dimanche 6 septembre 2020

Billets-Hommage à l’astrophysicien André Brahic


Hommage à l’astrophysicien André Brahic

L’astrophysicien André Brahic s’est éteint à 73 ans des suites d’une longue maladie.

André Brahic ou la passion de la science
Si un homme incarnait la passion de la science, c’était bien André Brahic, qui lui a consacré jusqu’au dernier moment tous ses efforts. Découvreur, mais aussi conteur, puisqu’il prenait toujours un immense plaisir à se déplacer aux nombreux colloques auxquels il était invité, jusque dans les lycées de banlieue défavorisée où son énergie et son talent oratoire captivaient ses auditoires variés. La recherche et l’enseignement étaient selon lui indissociables. Sinon, disait-il, « nous risquerions d’avoir des chercheurs autistes et des enseignants incompétents ».

Depuis quelques années, il s’inquiétait de l’état de la recherche en France et en Europe. Ne parvenant pas à convaincre les hommes politiques de l’intérêt de ces questions fondamentales, il se faisait fort de sensibiliser l’opinion publique en publiant régulièrement de beaux livres scientifiques (dont son dernier, « Terres d’ailleurs », regorge de magnifiques photographies et images d’artistes, en plus d’être à jour des dernières découvertes) ainsi qu’un manifeste pour la science, à l’occasion duquel nous l’avions interviewé.

Les anneaux de Neptune
Ce n’est pas tant la découverte qui l’a rendu célèbre, celle des anneaux de Neptune, que la manière dont elle s’est réalisée, qui vaut d’être racontée. Étudiant en thèse, avant le lancement de la sonde Voyager, André Brahic s’interroge sur le comportement des anneaux de Saturne et parvient à résoudre un vieux problème auquel s’étaient confrontés d’illustres prédécesseurs comme Laplace ou Poincaré.

Après plusieurs années d’un intense effort de recherche et de modélisation, l’astrophysicien tente de décrire par le calcul la forme que devraient prendre les anneaux de Neptune, s’ils existaient. Il présente ses premiers résultats à son directeur de thèse, Michel Hénon. Problème, un autre astrophysicien, le prix Nobel de physique Hannes Alfvèn, avait lui-même publié ses conclusions, considérant impossible que Neptune soit entouré d’un anneau. « Je ressentis alors un profond découragement. Tant de travail en vain. Comment pouvais-je avoir raison contre un prix Nobel ? Pourtant Michel Hénon est resté très calme. Il m’a dit, André, dessine deux colonnes au tableau ; à droite tu écris tes hypothèses, et à gauche les siennes. Il m’a encouragé à continuer, puisqu’après tout à l’époque personne n’avait encore eu l’occasion de photographier Neptune donc toutes les théories étaient permises. »
L’avenir lui donna pourtant raison. Parvenu à convaincre l’équipe d’imageries de la sonde Voyager de modifier légèrement son programme d’exploration, la sonde effectua une rotation pour photographier les anneaux de Neptune. « Ce fut l’un des plus beaux jours de ma carrière de scientifique. C’était maintenant indubitable, les anneaux que j’avais tant cherchés existaient. À ma grande surprise, leur aspect était très différent de celui que j’avais imaginé. Cela m’a rappelé à quel point l’Homme doit rester infiniment humble devant la réalité scientifique. »

L’humilité comme principe
Cette humilité, ce doute cartésien constant qui le faisaient sans cesse s’interroger (et qui, sans vouloir lancer ici de polémiques, manque parfois à de nombreux chercheurs…), le conduisaient à prendre des positions très prudentes sur de nombreux sujets comme le changement climatique, l’énergie nucléaire ou le gaz de schiste. Préférant avoir la tête dans les étoiles que les pieds sur terre, Brahic n’hésitait pas à relativiser les désordres quotidiens, comme la crise. « Quelle crise ? C’est vrai, il y a du chômage et je comprends que cela préoccupe beaucoup de personnes. Mais rappelons que l’humanité n’a jamais globalement aussi bien vécue, n’a jamais été aussi nombreuse, bien nourrie et en aussi bonne santé. C’est ce qu’il y a de plus important. »

Terminons en rappelant qu’il était d’un optimisme sans faille, convaincu que c’est dans la science rigoureuse et non la régression obscurantiste que les problèmes de l’humanité pourraient trouver leur solution. Nous nous permettons de vous livrer quelques lignes des dernières échanges récents que nous avions eus avec lui, en décembre 2015 : « Si je suis toujours là en 2016, je pourrai continuer d’affirmer que les progrès scientifiques nous permettent tous les espoirs. Si ce n’est pas le cas, j’aurais vécu des années merveilleuses. »


Source contrepoints.org

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