Le roman noir de François Hollande
Succès du Front national ou échec politique de
François Hollande ? Pour la presse européenne de droite comme de gauche, c'est
la deuxième option. Même si les causes sont plus profondes et dépassent les
frontières de l'Hexagone.
Les
socialistes français ont voulu croire au roman à l'eau de rose. Ils se
retrouvent en plein roman noir. C'est ce que proclame Il Manifesto à la une, en ce 25 mars. "Le sale roman
noir", titre le quotidien de gauche italien : un Front national (FN) qui
s'impose comme troisième force politique mettant fin à des décennies de
bipolarisme policé, aucun maire socialiste d'une grande ville élu au premier
tour, une Union pour un mouvement populaire (UMP) qui s'en sort malgré les
scandales des derniers mois et un taux d'abstention qui frôle les 40 %.
L'échec
est total pour François Hollande. "Sauf grosse surprise, les socialistes
pourront encore faire mine de sauver la face avec [la probable victoire à]
Paris mais la défaite de Marseille révèle l'ampleur du désastre", écrit
l’éditorialiste du Manifesto. Selon le
quotidien, les citoyens ont notamment sanctionné le virage social-libéral de
François Hollande et son pacte de responsabilité qui favorise les entreprises
au détriment des classes moyennes.
- Des promesses perdues
Un avis
partagé par cet ancien correspondant en France du quotidien suédois Aftonbladet. "Hollande est devenu une des
victimes de l'impossible défi de civiliser le capitalisme pour obtenir plus de
justice sociale", résume-t-il.
Pour le quotidien italien ultraconservateur Il Foglio, le principal responsable du
résultat de ce premier tour n'est autre que le président français et sa
stratégie de compromis. "Il n'a pas su réformer la France, ni même
raconter une histoire qui donne aux Français la certitude d'une vision, d'un
parcours vers la croissance. Londres a choisi une austérité brutale, Berlin a
misé sur le leadership de Merkel. Mais les promesses de François Hollande se
sont perdues en pactes, contrats, petits pas, marches arrière, annonces,
retraits, etc."
Même
refrain dans les colonnes de La Vanguardia de
Barcelone : "Hollande et le Parti socialiste (PS) s'attendaient à un vote
sanction, mais pas à ce point. L'amplitude de la sanction est allée au-delà des
attentes et ressemble à une véritable censure de la politique menée par
Françoise Hollande."
- Les "raisins de la colère"
"Quel
gâchis !" s'exclame la Süddeutsche Zeitung
de Munich pour qui le gouvernement français ne fait que récolter les
"raisins de la colère" de citoyens déçus par l'inactivité des années
passées. "En 2012, les socialistes détenaient toutes les clés du pays. […]
Tout était possible. Hollande a gaspillé une année et demie en cherchant à
plaire à tout le monde. Résultat : un mécontentement général."
Sur le plan économique, pourtant, estime The Times de
Londres, Hollande n'a pas totalement démérité. "Il est évident que
l'économie française commence à rattraper son retard par rapport à des rivaux
de la zone euro qui enregistrent une croissance rapide, notamment l'Allemagne.
[…] Quoi qu'il en soit, cela ne devrait pas dissuader Hollande de prendre des
décisions plus radicales afin de stimuler la compétitivité."
- L'erreur d'entretenir des tabous
Aussi,
expliquer le triomphe du Front national par les seuls manquements des
socialistes français serait une grave erreur. La situation s'observe au-delà
des problématiques franco-françaises. "Des forces structurelles sont
également à l'œuvre, que l'on peut comparer à des tendances qui se dessinent
ailleurs en Europe. Dans les anciennes villes industrielles du Nord comme
Roubaix et l'emblématique Hénin-Beaumont, le succès du FN a clairement une
explication plus profonde", analyse De
Morgen de Bruxelles. Dans les régions sinistrées par le chômage,
l'ennemi ne s'incarne plus dans la figure du patron mais dans celle de
l'économie mondialisée, sans visage, ou dans celle de l'étranger.
Le
quotidien bruxellois De Standaard
considère que c'est surtout le positionnement politique des deux principaux
partis qui est en cause. "Les hommes politiques du PS et de l'UMP ont
refusé de parler des sujets que le FN abordait, comme l'immigration et l'islam.
Ils étaient tabous", explique Pascal Delwit, politologue à la Vrije
Universiteit Brussel (Université libre néerlandophone de Bruxelles). A cause de
ces interdits, beaucoup de sujets de préoccupation des électeurs ont été
ignorés. Cela a donné la sensation à de nombreux Français que seule Marine Le
Pen prenait leurs soucis au sérieux.
Dessin de Clou
Source Courrier International
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