samedi 27 juillet 2013

Billets-Le fantasme de la voiture de fonction


Le fantasme de la voiture de fonction

 Personnalisation, services exclusifs, financement aux petits oignons... Dans l'entreprise, l'automobile a la cote. Les salariés y puisent un supplément "prestige", les employeurs boostent, grâce à leurs flottilles rutilantes, le fameux esprit "corporate" qui leur tient tant à cœur. Et, financièrement, c'est win-win pour tous. Explications.
  
Elle s'appelait Renault 21 Manager. Dans les années 90, c'était le Graal du cadre téméraire... et chanceux. Le privilège était tel qu'il n'avait, souvent, même pas le droit d'en choisir la couleur. Blanc banquise pour tout le monde, et surtout pas une option que le collègue n'a pas. Sacerdoce de quelques privilégiés, la voiture de fonction ? Plus vraiment : rouler aux frais de la princesse est totalement passé dans les mœurs. En France, les ventes de véhicules particuliers aux loueurs, constructeurs, sociétés et administrations ont représenté 45,26 % l'année dernière (source : Association auxiliaire de l'automobile), contre... 26 % en 1991.  

Ainsi donc, l'automobile, égérie du baby-boomer en quête de liberté, vit-elle de plus en plus sous perfusion de l'entreprise. En cause, tout d'abord : la baisse structurelle des ventes aux particuliers, presque continue depuis vingt ans, rarement interrompue par des effets de primes à la casse. En 2012, année sinistrée, ces dernières ont même plongé de 19,48 %. Pour Philippe Brendel, président de l'Observatoire du véhicule d'entreprise, les causes sont multiples : «Le recours aux véhicules de fonction, financièrement intéressants pour les entreprises et les collaborateurs, s'est tout d'abord développé. Mais il faut aussi relever que les activités des entreprises nécessitent de plus en plus de déplacements et de livraisons, notamment avec le phénomène du commerce par Internet et le développement des services.» Une voiture de fonction, c'est du win-win : le salarié, certes imposable par le dispositif de l'avantage en nature, paiera de toute façon sa voiture moins cher par ce biais que s'il l'achetait. Et l'employeur dépensera nettement moins que s'il augmentait son employé... Plus roublard, tu meurs.

L'apparition et le soutien de nouvelles formes de financement, toujours plus raffinées, a catalysé l'appétit de mobilité des sociétés, qu'il s'agisse du crédit-bail, marotte des petites PME ou de la plus tentaculaire «LLD», la location longue durée, choisie par les 4 500 entreprises qui disposent d'une flotte de plus de 500 voitures, louées et gérées (démarches administratives, assurance, assistance, entretien, réparations) pour des kilométrages et des durées définies par des établissements avant tout financiers que sont Arval, Lease Plan, GE Capital... Un business monumental, puisque, en France, la flotte gérée par les loueurs de longue durée dépasse le million de voitures... Pour les constructeurs, il faut prendre en compte la masse comme l'individu, l'ultraspécifique : la plupart des marques intègrent ainsi des cellules spéciales dédiées au sur-mesure. Renault, par exemple, dont le département Tech se consacre entièrement à l'adaptation des véhicules de société, qu'il s'agisse du transport de personnes à mobilité réduite, de l'aménagement d'utilitaires ou de la transformation de voitures particulières en autos-écoles. Sur un créneau plus envié, les constructeurs de prestige rivalisent d'attentions et de gadgets pour séduire les PDG pressés en quête d'un bureau mobile suraccessoirisé, surpersonnalisé. IPad intégrés aux dossiers, sièges spécifiques à réglages multiples, WiFi de bord... il n'y a presque pas de limites, comme en témoignent, entre autres, les berlines blindées proposées par BMW Security Vehicles ou les aménagements (cuir, boiseries) proposés par ses concurrents.

