Douleur sous le talon
Coureur et sauteur, vous êtes parfois victime
d’une douleur sous le talon. Il s’agit souvent d’une « aponévrosite plantaire
». Son traitement n’est pas aisé ! De plus, il existe de nombreuses autres
blessures à proximité !
Par le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport.
Depuis
quelques semaines, vous ressentez une douleur sous le talon en courant. Au
début, elle cédait après l’échauffement. Rapidement, elle s’est imposée tout au
long de votre footing. Désormais, vous souffrez le matin en vous levant et en
marchant vite. Il s’agit probablement d’une « aponévrosite plantaire ». Il est
temps de vous en occuper !
- Une aponévrosite plantaire ?
Sous la
voûte plantaire, on trouve une lame fibreuse, c’est l’aponévrose plantaire.
Elle est large et épaisse. Elle relie l’os du talon, le calcanéum, à l’avant du
pied. À la manière de la corde d’un arc, elle tend l’arche plantaire. Elle
transmet aux orteils la force de contraction du mollet. On peut la considérer
comme la continuité du tendon d’Achille après qu’il a fait poulie à l’arrière
du calcanéum. Le suffixe « ite » signifie inflammation, l’aponévrosite est donc
une irritation, plus exactement une microdéchirure de l’aponévrose. Cette
lésion se produit souvent à son point de faiblesse, à l’endroit où elle devient
plus étroite, à son point d’accrochage sur le calcanéum, juste sous le talon
(dessin ci-dessous). Parfois, la souffrance tissulaire est plus étendue tout le
long de cette membrane.
1 – tendon
d’Achille / 2 – Insertion du tendon d’Achille / 3 – insertion de l’aponévrose
plantaire / 4 – aponévrose plantaire
- Attention aux confusions !
Si une
douleur du talon chez un coureur provient majoritairement d’une souffrance de
l’aponévrose, la prudence s’impose car on retrouve de nombreuses autres lésions
dans les parages. Une démarche diagnostique rigoureuse se révèle indispensable
car les traitements sont très différents. De la plus ennuyeuse à la plus
anodine, voyons l’ensemble des blessures possibles. C’est parfois une fracture
de fatigue du calcanéum ; l’os du talon se fissure à force d’impacter le sol.
Il peut s’agir d’une souffrance de l’insertion du tendon d’Achille à son
extrémité inférieure ou d’une bursite ; l’irritation d’une poche de glissement,
comme une grosse ampoule profonde, à l’arrière du talon. Plus rarement, on
constate le coincement d’un nerf à la face interne de la cheville qui irradie
dans la plante du pied. L’aponévrose peut aussi entraîner des lésions graves.
Si votre douleur survient brutalement à l’occasion d’un démarrage, si une
ecchymose apparaît dans votre voûte plantaire, il est possible que vous soyez
victime d’une rupture complète de cette membrane !
- Comment soigner votre douleur sous le talon ?
La
microdéchirure de l’aponévrose cicatrise de façon anarchique. Les fibres sont
enchevêtrées les unes dans les autres et ne résistent pas aux tensions
mécaniques. Une part essentielle du traitement consiste à stimuler une
cicatrisation plus harmonieuse. La rééducation est tout à fait indiquée. Votre
kinésithérapeute masse énergiquement la zone d’insertion, il assouplit et
parfois même casse le magma fibreux. Dans le même but, il peut aussi pratiquer
des ondes de choc ; il frappe la zone avec un marteau à air comprimé ! C’est
douloureux mais souvent très efficace. Le laser CO2 « défibrose » aussi les
cicatrices. À domicile, assis dans votre fauteuil, vous pouvez malaxer
fortement cette zone en écrasant et en faisant rouler ne balle de tennis puis
de golf sous votre talon ! À l’issue de ces techniques assouplissantes, il faut
réaligner les fibres dans l’axe des contraintes. Les étirements sont
indispensables. Pour bien mettre en tension l’aponévrose, il est conseillé de
se placer sur l’arête d’une marche et de relever les orteils. Ces stratégies
visant à stimuler l’adaptation des tissus s’associent à la réduction des
contraintes pendant l’activité. Des semelles correctrices sont les bienvenues.
Elles incluent le plus souvent des talonnettes qui amortissent les impacts et
détendent l’aponévrose.
- On monte d’un cran !
Lorsque
ces traitements se montrent insuffisants, une infiltration est envisageable.
Elle consiste à injecter au contact du magma fibreux un puissant
anti-inflammatoire qui apaise l’irritation. De préférence, le geste du médecin
est guidé par une radiographie ou une échographie pour ne pas agresser
mécaniquement la membrane. La piqûre se fait en passant sur le côté du pied
afin de ne pas provoquer de réaction douloureuse au sein du matelas graisseux
de la voûte plantaire. Dans les suites, le repos s’impose pour réduire la
diffusion du produit thérapeutique et surtout pour limiter le risque de rupture
de l’aponévrose ; l’assouplissement de la cicatrice passe par une phase de
fragilisation ! En pratique, on propose souvent le protocole suivant : 3 à 4 jours
en marchant un minimum puis 10 jours de vélo et de natation, puis 10 jours de
rééducation douce, d’elliptique et de sautillements dans l’eau. À 3 semaines de
l’injection, il est possible de tester le trottinement et il est conseillé de
revoir votre médecin du sport. Classiquement, un programme de reprise de
courses plus rapides et plus longues est instauré au cours du mois suivant.
Exceptionnellement, une opération est nécessaire. La technique habituelle
consiste à enlever l’enchevêtrement fibreux.
- Le sport fait partie du traitement
Vous
l’avez compris, il est impératif de « mécaniser » a cicatrice afin qu’elle
puisse à nouveau assumer les tractions inhérentes à la course. Aussi est-il
recommandé d’exercer sur le tissu des contraintes progressives. En pratique, on
peut considérer que l’absence de douleur après 5 à 10 min d’échauffement
correspond à une activité plus « assouplissante » que « nuisible ». De
surcroît, grâce à ces séances de sport, vous garderez la forme ! Bien sûr, la
natation et l’aquajogging sans appui ne posent pas de problème. Le vélo est le
bienvenu même lorsque la marche est sensible. En effet, il n’y a pas d’appui
sur le talon et aucun freinage en réception ne dilacère de l’aponévrose. Pour
adapter les tissus, vous pouvez peu à peu intégrer des passages en « danseuse
». En salle, le stepper avec l’arrière du pied dans le vide peut être utilisé.
En mobilisant la cheville et en descendant les talons, il participe activement
à la « mécanisation » de la cicatrice. L’elliptique permet de retrouver une
gestuelle proche de la course, avec un simple contact de toute la voûte
plantaire mais sans impact. À ce stade, vous pouvez aussi sautiller dans l’eau,
aidée de la poussée d’Archimède. Vous travaillez ainsi l’élasticité de votre
aponévrose. Prenez soin de diminuer progressivement la profondeur de l’eau.
Intégrez peu à peu de la course à vos séances. Il ne s’agit pas de partir pour
30 minutes de footing ! Marchez 5 min, trottinez 5 min puis montez sur votre
vélo ou elliptique, ou nagez ! À chaque séance, ajoutez 5 à 10 minutes de
jogging. Lorsque vous avez atteint 30 à 45 min en endurance, commencez à
accélérer ! L’aponévrosite restera derrière vous !
Source santesportmagazine.com
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