Deux phrases de
membres du gouvernement ont retenu mon attention, depuis quelques
semaines, parmi le brouhaha médiatique que nous avons traversé.
La première est
l’œuvre de Manuel Valls, et a été prononcée au début du mois de décembre alors
que le ministre de l’intérieur annonçait vouloir lutter contre le recrutement
par internet de jeunes djihadistes à destination de la Syrie notamment. Il
proclamait alors1 : « Nous devons neutraliser le cyberespace et sur
ce point, les Américains posent un problème à cause de leur premier amendement
qui défend la liberté d’expression »2. Mais il semblerait
que cette phrase ne soit pas la première du genre de M. Valls puisque voici
environ un an, à propos de la teneur de certains messages publiés sur Twitter, le
locataire de la place Beauvau avait déclaré regretter la « segmentation des régimes juridiques [qui] procure une certaine impunité » de
leurs auteurs. Avant d’ajouter : « L’Europe
doit s’imposer et convaincre les États-Unis qu’il faut concilier liberté
d’expression et sécurité »3. Non content de
piétiner l’un des fondements de notre État de droit, notre zélé ministre
semble aussi vouloir imposer son point de vue aux autres pays du monde,
notamment aux États-Unis qui, il est vrai, ont sacralisé la liberté
d’expression.
Quant à la deuxième
sentence, elle est à mettre à l’actif de Najat Vallaud-Belkacem, collègue de
Manuel Valls et porte-parole du gouvernement. Au cours d’une conférence de
presse dans la journée de dimanche, on a pu l’entendre dire ceci : « C’est une bonne chose d’encadrer la liberté
d’expression pour éviter qu’elle ne porte atteinte à autrui »4. Encore une fois,
personne ne paraît choqué devant de telles déclarations, surtout quand elles
viennent d’un ministre de la république. On ne sera donc pas étonné, par la
suite, que certains pays se moquent de nos leçons de morale sur les droits de
l’homme – Chine et Russie en tête.
À la vue de
ces déclarations et à la lumière des offensives répétées de
l’exécutif contre la liberté d’expression5, l’inquiétude semble
s’installer tous les jours un peu plus dans les esprits. Quelle sera donc la
prochaine étape du gouvernement ? Jusqu’où cela peut-il aller ?
Alors que la France
est pointée du doigt comme l’un des pays qui restreint le
plus cette liberté fondamentale, nous rappellerons que
voici presque trois ans, Reporters Sans
Frontières, estimait que notre pays était classé au même rang que
la Corée du Sud, la Libye ou encore la Russie dans le domaine. Sombre
présage qui semble se confirmer de jour en jour.
- Information relayée par le journal québécois La Presse et disponible à ce lien.
- Le premier amendement de la Constitution américaine (un des dix proclamés par la Bill of Rights) déclare la chose suivante : « Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof; or abridging the freedom of speech or of the press; or the right of the people peaceably to assemble, and to petition the Government for a redress of grievances ». En français, on peut le traduire de la manière suivante : « Le Congrès ne fera aucune loi pour conférer un statut institutionnel à une religion, (aucune loi) qui interdise le libre exercice d’une religion, (aucune loi) qui restreigne la liberté d’expression, ni la liberté de la presse, ni le droit des citoyens de se réunir pacifiquement et d’adresser à l’État des pétitions pour obtenir réparation de torts subis (sans risque de punition ou de représailles) ». Autrement dit, le Congrès (c’est-à-dire le Parlement américain), ne peut pas restreindre – entre autre – la liberté d’expression. L’article et sa traduction proviennent du site Wikipédia.
- Cette phrase a été relayée par le site en ligne Numerama dans un article disponible à ce lien.
- La déclaration de la ministre du droit des femmes est à retrouver sur le site du journal Le Figaro à ce lien.
- Rappelons-nous à cette occasion du vote par le Parlement français de l’article 20 (anciennement 13) de la Loi de Programmation Militaire, votée en décembre.
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