  • Finitions business
Ces dernières années, les marques ont aussi fait l'effort de calibrer leurs modèles, leurs services, en fonction d'exigences «pro». Des finitions exclusives «business» sont ainsi apparues en masse. Très équipées, elles chouchoutent la productivité du salarié mobile (GPS pour ne pas se perdre, climatisation pour garder la tête froide, radar de recul), sans oublier de flatter son ego. Octroyer une belle auto à un employé, c'est autant une manière de le valoriser que d'étouffer à l'avance d'éventuelles revendications... Comment réclamer quoi que ce soit à son patron lorsqu'il a eu la bonté de remplacer votre franchouillarde Clio de fonction par une VW Golf avec des jantes alliage ? Allons, ne soyez pas ingrat... Si vous êtes performant, le boss vous gratifiera dans deux ans d'une Audi A3. Un luxe inespéré ? Pas forcément : en matière de véhicule d'entreprise, le TCO, Total Cost Of Ownership, calcul sophistiqué (et variable selon son officine) du coût global d'utilisation d'une voiture d'entreprise, fait loi. A l'intérieur de ce barème, la valeur de revente estimée occupe une place prépondérante : les modèles chic ne sont pas forcément les plus chers, car ils décotent (parfois beaucoup) moins. De quoi relativiser les largesses de votre N + 12, même si celui-ci est soumis à une forte pression fiscale. Car, en France, où l'automobile a toujours été considérée comme un bien somptuaire, les entreprises rament pour rouler.

  • Le paradoxe du diesel
Pour Louis Daubin, directeur du magazine professionnel Kilomètres Entreprise, les pouvoirs publics ont encore du chemin à parcourir. «Les ventes aux sociétés constituent l'une des portes de sortie de la crise actuelle. En Grande-Bretagne, 70 % des voitures sont vendues aux entreprises. En France, nous sommes encore loin de ce chiffre. La fiscalité anglaise est extrêmement favorable aux salariés, qui ne paient pas d'impôts sur les avantages en nature, mais aussi aux entreprises avec l'impôt sur les sociétés et la TVS. Notre politique n'est pas incitative... c'est elle qui a fait disparaître le haut de gamme français.» Autre bizarrerie bien de chez nous, particulièrement gênante en plein débat sur la fiscalité écologique : un système qui favorise outrageusement le diesel, à triple titre. D'abord parce que le gazole est toujours moins taxé que l'essence, mais aussi parce que les dispositifs fiscaux sont conçus... sur mesure. Ainsi la TVS (taxe sur les véhicules de société), dont le mode de calcul est basé sur les émissions de CO2, favorise-t-elle naturellement les diesels, car moins émetteurs de gaz à effet de serre (mais posant des problèmes de pollution, dont les particules fines). Ultime aberration : les entreprises peuvent récupérer 80 % de la TVA sur le gazole, mais zéro sur l'essence. Kafkaïen. En matière de véhicules d'entreprise plus qu'ailleurs, la fiscalité fait loi. Les modèles hybrides, qui cartonnent, lui doivent tout : non seulement ils bénéficient d'un bonus de 4 000 € maximum, mais ils ouvrent le droit à une exemption de TVS pour... huit trimestres. Ecolo ? Non, juste corporate. C.Au.

  • DIS-MOI DANS QUOI TU ROULES, JE TE DIRAI TA PLACE DANS L'ORGANIGRAMME...
Une voiture de fonction, c'est le Jolly Jumper du salarié. A la fois une compagne de route et une médaille d'honneur.
140 g : niveau de CO2 au-delà duquel la taxe annuelle double pour les véhicules de société.

  • LA CHEF DE PRODUIT : RENAULT CLIO
Efficace mais speed, le commercial moderne a besoin du meilleur outil qui soit.... La nouvelle Clio, déjà en tête des ventes, a tout pour lui plaire : des moteurs frugaux, une grande polyvalence d'usage et un look valorisant. Une bonne affaire pour nombre de petites entreprises, qui souhaitent rester propriétaires de leurs autos.

