Sarkozy ne meurt jamais
L’ancien président bénéficie de la même
dynamique émotionnelle et électorale que Berlusconi.
Pour un
certain type d’homme politique – le combattant, le chef
charismatique –, il est une ambition plus gratifiante que la conquête du
pouvoir : c’est sa reconquête, après l’avoir perdu, ou bien la conviction
d’être regretté par le peuple et donc d’être aimé, peut-être après avoir été
détesté et chassé par ce même peuple.
S’il est
vrai que, comme disait De Gasperi, l’homme d’Etat pense aux prochaines
générations et le politique aux prochaines élections, le regret des concitoyens
les réunit tous les deux. C’est pourquoi nombre de leaders croient (ou veulent
croire) qu’ils pourront quitter la chronique pour se rapprocher de l’Histoire.
Le
sentiment de regret envers un homme politique correspond souvent à un moment où
nombreux sont ceux qui pensent se trouver dans une situation pire
qu’auparavant. Cette dynamique émotionnelle et électorale a bénéficié plus
d’une fois à Berlusconi.
C’est la
dynamique sur laquelle parie, dans la France en crise, Nicolas Sarkozy. Son
ambition de briguer de nouveau la présidence en 2017 n’est plus un secret
pour personne, même si rien n’est encore décidé et bien que le même ancien
président ne sorte pas de sa réserve. Ce qui est certain, c’est le climat
d’attente qui s’est créé dans l’opinion publique, dans un parti gaulliste
divisé par les rivalités et les factions, dans le cercle des amis et des
conseillers, dont certains se mettent déjà au travail pour préparer
l’événement.
Trop
tôt ? L’échéance de 2017 semble lointaine, et tout peut encore
arriver. Le parti gaulliste recollera peut-être les morceaux autour d’une
figure nouvelle. Ou bien le président socialiste François Hollande retrouvera
cette popularité trop rapidement disparue. Mais, en France, l’élection
présidentielle est la mère de toutes les batailles et, pour la mener, il faut
s’y préparer longuement à l’avance. Le système semi-présidentiel, tellement
personnalisé, pyramidal, centralisé, semble finalement construit exprès pour
amplifier le besoin de chef charismatique, de père de la nation et, en temps de
dépression collective, d’homme providentiel.
Ceux qui
connaissent la personnalité et le caractère de Sarkozy savent à quel point
pèsent d’autres composantes dans ce défi : désir de revanche, refus, à
58 ans, d’une retraite prématurée, si dorée soit-elle. Le véritable animal
politique ne quitte pas son habitat naturel. On dit de lui qu’il se sent comme
un lion en cage. Attentif, cependant, à calibrer une stratégie de communication
susceptible de faire oublier les erreurs qui lui ont coûté l’Elysée :
arrogance, boulimie de pouvoir, impulsivité sans limites, difficulté à écouter
jusqu’aux conseillers les plus sûrs. En outre, il devra prouver son innocence
face à des scandales et à des enquêtes judiciaires qui risquent de l’abattre et
referont ponctuellement surface dans une campagne électorale.
Populiste. Mais le temps ainsi que la
situation de la France d’aujourd’hui jouent en sa faveur. Et pas seulement en
raison de l’image détériorée de Hollande (plus élu grâce à un vote “contre”
Sarkozy que par réelle adhésion populaire) et de la demande croissante de
réformes.
Il existe
surtout une dynamique populiste, de gauche et particulièrement de droite,
dangereusement destructive et antieuropéenne, que Sarkozy pourrait canaliser en
un projet politique pour le pays, sans promettre la lune et sans être
contraint de marcher dans les pas du Front national de Marine Le Pen. Le
mécontentement qui s’est répandu dans toutes les classes sociales génère
regret et nostalgie. Ce sont les nerfs à vif de la France que Sarkozy saurait
peut-être toucher.
C’est le
syndrome du retour, si cher à l’imaginaire des Français. Depuis cinquante ans,
ils regrettent de Gaulle. Depuis trente ans, Mitterrand. Depuis deux siècles,
Napoléon – lequel était si sûr d’être regretté et aimé qu’il est sorti de
l’exil pour reconquérir le trône. Même si ce fut seulement pour cent jours.
Dessin de Glez paru dans le Journal du jeudi, Ouagadougou.
Source Courrier International
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