La guerre des "Trolls"
Ces derniers jours, les sites des grands médias
polonais ont été envahis par les "trolls" russes proguerre, dans le
but de squatter l'espace réservé aux commentaires. Comment les reconnaître ?
"Les
commentaires écrits par les Russes sont différents de ceux envoyés par les
Polonais prorusses. Mais nous avons appris à les distinguer", affirme un
expert.
A la suite
de l'article de Newsweek Polska du 4
mars [voir encadré] consacré à des
cyberattaques russes contre Internet en Pologne, nous avons exprimé notre
inquiétude après avoir constaté un nombre non proportionnellement élevé de
commentaires prorusses suspects. De nombreuses personnes nous ont confirmé la
justesse de nos observations. A l'occasion, les spécialistes de la Toile ont
aussi réagi.
Michal
Fedorowicz de l'entreprise Apostolowie Opinii ["Apôtres de
l'opinion"], spécialisé dans le "nettoyage" de contenus haineux
dans les commentaires, a même affirmé que "l'inondation actuelle du web
par la haine est sans précédent. Elle est très bien organisée, développée et
cynique." "Il faut savoir qu'une opinion se construit et se
développe. Il ne s'agit pas du simple trolling,
mais d'une action réfléchie, qui a un plan et des objectifs", explique
Fedorowicz.
Il
explique que lui et ses collaborateurs ont découvert des différences entre une
action organisée par la Russie et les opinions prorusses de Polonais
ordinaires.
Premièrement,
ce qui les différencie, c'est la longueur des messages. Celui d'un hater polonais est très court, tout au plus
deux ou trois phrases simples. En revanche, un post en provenance de la Russie
est ample, avec des phrases complexes. Les propos ont un début, un
développement et une fin.
Le hater polonais est
concis et primitif
Deuxièmement,
le vocabulaire utilisé. Si le hater
polonais est primitif, les posts en provenance de la Russie sont intellectuels.
On peut en trouver des similaires en anglais, publiés dans les forums de la
chaîne d'information Russia Today. Les personnes qui les écrivent ont un savoir
historique, mais utilisent des expressions étrangères au langage courant sur le
web polonais. Elles font appel aux émotions, aux faits historiques et
politiques. Le plus souvent, ils ne sont pas insultants pour les lecteurs, mais
ont pour but de convertir le public.
Puis il y
a la cadence de la publication des messages. Sur certains forums, les posts de
la Russie sont publiés toutes les 10 ou 20 secondes, et pourtant ils
contiennent entre 10 et 20 phrases. Même en temps de grande crise, il n'est pas
possible de publier des textes aussi développés sans préparation.
Le hater polonais passe outre la grammaire, le
style et la ponctuation. Or le post russe a tout l'air d'être passé par un
correcteur automatique.
Puis il y
a des insultes. Le plus souvent, les Polonais utilisent le mot
"hitlérien" au lieu du "fasciste". Chez nous, le mot
"fasciste" est beaucoup moins expressif et moins insultant qu'à
l'Est.
Il reste
la question de la présence : il n'y a pas de posts russes sur les sites de
droite ou thématiques, mais uniquement sur les sites de grands portails
généralistes, comme Onet.pl, Gazeta.pl ou
Wp.pl.
Une cyber guerre russe
"C'est toujours le même scénario : dès la publication
d'articles sur l'Ukraine, les commentaires sont d'abord modérés, puis, comme
par enchantement, leur nombre augmente et ils deviennent pro russes, anti
ukrainiens et anti polonais, souvent vulgaires. Les trolls dominent la
discussion", explique Newsweek Polska dans son article du 4 mars. Le journal y voit la main de Moscou : environ 80 % de ces
messages seraient envoyés via de fausses adresses dans le monde entier... sauf
de Russie. Ce serait, selon un spécialiste du cyber terrorisme, un moyen pour
les hackers d'effacer leurs traces. La Russie possède l'une de plus grandes
armées de hackers au monde, explique Newsweek Polska.
Source Courrier International
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