâche les mains pour renouer avec la bipédie, le nageur
doit peu à peu évoluer et gagner la terre ferme ! À la séance suivante,
optez pour la première étape, rejoignez le petit bain ! Sautillez dans
l’eau, d’abord sur 2 pieds puis sur 1 seul. Reprenez les déplacements
latéraux, inclinez votre colonne. Faites de l’Aquatennis ou de l’Aquafoot.
Allégé de la poussée d’Archimède et encadré par la pression de l’eau, mimez vos
gestes techniques. Au cours de cette même période, 5 à 10 jours après votre
faux mouvement, vous marchez activement pour vous rendre à la piscine. Sur le
parcours, intégrez de plus en plus de trottinement. Comme convenu, à l’issue de
2 à 3 semaines d’un lumbago banal, vous avez retrouvé votre niveau sportif.
Source SantéSportMag
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