Maladie de Parkinson
L’information santé à destination du grand
public pose parfois de sérieux dilemmes, surtout quand elle ne s’accompagne que
d’un simple effet de communication, sans aucune dimension critique du matériel
fourni.
Un travail récent et très intéressant sur la
maladie de Parkinson en est une bonne illustration.
Les radios ont lancé
l’information dès potron-minet : une ‘première mondiale et un espoir dans le
traitement de la maladie de Parkinson’.
C’est une étude
franco-britannique, publiée dans la revue ‘The Lancet’ qui était ainsi mise en valeur.
Cette étude a fait
l’objet d’une conférence de presse de l’INSERM avec présence du Pr Stéphane
Palfi, neurochirurgien au CHU Henri Mondor, de Créteil.
On a pu ainsi entendre
le médecin parler de l’amélioration des troubles moteurs constatée chez les
patients traités dans cet essai et annoncer la possible généralisation de la
méthode à l’horizon 2020.
On imagine donc
l’espoir qu’une telle nouvelle peut susciter chez les dizaines de milliers de
patients concernés.
Il
est, cependant, bien trop tôt pour crier victoire et il eût été avisé d’avoir
un traitement plus mesuré de l’information.
Voici
pourquoi :
L’étude est
incontestablement un beau travail qui repose sur la thérapie génique. Les
chercheurs ont utilisé un ‘lentivirus’, c’est-à-dire un virus de la famille du
VIH, mais celui de l’étude est d’origine équine.
A l’intérieur de ce
virus, ils ont inséré trois gènes. Ces gènes commandent la synthèse de trois
protéines, des enzymes, impliquées dans la synthèse d’un neurotransmetteur, la
dopamine. Dans la MP, la dopamine n’est plus fabriquée en quantité suffisante par
les cellules spécialisées du cerveau.
L’absence de dopamine
entraine des troubles moteurs, des mouvements anormaux, des tremblements. Avec
le temps, apparaissent des troubles de l’humeur, des troubles cognitifs et du
comportement.
Si les traitements
chargés de pallier la carence en dopamine agissent sur les phénomènes moteurs,
ils n’ont pas d’effets réels sur les aitres signes.
L’équipe
franco-britannique a donc injecté de chaque côté du cerveau, dans une zone
appelée le striatum, le vecteur viral et sa précieuse cargaison au cours d’une
intervention chirurgicale.
L’étude était dite
‘ouverte’, ce qui signifie que les investigateurs savaient exactement ce que
recevaient les patients et ce travail s’est fait sans groupe placebo ou groupe
contrôle ne recevant que des médicaments.
L’étude devait mesurer
la faisabilité de l’intervention, voir quelle était la dose efficace et
recenser les effets secondaires.
Elle devait aussi
évaluer la réponse motrice à six mois après l’intervention.
Il y avait seulement
15 patients dans l’étude, trois recevant une dose faible de virus, six une dose
moyenne et six enfin une dose élevée.
Dans sa construction,
un tel essai est dit de phase I ou I/II.
Le but est de montrer la preuve du concept (proof of
concept) de faire une escalade de doses pour trouver le titrage optimum
et voir si rien ne contrarie le passage à une étape plus vaste.
En aucun cas on ne
peut, à partir d’une population aussi faible et dans un essai où patients et
investigateurs savent exactement quel est le produit reçu, à une efficacité
thérapeutique.
Le design de l’étude
n’est pas prévu pour cela et le faible nombre de patients limite fortement la
validité statistique.
De plus, noter sur une
échelle l’évolution des symptômes quand on sait exactement ce qu’a reçu le
patient peut conduire à une surestimation de l’effet, entrainant ainsi un biais
dans l’analyse.
L’accent mis par
l’INSERM et le chirurgien dans l’analyse des effets moteurs du traitement,
répercuté ainsi par les médias est donc très problématique. D’autant que, comme
le souligne Jon Stoessel, spécialiste de la maladie dans un éditorial
accompagnant l’étude, il peut
s’agir d’un effet placebo.
Le commentateur
souligne aussi le fait que l’essai ‘ouvert’, et non en double aveugle,
complique beaucoup l’interprétation des résultats.
Ce travail montre donc
que l’administration de la thérapie génique par une intervention chirurgicale
est faisable.
Il montre que les
effets secondaires restent globalement peu sévères et bien supportés.
On constate que plus
la dose injectée est élevée plus la réponse motrice est intense.
Mais ce sont là les
seuls résultats vraiment indiscutables et qui ne prêtent pas à discussion.
Le reste, et notamment
les informations concernant la qualité de vie des patient et les modifications
sur la motricité ne peuvent être pleinement appréciés dans une étude ainsi
construite.
La seule façon sera de
conduire un essai dit de phase III, incluant non pas 15, mais des centaines de
patients, dont un groupe ne recevra pas la thérapie génique.
C’est seulement à la
conclusion de cet essai que des enseignements définitifs pourront être retirés
et voir si les données préliminaires se confirment.
D’autre part, les
troubles moteurs ne sont pas la seule composante de la MP et la dopamine,
fût-elle secrétée en grande quantité, ne joue pas sur les troubles cognitifs et
de comportement qui compliquent la vie des patients dans les formes avancées.
Rien ne dit qu’un
enfant qui marche tout seul à huit mois sera pour autant recordman du monde du
100 m à vingt ans.
La sagesse voudrait
qu’on se limite à faire dire aux études seulement ce qu’on peut en tirer à
partir des objectifs qu’on a fixés.
Face à une pathologie
qui touche des dizaines de milliers de personnes et qui en handicape un certain
nombre sévèrement, susciter des espoirs pas foncièrement encore fondés n’est
pas le meilleur service à rendre.
De la même façon, il
serait peut-être utile qu’on puisse enseigner dans les écoles de journalisme un
petit module sur les diverses phases d’évaluation d’un médicament ou d’autres
formes thérapeutiques.
Cela éviterait
peut-être certains emballements qui peuvent être bénéfiques pour les
chercheurs, pour les sociétés qui financent les études, mais pas forcément pour
les patients.
Référence de l’étude et de l’éditorial:
Stéphane Palfi et al.
Long-term safety and tolerability of ProSavin, a
lentiviral vector-based gene therapy for Parkinson’s disease: a dose
escalation, open-label, phase 1/2 trial
The Lancet. Published Online
January 10, 2014
A Jon Stoessl
Gene therapy for Parkinson’s disease: a step
closer?
The Lancet. Published Online
January 10, 2014
Le communiqué de Oxford
BioMedica, société de biotechnologie qui a financé l’étude
NB :Le cours de l’action a progressé de 15,5¨ce 10/01/2014
après publication des résultats dans The Lancet
Source docteurjd.com (blog santé de jd flaysakier)
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