mercredi 5 mars 2014

Billets-L'ineptie des Occidentaux pousse l'Ukraine vers le chaos


L'ineptie des Occidentaux pousse l'Ukraine vers le chaos

C'est la diplomatie occidentale inculte et superficielle qui exacerbe la situation très tendue en Ukraine. Pis, elle met la Russie sur la défensive, avec des conséquences imprévisibles, affirme un chroniqueur britannique.

Il se dit que les gouvernements occidentaux ont été pris au dépourvu par la vitesse des événements en Ukraine. Cela n'a rien d'étonnant. La surprise des responsables occidentaux et de leurs observateurs face, en particulier, à la rapide évolution du conflit en Crimée est l'illustration de leur inculture géopolitique et de la superficialité de la diplomatie occidentale moderne. Quiconque a une connaissance minime de l'histoire et de la position géopolitique de la Russie peut comprendre que ce qui se passe en Crimée a tout autant d'importance pour Moscou que les événements dans des villes russes comme Rostov ou Volgograd.

Difficile d'en vouloir à qui suit les médias occidentaux de considérer la Russie comme une puissance tentaculaire, agressive et expansionniste, prête à la moindre occasion à partir à la reconquête des pays voisins. Pourtant, en réalité, et en dépit des poses nationalistes que prend à l'occasion Vladimir Poutine, la Russie est devenue une puissance du statu quo, sur la défensive. Depuis l'éclatement de l'Union soviétique, elle voit son pouvoir et son influence reculer. Elle peine à garder une emprise sur le Caucase et se trouve confrontée à un mouvement islamiste bien plus redoutable qu'aucun de ceux qui défient directement les sociétés occidentales. A l'Ouest, la Russie se sent menacée par la pression politique et culturelle qu'exerce l'Europe. Dans un tel contexte, on peut comprendre qu'une frange non négligeable des élites russes ait le sentiment que c'est l'intégrité même de leur nation qui est en jeu.

  • Les diplomates occidentaux semblent bien oublieux de leur propre implication dans la crise actuelle
La plus grande réussite de la diplomatie occidentale en Ukraine, et en particulier de la diplomatie de l'Union européenne, aura été de pousser un peu plus la Russie sur la défensive. L'intervention de Moscou en Crimée s'explique au moins en partie comme une réaction à ce que les Russes considèrent comme une ingérence étrangère systématique en Ukraine. Les ONG et les gouvernements occidentaux ne cessent de dénoncer l'intrusion russe dans les affaires ukrainiennes – pourtant la Russie est loin d'être le seul intrus dans ce pays. L'Union européenne et les Etats-Unis ont affiché un soutien débordant au mouvement d'opposition à Kiev. Bon nombre d'éminents responsables politiques occidentaux, dont le ministre allemand des Affaires étrangères, se sont rendus dans la capitale ukrainienne pour afficher leur solidarité avec les manifestants. Qu'est-ce donc, sinon une intrusion dans les affaires ukrainiennes ? Imaginez Poutine venant à Londres pour soutenir le mouvement Occupy ou les émeutiers : on serait scandalisé devant une ingérence aussi grossière dans les affaires intérieures d'un Etat souverain.

Les diplomates occidentaux semblent bien oublieux de leur propre implication dans la crise actuelle en Ukraine. Encourageant le mouvement d'opposition à abattre le gouvernement Ianoukovitch, ils n'ont pas réfléchi un instant aux conséquences d'un tel changement de régime pour les affaires intérieures tant de l'Ukraine que de la Russie. Ils n'ont pas envisagé, en particulier, le risque qu'un conflit politique dégénère en un conflit ethnique entre Ukraine orientale et occidentale. Pas plus qu'ils n'ont considéré la possible cristallisation d'un conflit politique intérieur à l'Ukraine en conflit extérieur, entre la Russie et l'Ukraine.

Cette intervention inepte des Occidentaux en Ukraine s'inscrit dans une série de calamiteuses tentatives de renversement politique menées ces dernières années, et dernièrement en Libye et en Syrie. Dans toutes ces opérations, l'intrusion occidentale a eu à chaque fois pour conséquence d'internationaliser et d'intensifier des conflits au départ relativement circonscrits, qui finissent par menacer de déstabiliser des régions entières. Une chose est sûre cependant : la Crimée n'est pas la Syrie, et la Russie est une puissance militaire sans commune mesure avec la Libye de Kadhafi. Quiconque prétend donner des leçons à la Russie doit le savoir : il joue avec le feu.

 Dessin Dessin d'Arend

Source Courrier International

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire