La France adolescente, de Mathieu Laine
Et si la France
n’était pas une vieille dame au bord de l’agonie, mais plutôt une adolescente
difficile qui ne demande qu’à devenir un jeune adulte épanoui ? Telle est la
thèse séduisante que développent le psychiatre Patrice Huerre et l’essayiste
Mathieu Laine dans La France adolescente
(JC Lattès, 2012). Les deux auteurs en mettant sur le divan une société
française et ses craintes y offrent une nouvelle grille de lecture, résolument
optimiste.
La France a certes des
problèmes, nombreux, mais, selon les auteurs, ce sont ceux d’une adolescente
mal dans sa peau, qui aspire à des rêves de liberté et de création et attend
pour les réaliser qu’on la laisse libre d’expérimenter, de se tromper et de réussir.
Des attentes élevées, qui tranchent avec la famille étouffante que les deux
auteurs décrivent : une politique sociale étouffante, un État-nounou qui
surveille chacun de vos faits et gestes pour vous forcer à être heureux comme
il l’entend, un État partout présent et pourtant impuissant à régler le moindre
problème. Tout ce qui ne va pas est souligné par ces parents étouffants, les
succès ne le sont eux jamais.
Enfermée dans ce
carcan familial, cette France adolescente
se réfugie dans la consommation d’antidépresseurs où elle bat tous les records,
dans le Prozac de la dette ou des subventions et dans le refus de grandir par
la recherche illusoire d’une protection impossible (protectionnisme, fermeture
des frontières, exception culturelle, etc.) qui rappelle l’ado interdisant
l’accès à sa chambre.
Cette peur de
l’extérieur s’explique par trop de questions personnelles sur l’identité
restées sans réponses. Quel adulte être à l’issue de cette remise en cause de
l’adolescence ? Quel pays être après plusieurs décennies d’incertitudes et
d’échecs successifs ? Aussi mal conduit ait été le débat sur l’identité
nationale de Nicolas Sarkozy, il était révélateur de cette attente d’une
réponse à la question qui suis-je ? qui
ne peut pourtant venir que de nous-mêmes.
Face à cette
situation, les parents étouffants sont démunis comme les parents de tout ado et
leurs choix sont tout sauf les bons. Au lieu de les aider à grandir, ils les
surprotègent et leur ôtent toute possibilité de choix véritable. Le psychiatre
Patrice Huerre rappellent à quel point c’est une erreur : les enfants de la
crèche de Lóczy en Hongrie avaient ainsi bien plus de succès quand on les
laissait expérimenter : les enfants trop protégés se cassent la figure bien
plus que des enfants laissés à leur initiative. Il est temps plutôt de
s’inspirer des lémuriens malgaches, accrochés à leur mère sur les branches
basses. Les petits grandissant montent dans les arbres et la mère surveille de
loin, n’intervenant que lorsqu’elle estime qu’il y a danger mortel. Elle laisse
son petit expérimenter, et parfois se tromper, pour apprendre.
Une démarche
constructive dont la France devrait s’inspirer, au lieu du discours
moralisateur axé sur la sanction que l’on retrouve bien trop souvent. Comme le
disait la sénatrice EELV Esther Benbassa, lauréate du Gaspard du
paternalisme sans se rendre compte de l’absurdité de cette vision, les
politiciens voient aujourd’hui encore les Français comme des enfants qui ne
comprennent que la punition et la sanction : « dans un pays comme le
nôtre, où la menace de la sanction est brandie très tôt dans l’existence d’un
enfant et continue d’encadrer en toute occasion la vie des adultes, bref, dans
le contexte français… ». Saurons-nous oser plutôt la liberté ?
Voilà qui ne change
pas grand chose aux problèmes français et les présente simplement sous un
regard différent plus vendeur diront les grincheux. Mais n’est-ce justement pas
ce dont nous avons besoin ? Bien expliquée, la liberté convainc déjà alors que
conservatisme et socialisme prospèrent sur la peur ou la jalousie.
Surtout, si les hommes
politiques sont les premiers décrits dans cette présentation de parents
surprotecteurs, c’est aussi chacun d’entre nous qui est responsable de les
avoir reconduits d’élection en élection, année après année. Il faut de ces
visions stimulantes pour convaincre les Français que la liberté n’est pas une
source d’angoisse, mais au contraire une source d’optimiste, de création, de
progrès et d’optimisme. Seulement si elle se convaint que la liberté est faite
pour elle, la France pourra sortir de sa crise d’adolescence qui n’a que trop
duré.
Source contrepoints Alexis Vintray
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