Bras de fer Valls-Dieudonné
Pour la presse européenne, l'interdiction par
le Conseil d'Etat du spectacle de l'humoriste jeudi soir à Nantes est l'issue
d'un bras de fer "grotesque", ou du moins maladroit, qui contribue à
donner un peu plus de poids à un comique "de la pire espèce".
Tous les quotidiens européens rapportent le résultat du
match entre le ministre de l'Intérieur et l'humoriste. "Valls 2, Dieudonné
1", titre le quotidien espagnol El
Mundo, qui parle de "victoire
décisive" pour Manuel Valls. Pour les fans de Dieudonné, poursuit le
journal, cette décision de justice est "contraire à la liberté
d’expression et divise la France".
"Pour le gouvernement socialiste, écrit El País, le triomphe
de Valls contre ce qu'il nomme 'la mécanique de la haine' a tout d’une victoire
à la Pyrrhus. Pour le populaire Dieudonné, cette affaire représente une
publicité extraordinaire." Le correspondant du quotidien madrilène
explique que la "croisade" de Manuel Valls contre l’inventeur de la
"quenelle" est une offensive électoraliste du gouvernement
socialiste, qui tente de contenir l’avancée du Front national en vue des
municipales de mars prochain et des élections européennes de mai.
Soutenue
par le président Hollande, le chef de l’opposition Jean-François Copé, les
institutions juives de France et le Parti socialiste, l’interdiction a suscité
les critiques de la Ligue des droits de l’homme et de certains intellectuels
français, précise El País. "C’est
la première fois depuis la guerre d’Algérie qu’une telle affaire se produit. Et
pendant ce temps, presque personne [en France] ne parle des impôts, du chômage,
de l’Europe et de la crise", conclut le correspondant.
Pour le quotidien de droite ABC, le scandale
révèle en partie le mauvais fonctionnement de l’Etat
français qui gère mal sa fiscalité et "titube" face aux provocations
d’un "comique de la pire espèce". Le journaliste espagnol rappelle
les multiples condamnations de Dieudonné pour incitation à la haine raciale et
le montant de ses amendes jamais payées à l’administration fiscale.
Bras de fer grotesque
En Allemagne, la Frankfurter
Allgemeine Zeitung (FAZ), parle du “bras de
fer grotesque entre un ministre de l’Intérieur et un humoriste”. Comme nombre
de ses confrères européens, le quotidien de Francfort souligne que
“l’interdiction du spectacle à l’initiative d’un gouvernement de gauche fait
encore plus de Dieudonné un martyr”. Et d’ajouter : “La bataille contre son
programme et ses manigances délirantes ne sera gagnée que lorsqu’il pourra se
produire librement et que personne ne se rendra à ses spectacles."
A Rome, La
Repubblica – qui a envoyé jeudi soir [le 9
janvier] un journaliste devant les portes du Zénith de Nantes où aurait dû se
tenir le spectacle de Dieudonné – souligne le côté rocambolesque de l’affaire
et la maladresse de la décision finale : “L’Etat [français] a été contraint à
une pirouette improbable, avec des magistrats qui se contredisent d’une ville à
l’autre, d’une heure à l’autre. D’abord, un feu vert au spectacle au nom du
sacro-saint principe de la liberté d’expression. Puis un brusque arrêt pour
interdire le spectacle de l’humoriste antisémite, au moment où son public est
en train de faire la queue [à l’entrée du Zénith de Nantes], 5 600 billets
ayant été vendus, dont 1 000 le dernier jour de la location.”
Enfin, au Royaume-Uni, les quotidiens – qui avaient
beaucoup écrit sur la “quenelle” faite fin décembre par le footballeur Anelka
sur une pelouse de Londres – se contentent de rapporter de façon très factuelle
l’interdiction du spectacle à Nantes. Ils font la part belle à une autre
affaire très française : les révélations par le magazine people Closer d’une
liaison supposée entre le président français et l’actrice Julie Gayet. The Daily Telegraph se demande : “La situation de François Hollande pourrait-elle être pire
?"
Dessin
de Sondron
Source Courrier International
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire