Réparation des ligaments de la
cheville
Vous vous tordez les chevilles à tout bout de
champs. Vous avez bénéficié de nombreuses séances de kinésithérapie. Rien n’y
fait ! On vous parlé d’intervention chirurgicale. Est-ce vraiment
utile ? De quoi s’agit-il ? Et quelles sont les suites
opératoires ?
Par Philippe PAILLARD, chirurgien du sport
Chaque
jour en France, il se produit 6000 entorses de cheville. Cette blessure
correspond à la lésion d’un ligament, une cordelette fibreuse reliant deux os
entre eux. A la face externe de la cheville, on trouve 3 faisceaux
ligamentaires s’étalant d’arrière en avant à la manière d’une patte de canard.
Ces
structures contrôlant les mouvements articulaires se sont distendues ou rompues
au cours d’entorses. Les petits récepteurs nerveux qu’elles contiennent sont
abîmés et ne parviennent plus à informer le cerveau de la position de
l’articulation. Dans l’immense majorité des cas le traitement classique est
suffisant pour récupérer totalement. Il associe le repos sportif, une attelle
et de la rééducation. Mais la complication la plus fréquente de l’entorse reste
… la récidive !
- Pour être opéré, il faut souffrir d’une instabilité de cheville !
Comme
souvent, « l’indication chirurgicale résulte de l’échec du traitement
médical ». Le tableau habituel ressemble à celui de Thierry. Il y a
quelques années, sur un takl, il a été victime d’une grosse torsion de cheville
au foot. L’articulation avait gonflé et des trainées bleues … des ecchymoses …
étaient apparues sous les reliefs osseux. Pris par le temps, il s’était
contenté de mettre une bande et un peu de pommade. Il avait directement repris
le foot à la disparition des douleurs. Très vite, sur un appui, le traumatisme
avait récidivé. Malgré la kiné, les torsions sont devenues plus fréquentes. Sa
cheville ne gonfle presque plus mais fait très mal. Elle ne saigne plus !
Aucun ligament ne se déchire désormais car ils ont souvent totalement disparus
! Dans ces conditions pas de «croute», pas de cicatrisation possible :
l’immobilisation est inefficace. Alors, il faisait des strappings avant chaque
entraînement. En fin de séance, quand la bande était détendue, il lui arrivait
de se fouler à nouveau la cheville. Désormais, il ne peut plus jouer. Même les
footings sont risqués et source d’appréhension et de douleur. L’autre fois, en
se promenant dans la rue, il a marché sur un gravier, sa cheville est partie,
il est tombé comme un pantin désarticulé. Thierry est victime d’une instabilité
de cheville !
- Pour être opéré, il faut présenter une laxité de cheville !
Vous
l’avez compris, l’instabilité est le symptôme décrit par le patient qui se fait
des entorses à répétition. La laxité correspond à la constatation par le
médecin de mouvements articulaires de grandes amplitudes caractérisant la
rupture des ligaments. Il est important de faire la différence car il est
possible de se tordre souvent les chevilles alors que les ligaments ne sont pas
distendus ! Désormais, avant d’opérer, des images doivent confirmer la
rupture des ligaments. On effectue un «varus forcé». Il s’agit d’une
torsion progressive de la cheville réalisée sous radiographie. Elle permet de
mesurer le déplacement des os et de quantifier la laxité. Entre des mains
expertes, l’échographie est bien adaptée pour mener l’enquête car elle visualise
les tissus mous. Mieux encore, l’IRM réalise une analyse globale de
l’articulation et cherche d’autres causes d’entorse. Le scanner impose
d’injecter un produit de contraste dans l’articulation pour mouler le ligament
flasque ou déchiré.
- Que va faire votre chirurgien ?
Puisque
vos ligaments situés à l’extérieur de la cheville sont déchirés, il faut les
remplacer.
Il
serait insuffisant de vouloir les réparer. Ce sont désormais des petits
moignons rétractés, amincis et fragiles. Pour reconstituer le faisceau
antérieur, l’intervention la plus classique consiste à prélever une bandelette
de membrane entourant le péroné, le périoste. On la découpe de haut en bas, on
conserve son point d’accrochage inférieur, on la bascule par-dessus la
cheville et on la fixe de l’autre coté de l’articulation, sur l’astragale.
Une
autre technique propose de prendre la moitié d’un tendon passant sur ce trajet.
