dimanche 30 juin 2019

Infos santé : Sport et Santé-Le triathlon


Le triathlon

Trois disciplines pour un sport ! Le triathlon symbolisait autrefois la multiplication de la charge de travail et le sport extrême. Désormais, cette diversité rime plutôt avec complémentarité et santé ! Arguments et explications.

Par le Docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport

Jusque dans les années 1980, le concept de « spécificité de l’entraînement » a largement prévalu pour accéder à la performance. Le triathlon et les raids multisports sont venus bousculer le dogme. Ils ont mis en exergue l’intérêt de la diversité pour profiter des phénomènes de « transfert des aptitudes » d’une discipline vers une autre. Dans le domaine de la santé, cette variété devient complémentarité pour « multiplier les bénéfices et diviser les risques ».

  • Une complémentarité pour les os !
Alterner avec assiduité les pratiques sportives permet d’éviter le surmenage locomoteur sans altérer son adaptation. La natation réalisée en apesanteur et à l’horizontale réduit les contraintes osseuses. L’os ne subit aucun choc. Il ne risque pas de se fissurer. En contrepartie, en l’absence de microlésions, il n’est pas stimulé pour se reconstruire plus fort. Ce sport a démontré qu’il était totalement inefficace pour prévenir l’ostéoporose. Pire, il fragilise le squelette des jeunes pratiquantes. Il a été prouvé que les nageuses de haut niveau flottant 3 heures par jour avaient une densité osseuse inférieure à celle des sédentaires du même âge. Dommage, car nous n’avons que jusqu’à 25 ans pour capitaliser de l’os. Le vélo en charge partielle et sans impact ne permet pas non plus d’accroître la densité osseuse. Certaines études montrent que 60 % des cyclistes professionnels ont une densité osseuse inférieure aux sédentaires ! À l’inverse, la course à pied met les os en contraintes. À chaque réception de foulée, il se produit des microfêlures dans la trame osseuse. À l’issue d’une récupération suffisante, elles sont à l’origine d’une reconstruction osseuse plus dense. En cas d’excès cette sollicitation tourne à l’agression, les fissures s’étendent, se rejoignent et sont responsables de fractures de fatigue. Vous comprenez qu’alterner footing et vélo ou natation constitue un cocktail favorable à la prévention de ces blessures et même à la constitution d’un os solide !

  • Une complémentarité pour le dos !
À intensité modérée, la piscine est souvent proposée pour réduire le mal au dos. C’est vrai, dans l’eau la colonne est rarement douloureuse. Si vous souffrez des lombaires, la natation vous permet de retrouver le goût du mouvement et de vous réconcilier avec vos vertèbres. Elle les mobilise un peu et commence à renforcer les muscles gainant les lombaires. Mais attention, cette activité se montre nettement insuffisante pour préparer le dos à la pesanteur et à la verticalité du quotidien. À vélo, la colonne vertébrale est légèrement fléchie, bien en équilibre grâce aux 5 points d’appui. Si vous n’êtes pas trop penché en avant et si vos changements de position sont fréquents, vous tolérerez bien cette attitude et vos muscles vertébraux gagneront en souplesse et en tonicité. Si vous vous inclinez trop vers le cintre, vous écrasez l’avant de vos disques intervertébraux et la gélatine contenue glisse vers l’arrière, c’est parfois douloureux. En course à pied, vous vous redressez, ce produit visqueux repasse en avant. L’alternance réception, propulsion constitue un véritable massage discal, c’est démontré ! Les muscles du dos travaillent en position courte pour maintenir le buste érigé. Ils gagnent en coordination pour stabiliser le bassin qui oscille d’une jambe sur l’autre. En triathlon, la progressivité et la diversité des sollicitations permettent un réentraînement lombaire efficace contre les douleurs de dos.

