Vous tombez sur l’épaule. Le haut de votre
omoplate heurte le sol et s’écarte violemment de la clavicule. C’est une
entorse voir une luxation acromio-claviculaire. Comment la reconnaitre et
évaluer sa gravité ? Comment vous soigner au mieux et reprendre plus
vite ?
Par le Docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport.
L’entorse
acromio-claviculaire est une étape quasi-obligatoire dans la carrière d’un
rugbyman ou d’un judoka. Elle valide l’expérience accumulée sur les terrains et
les tatamis. Mais tous les sportifs candidats à la chute sur les épaules
peuvent en être victime ! Pourquoi pas vous ?
- Tout votre bras est suspendu à la clavicule
La
clavicule est le seul os reliant le membre supérieur et le buste. L’humérus,
l’os du bras s’articule avec l’omoplate. Cette dernière est accrochée à la
clavicule par deux petites articulations. L’extrémité de la clavicule est en
contact avec un gros relief osseux provenant de l’omoplate appelé «acromion».
C’est l’articulation « acromio-claviculaire » proprement dite. Ces 2
structures sont serrées l’une contre l’autre et reliées l’une à l’autre par des
cordelettes fibreuses, les ligaments. Ces tissus ont pour mission de guider et
de limiter les mouvements. La seconde articulation se situe quelques
centimètres de la première, un peu plus vers l’intérieur. Elle est un peu
particulière mais son rôle est essentiel. Elle supporte plus directement le
poids du bras. Les 2 os ne sont pas en contact. L’omoplate est suspendue à
la clavicule par un large ligament en éventail. Ce dernier prend
naissance sur un bec osseux de l’omoplate nommé «coracoïde». On parle
d’articulation « coraco-claviculaire ». (Croquis 1).
Dessins : Mathieu Pinet
- Des entorses de gravités très variables
Une
entorse est une lésion d’un ligament. Il s’abîme, se distend ou se déchire
quand l’articulation est victime d’un mouvement de trop grande amplitude !
Concernant cette blessure, la gravité de l’entorse dépend de l’ampleur des
lésions ligamentaires mais aussi de leur emplacement. Quand vous tombez
sur le moignon de l’épaule, vous cognez sur le haut de l’omoplate. Elle se
sépare de la clavicule. Lorsque le traumatisme est mineur, seuls les ligaments
de la première articulation, l’acromio-claviculaire, sont étirés. C’est
l’entorse stade 1. (Croquis 2).
Dessins : Mathieu Pinet
L’épaule
n’est pas déformée. On devine à peine un petit gonflement douloureux au bout de
la clavicule. A l’occasion d’un choc plus important, ces cordelettes se
distendent. La clavicule semble un peu remontée. En fait, c’est
l’omoplate, emmenée par le poids du bras qui descend. Si vous appuyez sur
l’extrémité de la clavicule, elle descend et rejoint l’omoplate. Si vous
lâchez, elle remonte. On parle de « touche de piano ». Elle
caractérise l’entorse stade 2. (Croquis 3).
Dessins : Mathieu Pinet
Quand
survient un accident plus violent, volontiers une chute de vélo ou de moto, le
ligament en éventail de la «coraco- claviculaire» s’abime ou se rompt. Cette
fois, l’omoplate descend franchement … la clavicule apparaît vraiment en
hauteur. Quand vous la mobilisez, elle bouge également horizontalement, d’avant
en arrière. C’est l’entorse stade 3. (Croquis 4).
Dessins : Mathieu Pinet
Compte
tenu, du désemboîtement franc des pièces articulaires, on utilise parfois le
terme de « luxation acromio-claviculaire ».En fait, c’est la lésion
de la « coraco-claviculaire » qui fait la gravité de l’entorse
« acromio-claviculaire » ! Si le fracas est majeur, le muscle
qui entoure l’articulation, le deltoïde, se déchire. La déformation est
très importante, le galbe de l’épaule disparu, c’est le stade 4. Même si
l’examen médical est souvent révélateur, des radiographies et une IRM sont
parfois nécessaires pour préciser la gravité et rechercher d’autres lésions …
- Attention à ne pas confondre avec d’autres blessures !