Malheureusement, ce dernier a pour mission de transmettre la force du muscle
qui, en se contractant, redresse la cheville et empêche les entorses …
Mieux vaut lui conserver toute sa solidité !
Pour
réparer le faisceau moyen, le chirurgien prélève une portion de la bandelette
fibreuse qui cale les tendons passant en avant de la cheville. Il la
découpe de haut en bas, la bascule par-dessus l’articulation et la fixe sur le
péroné.
Le
faisceau postérieur n’est quasiment jamais déchiré. Il est inutile de le
remplacer.
- 6 semaines d’immobilisation sportive !
Vous
restez environ 3 jours hospitalisé. On vous confectionne une botte en résine
que vous conservez 6 semaines. Classiquement, pour bien faire coller les
ligaments, l’appui est interdit. Néanmoins, 10 à 15 jours après l’intervention,
quand la cheville est dégonflée et les cicatrices fermées, vous pouvez pédaler.
Sur vélo de salle, il est possible de doser subtilement votre effort. Commencez
par 5 minutes très faciles. Augmentez progressivement la durée. Moulinez,
accélérez la fréquence du mouvement avant d’accroître les résistances. N’ayez
crainte, le poids transmis aux pédales reste modérée et la cheville ne bouge
pas ! Reprenez la forme cardiovasculaire.
15 jours après l’opération, pédalez en salle, faites de la
musculation sans appui.
Faites
de la musculation, du haut du corps bien sûr ! Mais aussi des jambes car
de nombreux appareils proposent des exercices sans appui. A la maison, utilisez
des élastiques. Pour reproduire les contraintes musculaires inhérentes à chaque
réception de foulée, insistez sur le travail de freinage. Faites de la
presse et des sauts avec votre membre valide. Imaginez vos gestes techniques.
Ainsi, votre cerveau entretient vos schémas de coordination !
- A 6 mois, reprenez votre sport !
Après 6
semaines, le chirurgien enlève votre botte en résine. Vous reprenez l’appui.
Vous débutez la rééducation. Le kinésithérapeute mobilise votre cheville en
douceur et réveille vos muscles stabilisateurs. A 2 mois, vous marchez
normalement. Poussez plus fort sur le vélo. Commencez l’elliptique. A
partir du 3ème mois, vous réalisez des exercices d’équilibre statique en salle
de kinésithérapie. Au même moment, intensifiez l’elliptique. A vélo, mettez
vous en danseuse. Débutez le stepper. Peu à peu, placez votre talon dans le
vide afin de mobiliser votre cheville et travailler votre mollet. Dès que vous
êtes à l’aise, trottinez quelques minutes. Si vous êtes anxieux, enfilez une
chevillière pour vos premières foulées mais il faudra vite vous en débarrasser.
Après 4 mois, courez sur terrain régulier. Accélérez dans l’axe. En
rééducation, vous travaillez vos appuis latéraux. A 5 mois, vous renouez avec
le terrain : déplacements latéraux, slalom et éducatifs spécifiques sont
au programme. Enchaînez avec du collectif sans contact ou un adversaire
sympathique qui vous fera répéter vos gammes. Quand vous vous sentez prêt, vers
6 mois, envisagez la compétition. Vos adversaires n’ont qu’à bien se
tenir : vos cheville sont stables … et vous êtes en grande forme !
- Entorses récidivantes ne signifient pas rupture des ligaments
Il est
possible de se tordre les chevilles pour d’autres raisons. Le tendon
stabilisant cette articulation peut se luxer et devenir inefficace. Des
fragments d’os ou de cartilage se coincent parfois et bloquent les réflexes de
protection. Après une entorse, il arrive que les récepteurs de tension situés
dans les ligaments ne fonctionnent plus. Il faut les ré-entraîner, il faut
insister en rééducation ! De nombreuses femmes dont les tissus sont très
souples sollicitent peu ces récepteurs et se font souvent des entorses. Dans
ces conditions, il ne produit pas de déchirure et les douleurs sont rares. A
l’inverse, certains sportifs ont les ligaments détruits et ne se tordent pas
les chevilles ! Ils bénéficient d’une exceptionnelle coordination. Ils
pourraient néanmoins risquer une arthrose précoce du fait des micro-mouvements
inévitables qui rabotent le cartilage.
Source SantéSportMag
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