  • Une complémentarité pour le cartilage !
En natation, le cartilage, la substance lisse recouvrant les os au niveau des articulations, n’encaisse aucun impact. La natation, c’est vraiment le sport antiarthrose ! En brasse, l’amplitude gestuelle des membres inférieurs permet un bon polissage articulaire, notamment au sein des hanches. Au genou, la rotule est parfois un peu désaxée lorsque vous tournez fortement les pieds vers l’extérieur. En crawl, les hanches sont mobilisées sur de plus faibles amplitudes, voilà qui est moins favorable au rodage du cartilage. En revanche, la cuisse se renforce et stabilise la rotule sans l’écraser sur le fémur. Pondérons cet enthousiasme et mentionnons que ce mouvement ressemble peu aux gestes du quotidien où le pied est en appui. De fait, son efficacité pour soulager la rotule est désormais débattue. Même si le crawl est votre nage de compétition, n’hésitez à brasser souvent à l’entraînement. Vos articulations profiteront de cette complémentarité ! À vélo, le pédalage à bonne cadence, en moulinant, favorise le rodage articulaire en minimisant les pressions sur le cartilage. N’abusez pas des « gros braquets ». Ils imposent une contraction musculaire puissante qui plaque la rotule et la fait « raboter » sur le fémur. Du coup, la surface cartilagineuse de cet os est abrasée. L’entretien de la force musculaire contribue à un mouvement articulaire plus harmonieux qui préserve le cartilage et toutes les articulations de la jambe. Le cyclisme est aussi un excellent sport pour tous ceux qui souffrent d’arthrose. En revanche, l’influence de la course sur le cartilage est controversée. Spontanément, on pense qu’à la réception de chaque foulée, le cartilage est cogné et s’abîme. La réalité est plus subtile. Le déroulement de l’appui engendre des variations de pression au sein de ce précieux revêtement articulaire. Ce dernier n’est pas traversé par des vaisseaux sanguins, il a besoin de ce processus pour se nourrir en pompant les aliments venus de l’os sous-jacent. En pratique, les études nous aident à y voir plus clair. Si vous souffrez déjà de vieilles blessures, si vos jambes sont en X ou encore si vos ligaments sont trop souples, il est possible que la course accélère la survenue de l’arthrose. Un autre article de référence dévoile qu’il ne se produit aucun dommage articulaire tant que vous ne dépassez pas 30 à 50 kilomètres par semaine. Quoi qu’il en soit, le triathlon grâce au « rodage » et au « pompage » diversifie ses actions bénéfiques sur le cartilage. Il contribue à modérer le travail de course tout en préservant l’entraînement cardiovasculaire. Profitez-en !

  • Une complémentarité pour les muscles et les tendons !
La natation sollicite intensément les membres supérieurs. Le mouvement du crawl est rapidement à l’origine de souffrance des tendons de l’épaule. Ces derniers frottent sur les reliefs osseux de l’omoplate, tout particulièrement lors de la phase de retour. Voilà encore une bonne raison de brasser sans complexe quand on pratique le triathlon dans sa version « plaisir et santé ». Les muscles des membres inférieurs n’ont pas à assumer de travail de freinage. Les fibres musculaires ne sont pas écartelées, elles ne sont pas victimes de microdéchirures, vous ne souffrez pas de courbatures. Vos muscles bénéficient de l’effet drainant de l’horizontalité, de la pression et de la fraîcheur de l’eau. On comprend que cette discipline puisse trouver une place de choix pour récupérer activement. À vélo également, les muscles et les tendons n’ont pas à assumer de contraintes d’amortissement ou de freinage. Les jambes acquièrent de la force sans « écarteler » les tendons. Les tendinites y sont exceptionnelles. En course, il en va tout autrement. Quand le pied se pose au sol, les articulations se fléchissent alors que les fibres musculaires tirent en sens inverse pour ralentir le mouvement. Les membranes enveloppant les muscles et les tendons sont tractés à leurs deux extrémités. À dose raisonnable, ces contraintes renforcent ces structures fibreuses. En cas de pratique excessive, il en résulte parfois des courbatures perturbant la régularité de l’entraînement, voire des tendinites imposant l’arrêt des footings. Heureusement, l’alternance des trois disciplines permet d’éviter cet écueil !


  • Une complémentarité efficace et démontrée !
Vous l’avez perçu, la pratique de ces trois disciplines multiplie et diversifie les sollicitations de l’appareil locomoteur. La complémentarité des contraintes proposées optimise l’adaptation des différents tissus de l’organisme. De façon schématique, la natation et le vélo permettent de récupérer des microtraumatismes de la course tout en continuant à entraîner son endurance. C’est idéal et démontré ! Selon Wayne, 83 % des coureurs présentent une blessure dans l’année contre 66 % des triathlètes pour Galera. De surcroît, ce dernier met en évidence que les trois quarts des lésions dont sont victimes les adeptes du triple effort surviennent en course à pied. Il montre aussi que 75 % des triathlètes blessés parviennent à poursuivre l’entraînement en utilisant au moins l’une des autres disciplines. Van Mechelen constate que la probabilité de blessure chez le coureur augmente en fonction du nombre de sorties hebdomadaires. Ainsi, la diversité des pratiques triathlètiques contribue-t-elle à réduire le risque de blessures tout en préservant l’assiduité bénéfique au système cardiovasculaire.

  • Le triathlon : 3 disciplines pour 3 entraînements hebdomadaires
La quantité d’activité physique favorable à la santé du cœur reste débattue. Les instituts de prévention vantent les mérites de 30 minutes de marche active quotidienne, version minimaliste, apparemment plus accessible d’un point de vue sociologique. Les cardiologues optent plutôt pour 3 entraînements hebdomadaires de 30 minutes à 1h dont au moins 20 minutes à une intensité moyenne. Cette dernière porte souvent le nom d’endurance active, elle se caractérise par une fréquence cardiaque située aux alentours de 75 % du maximum et par un rythme respiratoire permettant de « parler mais pas chanter ». Toutes ces recommandations peuvent être rattachées à des études montrant des bénéfices variables, réduisant le risque d’infarctus de 30 à 60 %. Celle de Paffenbarger, menée de façon longitudinale, semble donner à ces conseils un minimum de cohérence. Il constate que les bienfaits sur la longévité apparaissent à partir d’une dépense énergétique de 500 kilocalories hebdomadaire. Ils sont optimisés pour 2 000 kilocalories avec une durée de vie accrue statistiquement de 2 ans. Les risques dépassent les bénéfices à partir de 3 500 kilocalories. Le « triathlon santé loisir » est une excellente opportunité psychologique et sociologique pour proposer 3 entraînements hebdomadaires, un dans chaque discipline. Dans ces conditions, l’activité physique quotidienne associée au programme sportif avoisine les 2 000 calories hebdomadaires. Cet entraînement est largement suffisant pour terminer avec aisance les compétitions dites « Découverte » ou « Promotion » (500 m de natation, 20 km à vélo, 5 km à pied). Vous accédez sans risque au statut motivant et valorisant de « triathlète ».


Le programme de base pourrait être le suivant :
  • Mardi : Course à pied, 30 minutes à 1 heure dont 20 minutes à intensité moyenne.
  • Jeudi : Natation, 30 minutes à 1 heure dont 20 minutes à intensité moyenne.
  • Dimanche : Vélo ou Enchainement, 1 heure à 1 heure 30 minutes dont 20 minutes à intensité moyenne… et quelques fois dans l’année : Triathlon « Découverte » à intensité moyenne !

  • Une complémentarité pour le cerveau !
Sur le plan psychologique, la variété induite par le triathlon est incontestablement un facteur de motivation et d’assiduité. Du point de vue sociologique, ce type de pratique se montre bien adapté aux contraintes du quotidien. Le temps à consacrer à cette activité reste raisonnable, loin de l’image de l’Ironman. Chacun pourra trouver l’organisation qui lui convient : piscine le midi, le footing en bas de chez lui, salle de cardiotraining où l’on peut même travailler les transitions (rameur, vélo, tapis), vélo d’appartement en semaine ou la belle balade du week-end. La pratique de 3 disciplines différentes, même d’endurance, est en soi à l’origine d’acquisitions techniques variées et d’un véritable épanouissement psychomoteur. Par essence, le triathlon lutte contre les méfaits de l’hyperspécialisation. De surcroît, sa pratique est la porte ouverte aux pratiques multisports. Pour décliner son plaisir et bénéficier de phénomènes de transferts physiologiques, le triathlète est volontiers adepte du V.T.T., de la course nature, du ski de fond ou du roller. Toutes ces activités améliorent son équilibre. Cette qualité bien inscrite dans le système nerveux central, se révélera probablement bien utile pour limiter le risque de chute quand viendra l’âge de l’ostéoporose. Trois entraînements par semaine de 30 minutes à 1 heure dans le but de terminer quelques « triathlons Découverte » a peu de chance d’être à l’origine d’une dépendance nuisible à la santé ou désocialisante. Dans ce contexte, il ne s’agit pas d’addiction, tout juste d’une « bonne habitude » !

  • Le triathlon est-il le sport idéal pour la santé ?
Le triathlon pratiqué sous forme de loisir compétitif paraît répondre aux recommandations des instituts de prévention ou à celles des cardiologues. La diversité des adaptations inhérentes à cette activité multisport semble préserver et même participer à l’entretien de l’appareil locomoteur. Cependant, la « pyramide d’exercice » proposée par Marti fait référence en Suisse. Elle ajoute deux séances hebdomadaires de renforcement et d’assouplissements. Alors, pour ne pas briser son sommet, proposons à nos triathlètes une séance hebdomadaire de « gainage » et une autre d’étirements. Cette fois, c’est parfait !

  • Le triathlon à l’origine d’une évolution
La croissance de l’individu semble reproduire l’évolution de l’espèce. Pour briller dans les dîners en ville, sachez que les médecins disent que « l’ontogenèse récapitule la phylogenèse ». Il est étonnant de constater que le triathlon reproduit une progression voisine. Le triathlète débute son périple dans l’eau, siège de la naissance de la vie et de l’individu. Il s’y déplace à l’horizontale et en apesanteur, son appareil locomoteur y subit peu de contraintes. Sur son vélo, il doit se redresser quelque peu. Comme l’enfant découvrant le monde à quatre pattes, comme les grands singes déambulant dans la forêt, il accède à la quadrupédie. Ses membres inférieurs sont en charge partielle et sa colonne  vertébrale se stabilise aisément. À l’issue de la dernière transition, à l’image de l’enfant s’initiant à la marche et pareil à Lucy toisant la savane, il se verticalise. Comme Homo Ergaster traversant l’Afrique et partant à la conquête du monde, il se met à courir ! Ses membres inférieurs encaissent la totalité du poids de son corps. Sa colonne vertébrale assume un équilibre devenu moins précaire. Il peut même lever les bras en franchissant la ligne d’arrivée !



Source SantéSportMag

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