samedi 15 février 2014

Billets-House of Cards


House of Cards

La saison 2 de "House of Cards" a été diffusée sur Netflix. Sur l'échiquier des séries politiques, la création de David Fincher joue la carte de l'ultra-cynisme.

"La démocratie, c'est tellement surfait". Champion toutes catégories des aphorismes qui claquent, Franck Underwood, le héros de "House of Cards", nous livre ici l'essence de la série dont le monde entier attend la saison 2 (jusqu'à Obama qui flippe d'être spoilé, de quoi nous faire relativiser la menace nucléaire...). Ce soir sur Netflix - 13 épisodes d'un coup et une Saint-Valentin garantie sans mièvrerie -, demain sur Canal + (à partir du 13 mars), la création de David Fincher et Beau Willimon le prouvera, une fois encore : la démocratie, c'est surfait mais cela permet de raconter des bonnes histoires.

Censée faire bailler et désintéresser les électeurs, la politique n'a jamais autant passionné sur petit écran. La mère de toutes les séries politiques ? "The West Wing", bien sûr. Petit coup de froid quand on mesure le chemin parcouru depuis le chef-d'œuvre d'Aaron Sorkin. A l'époque, que nous disait "The West Wing" (en parlant et en marchant beaucoup) ? Qu'un autre monde était possible. Rien que ça. Créée sous les années Bush, la série défendait mordicus une alternative, la vision d'un Bien supérieur commun, certes difficile à atteindre, mais à poursuivre coûte que coûte. Au fil des saisons, les scénaristes s'étaient inspirés, pour le personnage du président, d'un certain Barack Obama, qui n'était encore que "ce gars de l'Illinois" qui avait bluffé son monde lors de la convention démocrate, en 2004. Aujourd'hui, Obama est président et les séries désillusionnées.

La vie de la cité ? Un château de cartes, un jeu pour enfants cruels, une ferme d'alligators. L'ultra-cynique "House of Cards" fait écho à "Boss", portrait du maire de Chicago (Kelsey Grammer), assoiffé de pouvoir, attaqué par la maladie. Un petit bijou de noirceur, signé Farhad Safinia et interrompu en plein vol par la chaîne Starz, qui joue sur une corde moins spectaculaire, plus tragique que "House of Cards". Quant à "Scandal", le soap politique façon petit plaisir coupable, on y apprend que les machinations les plus acrobatiques sont solubles dans une simple figure géométrique : le triangle amoureux (celui que forme le Président, sa conseillère et la Première dame). Côté humour, cela donne "Veep", chronique hilarante du quotidien d'une vice-présidente - un poste décidément convoité par les héros de fiction (Franck Underwood est aussi sur le coup). Normal, explique Armando Iannucci, créateur de "Veep" et réalisateur, avant cela, du brillant "In the loop" :
"Il y a quelque chose de très paradoxal dans cette fonction de vice-président, les gens se fichent de vous, mais pas en face. Demain, qui sait vous pouvez être le personnage le plus important du pays..."

Et l'idéal, bordel ? Il n'est pas encore mort. Le succès de la série danoise "Borgen" en atteste. Certes, Birgit Nyborg, son héroïne Première ministre, n'est pas exempte de compromissions et autres petits arrangements avec le réel. Mais elle y croit. Résultat, sous ses airs bien plus gentillets que "House of Cards", "Borgen" nous fait vivre la chute avec plus d'intensité : pour tomber, il faut s'être élevé... au moins un peu ! En France, "Les Hommes de l'ombre" dont la saison 2 vient de se tourner (avec Carole Bouquet dans le premier rôle, après Nathalie Baye), porte également une désillusion pas exempte de conviction, des vocations réelles mais entachées...
On ne voulait pas tomber dans le 'tous pourris', c'est une question de responsabilité et de crédibilité", pose le producteur Emmanuel Daucé. "Ce qui est intéressant, c’est de représenter les politiques dans leurs conflits intérieurs. A l’ère du 'story-telling', ceux-là se situent essentiellement sur le terrain de l’image : jusqu’où peut-on mettre en scène sa vie privée ? C’est un creuset d’histoires : ce n'est pas pour rien qu'on parle de 'famille politique!' Et puis, en politique, ce sont les mots qui tuent".

Avec Franck Underwood, on a bien appris la leçon de la saison 1 : parfois, il faut en venir aux mains et qui tue un chien, tue un politicien... Authentique thriller qui ne cherche pas à explorer les subtilités de l'exercice démocratique mais tente de capturer, intacte, la pulsion du pouvoir, "House of Cards" n'est pas une série qui flingue la chose politique, mais une série qui flingue tout court. 


Source teleobs.nouvelobs.com

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