lundi 20 janvier 2014

Billets-Entretien avec Jean-Marie Charon


Entretien avec Jean-Marie Charon

Pour le sociologue Jean-Marie Charon, les hommes politiques, à force de se mettre en scène dans les médias, sont devenus des people comme les autres.
Sociologue des médias au CNRS, Jean-Marie Charon décrypte la publication dans Closer, du vendredi 10 janvier 2014, de photos volées du président de la République.

C'est la première fois que la presse française publie des photos volées du président de la République censées illustrer une liaison extra-conjugale. Un nouveau cap vient d'être franchi ?
Oui et non. C'est vrai dans le sens où la publication de ces photos n'a a priori pas été l'objet d'un arrangement entre l'Elysée et le magazine. Mais si l'on se place du point de vue du public, c'est faux. Quand, fin 1994, le lecteur voit dans Paris Match des clichés qui révèlent l'existence de la fille cachée de François Mitterrand, il découvre une partie de la vie privée du président. Pour la première fois en France, un journal brisait le tabou de la vie privée en France. C'est plusieurs mois après que l'on apprendra que tout avait été orchestré par l'entourage du chef de l'Etat, Roland Dumas en tête.

La loi française protège la vie privée, mais là, le traitement est à l'anglo-saxonne. C'est une tendance de fond ?
D'une manière générale, le traitement, parfois extrême, de la presse britannique a mis en lumière la connivence entre les médias français et les hommes politiques. Un arrière-goût de monarchie. Aujourd'hui, la sensibilité du public français s'est rapprochée de celle des anglo-saxons. C'est un peu la fin de l'exception culturelle française dans la presse.

Les hommes politiques sont devenus des people comme les autres ?
Absolument. Le fait que ça tombe sur le président en exercice est politiquement fort. Le président normal est devenu un people normal (sourire). Tout a été progressif. Depuis l'épisode Mazarine, il y a aussi eu l'affaire Strauss-Kahn, où beaucoup d'éléments relevant de la sphère privée ont été mises sur la place publique. Pendant son quinquennat, Nicolas Sarkozy a aussi beaucoup mis en scène sa vie privée. Et François Hollande, qui se présente pourtant comme un « président normal », joue le même jeu. Il surexpose son couple, la place de sa compagne à l'Elysée a même fait l'objet d'un débat public. A partir du moment où les hommes politiques usent et absusent de la communication, il ne faut pas s'étonner du retour de bâton. Chacun d'entre eux est à mes yeux responsable de la manière dont la presse parle de leur vie privée.


Propos recueillis par Richard Sénéjoux (Télérama)

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