jeudi 30 janvier 2014

Billets-Cavanna


Cavanna

Qu'est-ce qu'il nous a fait rire, Cavanna.
Notre vieux Cavanna. Nous sommes quelques-uns à lui devoir beaucoup. Il n'y avait pas moins journaliste que lui et il était un journaliste parmi les plus grands. Il a fondé un journal qui a été plus qu'un journal, qui a été un genre: «Hara Kiri». Là-dessus, il en a fondé un autre, qui fut d'abord «Hara Kiri hebdo», s'ajoutant au mensuel, puis qui fut «Charlie-Hebdo» après que la censure, qui poursuivit Cavanna longtemps, le contraignit à en changer le nom. Et il y eut aussi un genre «Charlie-Hebdo».
Cavanna était un Rital. Enfant d'un immigré, vous savez, un de ces mômes qui font si peur parce qu'ils mettent en péril la race française, polluent son beau parler et bousculent sa douceur de vivre. Après avoir créé les deux journaux, il publia un livre, «Les Ritals», et les Français découvrirent alors qu'il était aussi, en plus d'être le patron de deux journaux de voyous, un écrivain de premier ordre, qui les connaissait, la grammaire et la syntaxe, et qui maîtrisait l'usage des mots. Quelle surprise, n'est-ce pas, il n'était pas allé dans les universités, il se proclamait «bête et méchant», il ne reculait pas devant le mauvais goût, pourvu qu'il eût sa saveur, et voilà qu'apparaissait le Cavanna tendre, le Cavanna courage, de courage il en a toujours débordé.

Il a eu 90 ans. En route, arrivée dans quelques jours, pour les 91 mais les fémurs en ont décidé autrement. Et Parkinson. Parkinson, il le raconte dans son dernier livre, «Lune de miel», et il sait que cette rémission est la dernière. Les fémurs, entre deux cassages, lui ont laissé un répit pour publier, c'était il y a quelques semaines, le recueil «La gloire de Hara Kiri», cette gloire qui était la sienne et qui était d'avoir ouvert les pages de son journal à ce qui s'est fait de mieux, pendant un quart de siècle, en matière de dessinateurs et de dessins.

Qu'est-ce qu'il nous a fait rire, Cavanna. En voilà un qui n'aura pas laissé l'humour, en partant, dans l'état où il l'avait trouvé en arrivant. Il avait enterré Choron. Il avait enterré Fournier, il avait enterré Reiser, il avait enterré Gébé. Enterré Fred et Topor. Il ne nous aura pas enterrés tous. Dommage. C'est lui qui se serait farci les nécros.





Source nouvelobs.com (par Delfeil de Ton)

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