mardi 25 mars 2014

Billets-Le roman noir de François Hollande


Le roman noir de François Hollande

Succès du Front national ou échec politique de François Hollande ? Pour la presse européenne de droite comme de gauche, c'est la deuxième option. Même si les causes sont plus profondes et dépassent les frontières de l'Hexagone.

Les socialistes français ont voulu croire au roman à l'eau de rose. Ils se retrouvent en plein roman noir. C'est ce que proclame Il Manifesto à la une, en ce 25 mars. "Le sale roman noir", titre le quotidien de gauche italien : un Front national (FN) qui s'impose comme troisième force politique mettant fin à des décennies de bipolarisme policé, aucun maire socialiste d'une grande ville élu au premier tour, une Union pour un mouvement populaire (UMP) qui s'en sort malgré les scandales des derniers mois et un taux d'abstention qui frôle les 40 %.

L'échec est total pour François Hollande. "Sauf grosse surprise, les socialistes pourront encore faire mine de sauver la face avec [la probable victoire à] Paris mais la défaite de Marseille révèle l'ampleur du désastre", écrit l’éditorialiste du Manifesto. Selon le quotidien, les citoyens ont notamment sanctionné le virage social-libéral de François Hollande et son pacte de responsabilité qui favorise les entreprises au détriment des classes moyennes.

  • Des promesses perdues
Un avis partagé par cet ancien correspondant en France du quotidien suédois Aftonbladet. "Hollande est devenu une des victimes de l'impossible défi de civiliser le capitalisme pour obtenir plus de justice sociale", résume-t-il. 

Pour le quotidien italien ultraconservateur Il Foglio, le principal responsable du résultat de ce premier tour n'est autre que le président français et sa stratégie de compromis. "Il n'a pas su réformer la France, ni même raconter une histoire qui donne aux Français la certitude d'une vision, d'un parcours vers la croissance. Londres a choisi une austérité brutale, Berlin a misé sur le leadership de Merkel. Mais les promesses de François Hollande se sont perdues en pactes, contrats, petits pas, marches arrière, annonces, retraits, etc."

Même refrain dans les colonnes de La Vanguardia de Barcelone : "Hollande et le Parti socialiste (PS) s'attendaient à un vote sanction, mais pas à ce point. L'amplitude de la sanction est allée au-delà des attentes et ressemble à  une véritable censure de la politique menée par Françoise Hollande."

  • Les "raisins de la colère"
"Quel gâchis !" s'exclame la Süddeutsche Zeitung de Munich pour qui le gouvernement français ne fait que récolter les "raisins de la colère" de citoyens déçus par l'inactivité des années passées. "En 2012, les socialistes détenaient toutes les clés du pays. […] Tout était possible. Hollande a gaspillé une année et demie en cherchant à plaire à tout le monde. Résultat : un mécontentement général."

Sur le plan économique, pourtant, estime The Times de Londres, Hollande n'a pas totalement démérité. "Il est évident que l'économie française commence à rattraper son retard par rapport à des rivaux de la zone euro qui enregistrent une croissance rapide, notamment l'Allemagne. […] Quoi qu'il en soit, cela ne devrait pas dissuader Hollande de prendre des décisions plus radicales afin de stimuler la compétitivité."

  • L'erreur d'entretenir des tabous
Aussi, expliquer le triomphe du Front national par les seuls manquements des socialistes français serait une grave erreur. La situation s'observe au-delà des problématiques franco-françaises. "Des forces structurelles sont également à l'œuvre, que l'on peut comparer à des tendances qui se dessinent ailleurs en Europe. Dans les anciennes villes industrielles du Nord comme Roubaix et l'emblématique Hénin-Beaumont, le succès du FN a clairement une explication plus profonde", analyse De Morgen de Bruxelles. Dans les régions sinistrées par le chômage, l'ennemi ne s'incarne plus dans la figure du patron mais dans celle de l'économie mondialisée, sans visage, ou dans celle de l'étranger.

Le quotidien bruxellois De Standaard considère que c'est surtout le positionnement politique des deux principaux partis qui est en cause. "Les hommes politiques du PS et de l'UMP ont refusé de parler des sujets que le FN abordait, comme l'immigration et l'islam. Ils étaient tabous", explique Pascal Delwit, politologue à la Vrije Universiteit Brussel (Université libre néerlandophone de Bruxelles). A cause de ces interdits, beaucoup de sujets de préoccupation des électeurs ont été ignorés. Cela a donné la sensation à de nombreux Français que seule Marine Le Pen prenait leurs soucis au sérieux.

 Dessin de Clou
Source Courrier International

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