Edgar Allan Poe
Poète, conteur,
essayiste et critique américain, Edgar Allan Poe est né le 19 janvier 1809 à
Boston (Massachusetts). C'est dans une famille d'acteurs ambulants que naît le
plus improbable des Bostoniens. Son père disparaît bientôt et sa mère, jeune
première très admirée, tombe malade en tournée et meurt dans une petite chambre
de Richmond (Virginie). Rien ne protège Edgar, qui va avoir trois ans, du
spectacle de ce drame. Il est recueilli par un riche négociant de la ville,
John Allan, et s'attache à ses parents nourriciers, à la grâce de cette mère,
aux promesses de réussite sociale qu'incarne ce père.
Il profite d'un séjour
familial en Ecosse (1815) puis à Londres (1816-1820), reçoit une excellente
éducation. En 1826, il entre à l'université de Virginie. Mais John Allan lui
refuse le train de vie de ses condisciples et, en mars 1827, c'est la rupture.
Le rêve aristocratique du quasi-gentleman virginien s'écroule. Edgar Poe quitte
la maison (où Mrs. Allan mourra en 1829) pour Boston. Suivent des années de
lutte pour survivre, dans l'armée d'abord, puis à l'école d'officiers de West
Point pour un semestre. Ces années sont ponctuées de lettres indignées ou
suppliantes à John Allan, où il affiche déjà une énorme ambition littéraire
("le monde sera ma scène").
Edgar Poe se veut
poète et publie en 1827, 1829 et 1831 trois minces recueils qui ne rencontrent
guère d'écho. Revues et magazines naissants organisent des concours: premier
succès en 1831, puis un second en 1833 avec Manuscrit
trouvé dans une bouteille, mais la vie est précaire. En 1834, John Allan
meurt, sans même mentionner Edgar dans son testament. En août 1835, il devient
collaborateur permanent du Southern Literary
Messenger de Richmond, où il retourne habiter. Sans doute aussi
commet-il quelques écarts de boisson. Fin 1836, il s'est fait un nom mais
devient trop encombrant et doit démissionner. Entretemps, pour éviter que ne
lui échappe la petite cellule familiale qui lui reste, il épouse sa cousine
Virginie, âgée d'à peine quatorze ans.
En 1837, une première
tentative d'Edgar Poe pour s'implanter à New York, la capitale littéraire,
échoue, et c'est à Philadelphie que sont publiées Les
Aventures d'Arthur Gordon Pym, en juillet 1838, et Ligeia en septembre. Il entre au service du Gentleman's Magazine où il souffre du manque
d'indépendance critique, mais poursuit son œuvre de conteur. Il entre,
cependant, dans une période de travail serein (juin 1841-mai 1842) quand le Gentleman's, changeant de main, devient le Graham's Magazine.
Il perfectionne sa
théorie de l'intrigue comme construction visant à la perfection formelle,
célèbre dans Une descente dans le Maelström
la pleine maîtrise de son art, confirme dans Introduction
aux comptes rendus critiques son choix d'une critique centrée sur le
texte comme tel. En juin 1843, Le Scarabée d'o
est un immense succès populaire. En avril 1844, avec Le Canard au ballon, il conquiert New York. En janvier 1845, son
poème Le Corbeau, exploit intellectuel
et prosodique, emporte l'adhésion des critiques comme du grand public -- et Poe
exploitera son énorme succès par sa très provocante Philosophie de la composition.
En juillet 1845, Contes, qui offre une sélection de sa
production, est bien reçu. En novembre paraît Le
Corbeau et autres poèmes. Edgar Poe, arrivé à New York en avril 1844,
est au faîte de la célébrité. D'abord collaborateur du Broadway Journal, il en était devenu rédacteur en chef en
juillet 1845 et seul propriétaire (grâce à un emprunt) en octobre. Dans ce
modeste hebdomadaire, il fournit un travail écrasant.
Quand le Broadway Journal fait faillite, en janvier
1846, sa vie prend un tour plus sombre et plus exalté. Dès janvier 1842,
Virginie, sa jeune femme, d'une grande beauté et excellente musicienne, s'était
rompu un vaisseau sanguin alors qu'elle chantait. On la crut perdue. Elle se
remit partiellement, connaissant régulièrement de semblables accidents, jusqu'à
sa mort, en janvier 1847. Durant cette période où "l'horreur de
l'incessante oscillation entre espoir et désespoir" l'éprouve cruellement,
il lui arrive de boire.
Edgar Poe est
maintenant à Fordham, dans la banlieue de New York, où la famille s'était
installée, en mai 1846, dans un petit cottage. Il a été malade, déprimé, mais
rassure un ami: "La vérité est que j'ai beaucoup à faire; j'ai décidé de
ne pas mourir avant que ce soit fait."
Edgar Poe éprouva un
attachement profond tant pour sa mère nourricière d'abord, la belle et dolente
Frances Allan, que pour sa tante ensuite, la très pratique et très dévouée
Maria Clemm. Et toujours il idéalisa la femme. Mais seule comptera la passion impossible
que lui inspirera, de juillet 1848 à sa mort, la jeune femme d'un industriel du
Massachusetts, Mrs. Annie Richmond.
Sa santé se détériore,
mais cette flambée affective suscite, chez le poète, une seconde gerbe de
lyrisme: Ulalume avait été écrit en
décembre 1847, Pour Annie l'est en mars
1849, Annabel Lee en juin. Le même mois,
il part pour le Sud avec à nouveau la vieille idée de financer un projet de
grande revue littéraire. Il semble faire avec Richmond d'heureuses
retrouvailles. Le 24 septembre, il remonte vers le Nord. Le 3 octobre, on le
retrouve dans un état d'hébétude et d'extrême abandon dans une taverne de
Baltimore utilisée comme bureau de vote en ce jour d'élection. Transporté à
l'hôpital, il y meurt le 7 octobre.
R. W. Griswold, chargé
de la publication des Oeuvres (1850),
ira jusqu'au faux pour imposer un Mémoire
haineux qui établira pour longtemps la mauvaise réputation d'un écrivain qui,
en fait, connut la vie d'un lutteur intellectuel et eut quelques amis fidèles.
Il unissait à une immense fierté une grande dépendance affective et fut parfois
tenté de sortir d'impasses personnelles par l'esclandre ou un verre d'alcool.
L'oeuvre d'Edgar Poe
est marquée par une focalisation paradoxale sur une unité aussi inévitable
qu'insaisissable.
C'est la France qui a
fait sa réputation. La première timide adaptation française (de William Wilson) date de 1844. D'autres
suivirent. En 1846, le nom d'Edgar Poe circulait à Paris. Le 15 juillet 1848,
Charles Baudelaire inaugure avec Révélation
magnétique un travail de traduction qui s'étendra sur dix-sept ans.
Stéphane Mallarmé, puis Paul Valéry achèveront de consacrer son génie. Plus
récemment, un de ses contes policiers a pu servir de champ clos à Jacques Lacan
et à Jacques Derrida. Edgar Poe est un auteur à double public, populaire et
intellectuel. Aux États-Unis, il est classé parmi les écrivains du Sud; il
partage avec ceux d'après la guerre de Sécession jusqu'à William Faulkner et
peut-être Flannery O'Connor le sentiment d'une immense perte subie dans les
temps originels. C'est depuis les années 1970 seulement que la critique
américaine le classe parmi les écrivains majeurs.
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