La France se ferme à l’économie-monde
Produire
et exporter le « made in France » : programme très populaire,
mais qui ne peut se réaliser que si les entreprises veulent rester ou
s’installer en France. Or, elles fuient l’enfer fiscal et réglementaire. A
l’étranger les impôts sur les sociétés sont beaucoup moins élevés qu’en France
et le cadre juridique est stable et attractif.
La
France voudrait à la fois fermer ses frontières aux produits étrangers et
exporter plus. Elle aimerait que ses multinationales se développent à
l’étranger, mais qu’elles payent toutes leurs impôts en France. Et constatant
que les grandes entreprises font surtout leurs profits au-delà de nos
frontières, la France les accuse d’optimisation fiscale confinant à la fraude.
Plutôt que de s’interroger sur les déficiences structurelles de l’économie
française qui ploie sous le poids de l’Etat, celui-ci pointe du doigt les
grandes entreprises étrangères pour en faire de faciles boucs émissaires.
Il ne
manque pas à cet égard du renfort de certaines ONG qui se sont associées pour
dénoncer l’évasion fiscale dans des paradis fiscaux, faisant l’amalgame entre
quelques entreprises au profil douteux et les grandes sociétés internationales
qui ont besoin d’être présentes partout dans le monde et s’organisent
légitimement au mieux pour optimiser leurs profits de façon à rémunérer les
capitaux mis a leur disposition et investir.
Elles
dénoncent des pays qui offrent des taux d’imposition faibles et stables :
le Luxembourg où les holdings bénéficient d’un régime de quasi exemption
inchangé depuis 25 ans et un taux d’imposition atténué à moins de 6% sur les
royalties, l’Irlande qui a maintenu contre vents et marées son taux réduit
d’imposition sur les bénéfices des sociétés à 12,5%, la Suisse, la Belgique ou
les Pays Bas qui ont des régimes spécifiques favorables conçus pour attirer,
selon les cas, les sociétés d’import/export, les centres de direction ou les
sociétés de gestion de marques. Chaque pays surmonte à sa façon ses handicaps,
son insularité excentrée pour l’Irlande, son coté lilliputien pour le
Luxembourg… Dans ces pays, les sociétés disposent de régimes d’imposition
pérennes, alors qu’en France le régime mère/fille des holdings ou les droits
d’enregistrement sur cession d’actions ont changé trois fois en moins de trois
ans…
- Ils quittent la France…
Plutôt
que de prendre en compte la concurrence des autres pays, la France multiplie
les taxes et les contraintes règlementaires et joue contre ses entreprises. Il
ne faut pas s’étonner que les banques aient déjà délocalisé des services
entiers, à Londres notamment,. Arnaud Montebourg les y a encouragées en disant
au Bourget le 5 septembre dernier qu’il était « fier que la BPI (Na,que
Publique d’Investissement) fasse une concurrence déloyale au secteur
bancaire ». Mais elles ne seront pas seules à partir. Les acteurs du
numérique poursuivis par les soupçons du fisc tirent aussi leur révérence.
Yahoo vient d’annoncer une réorganisation de ses activités en Europe pour
transférer l’essentiel de ses activités en Irlande.
- Les étrangers lancent des produits, la France lance des impôts
La
France n’a de politique qu’au travers du prisme de l’Etat, oubliant que sans
les entreprises il n’y a ni valeur ajoutée ni recettes publiques. Après que les
investissements directs étrangers en France aient chuté de 77% en 2013 et
pendant que le chômage reste en enfer, le remède n’est pas d’inventer de
nouvelles taxes McDo ou Google, mais plutôt de rendre notre pays attractif à
l’économie et particulièrement à l’économie numérique. A vouloir poursuivre de
sa vindicte les entreprises internationales, la France s’appauvrira plus
qu’elle ne s’enrichira. En Irlande le produit de l’impôt sur les bénéfices des
sociétés est le même qu’en France en pourcentage du Produit Intérieur Brut
(environ 2,5%) alors que le taux de l’impôt y est trois fois moindre, il est
supérieur (2,9%) au Royaume Uni et en Suisse alors que le taux y est inférieur
d’un tiers ! Et si la France pratiquait des taux d’impôt plus
raisonnables, elle aurait peut-être moins à craindre la fraude.
- La France a besoin d’un cadre institutionnel stimulant
La
France devrait plutôt favoriser la création de champions français et européens
du numérique en leur offrant un cadre légal protecteur. Elle pourrait permettre
à chaque utilisateur de leur céder l’usage de ses données personnelles en leur
interdisant, à défaut, de les utiliser. Ce serait autant de sécurité juridique
pour chacun, et de recettes fiscales éventuelles pour l’Etat grâce au produit
de cession de ces nouveaux droits de propriété intellectuelle. Il vaut toujours
mieux utiliser les mêmes concepts juridiques et fiscaux pour tous plutôt que de
vouloir ciseler la législation pour chacun, au risque de s’y perdre et de
susciter l’injustice. Ce dont la France a besoin ce n’est pas d’imaginer de
nouveaux moyens de combattre la fraude – elle en est déjà largement pourvue,
depuis la règlementation sur les prix de transfert jusqu’aux dispositions
contre les paradis fiscaux. Elle a besoin d’un environnement fiscal et
juridique capable de faire prospérer sur son territoire de nouveaux
entrepreneurs.
Source Institut de Recherches Économiques et Fiscales
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