Cancer et cannabis
Le cannabis pourrait faire son entrée dans
l’arsenal des soins de support en cancérologie si les résultats d’une étude
canadienne se confirment. L’un des composés de cette plante semble, en effet,
redonner du goût et de l’odorat aux patients en chimiothérapie.
On
l’appelle communément le THC, un acronyme plus facile à prononcer que le nom
complet : delta-9-tetrahydrocannabinol.
C’est
l’un des 60 principes actifs présents dans la plante de cannabis et les
médecins le connaissent depuis longtemps. Il a été testé en cancérologie pour
prévenir les vomissements, mais il n’a pas convaincu en tant qu’antiémétique.
Il a été
aussi largement étudié par les centres antidouleur mais, aujourd’hui, il
revient dans une nouvelle indication à l’occasion d’un essai clinique canadien.
Le THC a
été évalué face à un placebo chez des patients en chimiothérapie, atteints de
cancers avancés, et qui souffraient de troubles du goût et de l’odorat, des
atteintes dites ‘chimiosensorielles’.
Le but
de ce travail mené dans deux hôpitaux canadiens et publié dans la revue Annals of Oncology était de
démontrer qu’avec le THC, les patients retrouvaient de l’appétit, augmentaient
leur prise calorique et retrouvaient une certaine qualité de vie.
Les
patients étaient soumis à un questionnaire pour évaluer, en 14 items, leurs
troubles, comme leur perception de l’amer ou de l’aigre.
Une fois
inclus dans l’étude ils recevaient soit du THC sous forme de dronabinol à 2,5mg
par gélule, soit un placebo.
Les
patients pouvaient prendre deux gélules par jour, une avant chaque repas, mais
pouvaient monter jusqu’à huit gélules par jour.
Des 111
patients éligibles pour l’étude de phase 2, 21 ont été finalement évalués, 11
dans le groupe THC et 10 dans le groupe placebo.
L’analyse
de cette enquête apporte plusieurs enseignements particulièrement intéressants,
même si cet échantillon est très faible.
Globalement,
le taux de plaintes pour troubles sensoriels n’a pas été différent entre les
deux groupes.
Mais, en
revanche, l’amélioration a été évidente dans le groupe THC quand on a évalué
les progrès en matière d’odorat et de goût. «Mon goût a changé» ou «mon odorat
a changé» étaient plus fréquemment constatés dans le groupe THC (36 %) que dans
le groupe placebo (15%).
La
majorité des patients du groupe THC (73 %) ont globalement mieux apprécié la
nourriture que le groupe placebo (30%). Plus de la moitié du groupe THC, 55 %
ont trouvé que la nourriture avait meilleur goût alors que ce sentiment n’était
reconnu que chez seulement un patient sur dix du groupe placebo.
Et la
moitié des patients sous THC ont décrit la disparition de sensation d’odeurs
déplaisantes qu’ils éprouvaient face à la nourriture au début de l’étude.
Pouvoir
faire le tri entre les différents goûts et odeurs était redevenu possible chez
73 % du groupe traité alors que dans le groupe placebo, 60 % n’ont noté aucun
changement et 20 ont ressenti une aggravation du phénomène.
Sept des
onze patients THC ont déclaré avoir eu meilleur appétit, un état non rencontré
dans le groupe placebo.
Mais ce
qui semble très intéressant c’est que le groupe sous THC a accru sa
consommation de protéines et son apport total de calories de façon non
négligeable par rapport au groupe placebo. C’est surtout sur l’envie et la
consommation de viande qu’ont porté les changements.
L’apport
protéique permet de combler la fonte musculaire et aide à la restauration des
défenses immunitaires.
Enfin,
en termes de qualité de vie, le groupe THC a décrit une nette amélioration de
la qualité de sommeil et de relaxation. Il n’y avait pas de différence, en
revanche, dans la lutte contre les nausées.
Les
effets secondaires et les incidents ont été peu nombreux et aucun effet grave
n’a été constaté.
Parmi
les effets indésirables constatés dans le groupe THC, il y avait des
palpitations cardiaques, des troubles de l’équilibre, des vertiges, des membres
lourds, et des douleurs abdominales.
Comme
signalé plus haut, les effectifs de cette étude sont très faibles, 21 patients.
Il faut donc ne pas tirer de conclusions définitives de ces résultats.
Mais on
peut déjà constater que la prise de THC a eu des effets bénéfiques sur la prise
alimentaire, la quantité de calories absorbées, l’augmentation de l’apport
protéique.
C’est
donc une piste très intéressante à explorer tant l’enjeu nutritionnel est
important dans la prise en charge des patients atteints de formes avancées.
L’impact
sur la qualité du sommeil et sur la relaxation mérite également d’être
souligné.
Mais, en
France, l’usage du dronabinol (Marinol®) reste interdit sauf dans le
cadre d’ATU, c’est-à-dire d’autorisations temporaires d’utilisation. Il s’agit
d’autorisations délivrées au cas par cas et même au compte-gouttes.
Cela
devrait compliquer la tâche des équipes qui souhaiteraient éventuellement se
lancer dans une évaluation à grande échelle.
Référence de l’étude :
T. D. Brisbois et al.
Delta-9-tetrahydrocannabinol may
palliate altered chemosensory perception in cancer patients: results of 5 a
randomized, double-blind, placebo-controlled pilot
trial
Annals of Oncology. doi:10.1093/annonc/mdq727
Source docteurjd.com (blog santé de jd flaysakier)
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