L'ineptie des Occidentaux pousse l'Ukraine vers le chaos
C'est la diplomatie occidentale inculte et
superficielle qui exacerbe la situation très tendue en Ukraine. Pis, elle met
la Russie sur la défensive, avec des conséquences imprévisibles, affirme un
chroniqueur britannique.
Il se dit
que les gouvernements occidentaux ont été pris au dépourvu par la vitesse des
événements en Ukraine. Cela n'a rien d'étonnant. La surprise des responsables
occidentaux et de leurs observateurs face, en particulier, à la rapide
évolution du conflit en Crimée est l'illustration de leur inculture
géopolitique et de la superficialité de la diplomatie occidentale moderne.
Quiconque a une connaissance minime de l'histoire et de la position
géopolitique de la Russie peut comprendre que ce qui se passe en Crimée a tout
autant d'importance pour Moscou que les événements dans des villes russes comme
Rostov ou Volgograd.
Difficile
d'en vouloir à qui suit les médias occidentaux de considérer la Russie comme
une puissance tentaculaire, agressive et expansionniste, prête à la moindre
occasion à partir à la reconquête des pays voisins. Pourtant, en réalité, et en
dépit des poses nationalistes que prend à l'occasion Vladimir Poutine, la
Russie est devenue une puissance du statu quo, sur la défensive. Depuis
l'éclatement de l'Union soviétique, elle voit son pouvoir et son influence
reculer. Elle peine à garder une emprise sur le Caucase et se trouve confrontée
à un mouvement islamiste bien plus redoutable qu'aucun de ceux qui défient
directement les sociétés occidentales. A l'Ouest, la Russie se sent menacée par
la pression politique et culturelle qu'exerce l'Europe. Dans un tel contexte,
on peut comprendre qu'une frange non négligeable des élites russes ait le
sentiment que c'est l'intégrité même de leur nation qui est en jeu.
- Les diplomates occidentaux semblent bien oublieux de leur propre implication dans la crise actuelle
La plus
grande réussite de la diplomatie occidentale en Ukraine, et en particulier de
la diplomatie de l'Union européenne, aura été de pousser un peu plus la Russie
sur la défensive. L'intervention de Moscou en Crimée s'explique au moins en
partie comme une réaction à ce que les Russes considèrent comme une ingérence
étrangère systématique en Ukraine. Les ONG et les gouvernements occidentaux ne
cessent de dénoncer l'intrusion russe dans les affaires ukrainiennes – pourtant
la Russie est loin d'être le seul intrus dans ce pays. L'Union européenne et
les Etats-Unis ont affiché un soutien débordant au mouvement d'opposition à
Kiev. Bon nombre d'éminents responsables politiques occidentaux, dont le
ministre allemand des Affaires étrangères, se sont rendus dans la capitale
ukrainienne pour afficher leur solidarité avec les manifestants. Qu'est-ce
donc, sinon une intrusion dans les affaires ukrainiennes ? Imaginez Poutine
venant à Londres pour soutenir le mouvement Occupy ou les émeutiers : on serait
scandalisé devant une ingérence aussi grossière dans les affaires intérieures
d'un Etat souverain.
Les
diplomates occidentaux semblent bien oublieux de leur propre implication dans
la crise actuelle en Ukraine. Encourageant le mouvement d'opposition à abattre
le gouvernement Ianoukovitch, ils n'ont pas réfléchi un instant aux
conséquences d'un tel changement de régime pour les affaires intérieures tant
de l'Ukraine que de la Russie. Ils n'ont pas envisagé, en particulier, le
risque qu'un conflit politique dégénère en un conflit ethnique entre Ukraine
orientale et occidentale. Pas plus qu'ils n'ont considéré la possible
cristallisation d'un conflit politique intérieur à l'Ukraine en conflit
extérieur, entre la Russie et l'Ukraine.
Cette
intervention inepte des Occidentaux en Ukraine s'inscrit dans une série de
calamiteuses tentatives de renversement politique menées ces dernières années,
et dernièrement en Libye et en Syrie. Dans toutes ces opérations, l'intrusion
occidentale a eu à chaque fois pour conséquence d'internationaliser et
d'intensifier des conflits au départ relativement circonscrits, qui finissent
par menacer de déstabiliser des régions entières. Une chose est sûre cependant
: la Crimée n'est pas la Syrie, et la Russie est une puissance militaire sans
commune mesure avec la Libye de Kadhafi. Quiconque prétend donner des leçons à
la Russie doit le savoir : il joue avec le feu.
Dessin
Dessin d'Arend
Source Courrier International
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire