Cavanna
Qu'est-ce qu'il nous a fait rire, Cavanna.
Notre
vieux Cavanna. Nous sommes quelques-uns à lui devoir beaucoup. Il n'y avait pas
moins journaliste que lui et il était un journaliste parmi les plus grands. Il
a fondé un journal qui a été plus qu'un journal, qui a été un genre: «Hara
Kiri». Là-dessus, il en a fondé un autre, qui fut d'abord «Hara Kiri hebdo»,
s'ajoutant au mensuel, puis qui fut «Charlie-Hebdo» après que la censure, qui
poursuivit Cavanna longtemps, le contraignit à en changer le nom. Et il y eut
aussi un genre «Charlie-Hebdo».
Cavanna
était un Rital. Enfant d'un immigré, vous savez, un de ces mômes qui font si
peur parce qu'ils mettent en péril la race française, polluent son beau parler
et bousculent sa douceur de vivre. Après avoir créé les deux journaux, il
publia un livre, «Les Ritals», et les Français découvrirent alors qu'il était
aussi, en plus d'être le patron de deux journaux de voyous, un écrivain de
premier ordre, qui les connaissait, la grammaire et la syntaxe, et qui
maîtrisait l'usage des mots. Quelle surprise, n'est-ce pas, il n'était pas allé
dans les universités, il se proclamait «bête et
méchant», il ne reculait pas devant le mauvais goût, pourvu qu'il eût sa
saveur, et voilà qu'apparaissait le Cavanna tendre, le Cavanna courage, de
courage il en a toujours débordé.
Il a eu 90 ans. En route, arrivée dans quelques jours, pour
les 91 mais les fémurs en ont décidé autrement. Et Parkinson. Parkinson, il le
raconte dans son dernier livre, «Lune
de miel», et il sait que cette rémission est la
dernière. Les fémurs, entre deux cassages, lui ont laissé un répit pour
publier, c'était il y a quelques semaines, le recueil «La
gloire de Hara Kiri», cette gloire qui était la
sienne et qui était d'avoir ouvert les pages de son journal à ce qui s'est fait
de mieux, pendant un quart de siècle, en matière de dessinateurs et de dessins.
Qu'est-ce
qu'il nous a fait rire, Cavanna. En voilà un qui n'aura pas laissé l'humour, en
partant, dans l'état où il l'avait trouvé en arrivant. Il avait enterré Choron.
Il avait enterré Fournier, il avait enterré Reiser, il avait enterré Gébé.
Enterré Fred et Topor. Il ne nous aura pas enterrés tous. Dommage. C'est lui
qui se serait farci les nécros.
Source nouvelobs.com (par Delfeil de Ton)
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