  • LE DIRCOM : BMW SÉRIE 3
Le Graal de l'homme qui commence à réussir dans la vie est ici : la Série 3 de BMW, connue pour son agrément de conduite, sa qualité de fabrication impeccable et son look sportif qui situe tout de suite les ambitions de son conducteur... Chic, mais pas dispendieuse : ses moteurs et ses niveaux d'émission font référence.


  • LA CHEF DE FAB : CROSSOVER HYBRIDE
Rouler économique sans trucider la planète ? Le rêve. Les hybrides bénéficient d'une exemption de taxe sur les véhicules de société pendant deux ans. Avec les avantages fiscaux liés aux diesels et au bonus de 3 795 €, cette 3008 Hybrid4, déjà confortable, bien fabriquée et douce à conduire, est une affaire redoutable, car elle consomme très peu eu égard à son gabarit.


  • LE DRH : VOLKSWAGEN GOLF
Entre deux rendez-vous avec le consultant en restructuration et le cost-killer du contrôle de gestion, notre homme gère son temps avec une rigueur de métronome. Hyperéquipée et dotée d'un agrément de conduite à la pointe, la Golf VII est la meilleure compacte du marché. Avantage majeur : une décote moins forte que les françaises, pour une valeur de revente plus élevée.

  • L'ATTACHÉ DE PRESSE : RENAULT TWIZY
Pour faire parler de soi, rien de mieux que le gadget du moment bardé d'autocollants : le petit quadricycle électrique de Renault n'a certes pas beaucoup d'autonomie (environ 70 km), mais il conviendra aux stricts urbains qui aiment se garer partout sans recracher un gramme de C02, ni aucun polluant. En plus, il est fun à conduire...


  • LA SECRÉTAIRE DE DIRECTION : OPEL ADAM
Difficile pour un salarié dans le coup de résister à la meilleure concurrente directe de la Fiat 500 : la petite Opel Adam, qui n'existe qu'en essence (attention, TVA non récupérable), son intérieur nickel et ses possibilités de personnalisation jamais vues sur le marché : 61 000 pour l'extérieur et 82 000 pour l'intérieur !

  • L'ACTIONNAIRE : AUDI A7
Sa réussite est derrière lui. Plus besoin de ramer, ses journées sont devenues plus cool. Alors il cherche le plaisir : l'A7, grand coupé à cinq portes d'Audi, comblera cet homme exigeant par sa qualité de finition stratosphérique, sa silhouette unique et ses performances de vraie sportive...


  • L'INFORMATICIEN : TOYOTA AURIS HYBRID
Fasciné par les systèmes compliqués, notre geek roule beaucoup, mais abhorre le diesel, de plus en plus contesté. Et, même s'il ne peut récupérer la TVA sur le sans-plomb (seuls les diesels le peuvent, à 80 % mais ça pourrait changer !), il a choisi une hybride essence, pour sa douceur de fonctionnement en ville et ses consommations plancher. Un pionnier !

  • LA DIRECTRICE MARKETING : CITROËN DS5
A défaut de posséder un jet privé, autant demander à son boss la voiture qui s'en rapproche le plus. Disponible en hybride diesel, avec un bonus de 4 000 € et une exemption de taxe sur les véhicules de société pendant deux ans, cette frugale DS5, au style et à la finition unique n'est presque plus un caprice...
45 % des voitures particulières vendues en 2012 l'ont été à des entreprises ou à des collectivités - 4 500 : entreprises françaises possédant une flotte de plus de 500 voitures.

  • SUR MESURE
Les constructeurs ont tous développé des cellules spéciales pour les entreprises. Pour les artisans, Renault Tech, par exemple, équipe sur mesure ses utilitaires. Les constructeurs allemands (BMW, Audi, Mercedes), quant à eux, rivalisent de raffinement pour proposer des bureaux mobiles high-tech pour PDG du CAC.


Source marianne.net

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