Bien que
le diagnostic soit fréquent, il n’est pas si facile ! Toutes les chutes
sur les épaules ne provoquent pas des entorses acromio-claviculaires. D’autres
blessures peuvent survenir. En jargon médical, on parle de «diagnostics
différentiels». De surcroît, ces blessures s’ajoutent parfois à
l’entorse, on décrit alors des « lésions associées ». Bien
évidemment, il faut chercher une fracture de la clavicule, notamment à son
extrémité… tout près de l’articulation acromio-claviculaire. L’humérus et
l’omoplate aussi peuvent se briser ou s’enfoncer. Il est impératif de ne pas
passer à côté de la luxation d’épaule… la vraie, celle qui déboite l’humérus de
l’omoplate. Les tendons entourant le haut de l’humérus sont parfois contus ou
déchirés. De temps à autre, ils arrachent le petit opercule osseux sur lequel
ils s’accrochent, c’est la fracture du trochiter. Toutes ces blessures imposent
un traitement différent.
- Comment se soigner ?
En cas
d’entorse stade 1, il faut éviter les sports sollicitant les bras quelques
jours. Un strapping en croix apporte parfois un soulagement dans la vie
quotidienne et pour la reprise des activités physiques. Une bande suit et appui
sur la clavicule. L’autre longe le relief postérieur de l’omoplate. Elles se
croisent sur l’acromio-claviculaire en regard de la zone douloureuse. Les
exercices des membres supérieurs sont souvent repris après 7 à 21 jours.
Si votre
lésion est de stade 2, l’omoplate descend à cause du poids du membre supérieur.
En plus du strapping, mettez le bras en écharpe quelques jours. Au cours des
semaines suivantes, gardez cet équipement à disposition autour de votre cou et
glissez-y votre avant-bras quand vous en avez l’opportunité ou en cas de
douleur. Les mouvements sportifs des épaules et les impacts sont possibles 15 à
45 jours après le traumatisme.
En cas
de stade 3, si les ligaments centraux en éventail sont juste distendus, une
immobilisation rigoureuse, coude au corps, 4 à 6 semaines, peut être
tentée. Le plus souvent, ils sont déchirés. L’omoplate est trop éloignée
de la clavicule pour espérer une cicatrisation. Dans ces circonstances, comme
au stade 4, une intervention est conseillée. Les ligaments centraux sont
suturés. La réparation est renforcée par un hauban synthétique ou constitué de
membrane osseuse. Plus rarement une broche traverse l’articulation pour
stabiliser le montage le temps de la consolidation. La reprise du sport n’est
possible qu’après 4 mois.
- Gardez la forme ! Faites de la rééducation !
Quelle
que soit la gravité de votre entorse, les étapes sont comparables, seuls les
délais diffèrent. Afin de suivre le bon rythme de progression, laissez-vous
guider par votre kinésithérapeute et votre médecin du sport. Encore immobilisé,
vous pouvez pédaler sur vélo d’appartement. Commencez en restant coude au
corps, sans tenir le guidon. Quelques jours plus tard, prenez appui. Cette
posture a plutôt tendance à remonter votre bras et ne devrait pas provoquer de
douleur. Idéalement, si vous avez accès à une salle, optez pour le vélo
semi-couché avec dossier. Cet appareil vous donne suffisamment de confort et de
stabilité pour réaliser des séances intenses et fractionnées. Le balancement du
bras à la course reste longtemps douloureux, écoutez vos sensations. Le footing
n’est repris que quelques jours après l’ablation de votre immobilisation. Les
accélérations et les déplacements latéraux viendront plus tard. Un peu de
kinésithérapie est souvent nécessaire pour renouer avec les mouvements des
bras. Quelques exercices d’auto-rééducation sont les bienvenus. Alors que
vous êtes encore « coude au corps », haussez les épaules. Vous
contractez votre trapèze, vous remontez votre omoplate. Une fois libéré,
maintenez votre bras sur le côté, à l’horizontal, tenez une petite charge.
Montez- la aussi le long de vos oreilles. Ces exercices sollicitent le
trapèze et le deltoïde qui resserrent l’acromio-claviculaire. Réapprenez à bien
verrouiller votre articulation lors des chutes. Ecrasez un ballon, entre votre
épaule et un mur. Sur le terrain reprenez les éducatifs et les passes. Au dojo,
renouez avec les katas et le travail technique sans combat. Testez et contrôlez
les chutes. Quand la confiance est de retour, reprenez le collectif et la
compétition.
Source SantéSportMag
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