Daft Punk vs culture subventionnée
Dimanche était un
grand jour pour deux musiciens français, les Daft Punk. Nommés dans cinq
catégories aux Grammy Awards –
l’équivalent des Oscars de la
musique – pour leur dernier album Random
Access Memories, ils on raflé tous les prix, couronnant ainsi une
carrière lancée voici une vingtaine d’années. Le lendemain matin, au
réveil, un concert de louanges accueillait les deux membres du
groupe, Guy-Manuel de Homem-Christo et Thomas Bangalter, tous deux membres
actifs du mouvement de la French Touch,
la branche française de la house music.
Désormais mondialement connus, adulés par des fans toujours plus nombreux,
séduits par leurs créativité musicale, les Daft Punk se sont aussi lancés dans
la production et ont révélé voici quelques années Kavinsky
dont la musique a été popularisée par le film de Nicolas Winding Refn, Drive en 2011.
Dès lors, parmi les
hommages rendus dans la foulée de ce triomphe aux Grammy Awards, on note celui
de la ministre de la culture Aurélie Filippetti, qui vante le mérite des deux
hommes. Après les félicitations d’usage, elle a ajouté le commentaire : « Thomas Bangalter et Guy-Manuel de
Homem-Christo sont les fers de lance de la French touch appréciée du monde
entier. Daft Punk incarne l’essor de la musique électronique à la
française. »
Oui mais voilà. Pour
le public et les observateurs attentifs, Daft Punk constitue l’antithèse de la
culture prônée par la gardienne de l’exception culturelle française. Je
m’explique. Produits à leurs débuts par des petits labels, Daft Punk reste
aussi un symbole de la musique indépendante, bien loin de la culture
subventionné dont on cherche à nous abreuver en permanence. Le label et les
producteurs qui ont lancé le groupe ont pris un risque qui aurait très bien pu
s’avérer perdant. Au lieu de cela, le public, les critiques, qui ont jugé
l’œuvre, ont décidé – sans pression aucune – que cette musique devait
exister. On appelle cela la loi du marché, parfois cruelle.
Il est d’ailleurs
étrange que Mme Filippetti se réjouisse de ce succès tant elle essaie de
contrecarrer la propagation de nouvelles œuvres que ce soit en prolongeant
l’existence de l’HADOPI, cette agence qui est supposée lutter contre le piratage
de contenus à caractère culturel, ou en restreignant l’offre proposée
par le site de vente en ligne Amazon, accusé de faire de la concurrence
déloyale aux libraires traditionnels. Il serait utile de rappeler au ministère
que les subventions au cinéma, à la presse ou encore au spectacle vivant sont
loin de favoriser l’émergence de talents nouveaux : au contraire, ils
maintiennent sous perfusion des secteurs moribonds, les empêchant de produire
une mutation nécessaire.
Au-delà de l’aspect
financier, nos ministres de la culture successifs devraient finir par
comprendre, que par le passé, sans leur aide et leurs lois compliquées, la
France a abrité – et continue à le faire d’ailleurs – une culture riche et
diversifiée, reconnue partout dans le monde. Une preuve s’il en est besoin que
la culture par l’État n’aura jamais l’éclat et la renommée de celle promue par
des milliers d’individus libres.
Source contrepoints.org
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